La Presse Pontissalienne 284 - Septembre 2023

28 Mouthe - Région des lacs

La Presse Pontissalienne n°284 - Septembre 2023

ENVIRONNEMENT Agence Régionale de Biodiversité “Tout le monde doit se sentir

concerné par la biodiversité”

Basée à la City à Besançon, l’Agence Régionale de Biodiversité existe depuis juillet 2019. À quoi sert-elle ? Quels sont ses moyens humains et financiers ? Avec quelle gouvernance ? Éléments de réponse avec Stéphane Woynaroski, conseiller régional et président de cet Établissement Public de Coopération Environnementale.

L a Presse Pontissalienne : Dans quel cadre légal s’inscrivent les Agences Régionales de Biodiversité ? Stéphane Woynaroski : La création de ces agences a été rendue possible en août 2016 par la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. On parle aussi de loi Biodiv qui autorise donc la création de ces Établissements Publics de Coopération Environnementale. Marie-Guite Dufay la présidente de Région a décidé d’adhé rer à cette démarche. À partir de là, on a consulté les autorités compétentes et des acteurs de l’environnement. On a ainsi organisé de multiples ateliers qui ont finalement abouti à la création de l’A.R.B. Bourgogne-Franche-Comté en juillet 2019. F ranck Muller le médiateur a pris ses fonctions en avril dernier. Il teste différents dispositifs susceptibles de limiter les attaques de loup sur les troupeaux. Il travaille actuellement avec une dizaine d’exploitations en élevage bovin. “On équipe les animaux de colliers leds et ultrasons qui se déclenchent sur la base d’un accéléromètre. Dans un même lot, un bovin sur 5 est équipé. Sur un troupeau ovin, on serait à un animal sur dix porteur de ce type d’appareils.” Le médiateur teste aussi des dispositifs lumineux avec des boîtiers qui se déclen chent à la tombée de la nuit et fonction nent jusqu’au petit matin. Prochainement, il mettra en place une clôture électrique d’une hauteur variant d’1,2 à 1,45 m sur monté à son sommet d’un plan incliné, à l’instar des clôtures militaires, dissuadant toute attaque. “Ces expérimentations sont couplées avec des diagnostics de vulnérabilité pour savoir où intervenir et avec quelle technique. Au-delà du seul matériel, il s’avère également primordial de pouvoir installer des caméras pour observer le comportement des préda teurs. On a encore grand besoin d’ac quérir des connaissances sur le loup et ses capacités à contourner les obstacles. Certaines caméras sont déjà en place” indique Franck Muller. L.P.P. : Quelle est la gouvernance de cette struc ture ?

S.W. : Cet E.P.C.E. est dirigé par un conseil d’administration de 30 membres et j’en suis le président. Il n’y a que cinq conseillers régionaux au conseil d’administration, 3 de la majorité et 2 de l’opposition. Les autres sièges sont occupés par des représentants de l’O.F.B., le Département de la Nièvre, les parcs régionaux, des associations de protection de la nature, des fédéra tions de chasse, de pêche, le monde agricole, l’Université, et des personna lités qualifiées sans oublier un élu de la ville de Besançon où l’A.R.B. est ins tallée. Pour moi, l’A.R.B., c’est la maison commune de la biodiversité. L.P.P. : Avec quels moyens humains et finan ciers ? S.W. : L’A.R.B., c’est une équipe de 12 salariés dirigée par Luc Terraz. On trouve un pôle administratif, des char

“On travaille sur le temps long”, explique Stéphane Woynaroski, élu régional qui préside l’Agence

Loup : dix exploitations en expérimentation

Régionale de Biodiversité.

