La Presse Pontissalienne 284 - Septembre 2023
16 Pontarlier et environs
La Presse Pontissalienne n°284 - Septembre 2023
FORÊT
Tous les peuplements touchés
LES SCOLYTES À L’ASSAUT
DES FORÊTS D’ALTITUDE
I l suffit de randonner sur les crêtes jurassiennes pour constater l’appa rition de tâches de plus en plus grandes d’épicéas victimes des insectes ravageurs et notamment du scolyte typographe. “Ce que l’on voit actuellement est la conséquence des attaques qui ont eu lieu ce printemps” , explique Mathieu Mirabel, responsable du département de la santé des forêts à la Direction Régionale de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Forêt. L’intensification des attaques de scolytes est en lien avec un déficit hydrique associé à des températures élevées survenues au cours de ce printemps et en cette pre mière moitié d’été, en particulier en alti tude, affectant des zones peu habituées à connaître pareilles conditions météo rologiques. “Les dégâts sont très visibles sur la zone des seconds plateaux et sur la haute chaîne jurassienne. On sait que les épidémies de scolytes sur les épicéas ont débuté en 2018. Le phénomène s’est nettement renforcé l’an dernier et l’épi démie progresse en altitude, notamment cette année où les surfaces atteintes sont au plus haut.” prolifère avec la multiplication des épisodes de sécheresse et de fortes chaleurs. Plus aucun peuplement d’épicéa commun n’est épargné par l’appétit du scolyte typographe qui
Il n’y a plus de frontière, de seuil altitu dinal. L’absence de précipitations ora geuses est néfaste aux pessières qui se retrouvent affaiblies par le déficit hydrique. Les conditions sont favorables au développement des scolytes. Si le chaud et le sec persistent jusqu’à l’automne, trois générations potentielles de typographes pourraient se produire comme ce fut déjà le cas en