gés de missions. On se réunit une fois par trimestre pour échanger et délibérer sur un ordre du jour où l’on peut parler du budget, des ressources humaines, des missions… En 2023, on dispose d’un budget d’1 million d’euros. Les principaux contributeurs sont la Région et l’Office Français de Biodiversité qui versent 350 000 euros chacun. Un seul département a accepté de soutenir l’A.R.B., c’est celui de la Nièvre qui apporte 20 000 euros. On a aussi une aide de la D.R.E.A.L. et on touche le produit de diverses prestations réalisées par les salariés. L.P.P. : Que fait l’A.R.B. ? S.W. : Les deux années de préparation ont permis de définir les cinq missions confiées aujourd’hui à l’A.R.B. La pre mière est consacrée à la connaissance. On centralise les données en lien avec la biodiversité. Ces informations pro viennent de bases de données ou d’or ganismes comme la L.P.O., le conser vatoire botanique. Cela nous permet de créer pas mal d’indicateurs pour sortir des chiffres sur l’état de la bio diversité en Bourgogne-Franche-Comté. On a recueilli plus de 10 millions de données relatives aux 19 972 espèces inventoriées dans la région, dont 1 936 sont menacées. C’est dire l’importance d’agir en faveur de la biodiversité. L.P.P. : En quoi consiste la seconde mission ? S.W. : Elle a pour but de concilier la bio

diversité et l’économie. On vient juste de recruter un chargé de mission. Son rôle est d’accompagner les entreprises qui souhaitent s’investir dans la bio diversité : création de panneaux didac tiques, installation de ruches, mise au point des processus de fabrication plus respectueux de l’environnement… L.P.P. : Et les autres missions ? S.W. : La troisième est consacrée à l’édu cation à l’environnement. Il peut s’agir d’actions de communication, de créer des aires terrestres éducatives avec des scolaires qui choisissent d’organiser des sorties sur des écosystèmes mena cés. L’A.R.B. apporte une aide financière à ce dispositif qui comprend actuelle

sion avec le loup ? S.W. : On a constaté que le retour du loup vient impacter les activités d’éle vage ovin et bovin. D’où l’urgence et l’intérêt de créer une nouvelle mission “Grands Prédateurs - élevage”. Elle est gérée par un comité de pilotage. Il y a des agriculteurs, des chasseurs, des écologistes dans ce comité de pilotage. On arrive à débattre aujourd’hui de façon dépassionnée en se respectant les uns des autres. Un médiateur a été recruté en novembre 2022 suite à une décision du préfet du Doubs et de Marie Guite Dufay qui ont accepté de financer à parts égales cette nouvelle mission sur trois ans, à raison de 100 000 euros par an. Franck Muller, le médiateur, a pris ses fonctions au 1 er avril cette année. Cet ancien éleveur de moutons était très impliqué dans la protection des troupeaux. Il a engagé différentes expérimentations de protection : uti lisation de colliers anti-loup, pose de clôtures électriques spécifiques sur des élevages ovins et bovins, dont deux sont situés dans le Haut-Doubs du côté de Mouthe. L.P.P. : Les enjeux de la biodiversité sont encore loin de faire l’unanimité ! S.W. : C’est vrai. On travaille sur le temps long. Il faut changer les habi tudes, notre rapport au vivant. Tout le monde doit se sentir concerné par la biodiversité. n Propos recueillis par F.C.

ment une quarantaine d’aires terrestres édu catives. La quatrième mission procède de la mise en réseau. L’A.R.B. n’est pas là pour faire à la place de. Elle se mobilise pour que tout le monde travaille ensemble. Enfin, la dernière mission consiste à accompa gner la Région dans le cadre de la Straté gie Régionale de la Biodiversité. L.P.P. : L’A.R.B. s’est vu confier une sixième mis

À chaque expérimentation correspond un seul moyen de protection, ce qui per met d’en vérifier l’efficacité avant de son ger à travailler de façon plus globale. Avec les contraintes du milieu à gérer pour mener ces expérimentations, Franck Müller insiste aussi sur le besoin de pren dre en compte les attentes de l’éleveur dans la mise au point des protocoles d’étude. “Le facteur humain est très important” ajoute-t-il. n Les génisses ou veaux sont équipés de colliers leds et ultrasons.

“On a encore grand besoin d’acquérir des connaissances sur le loup.”

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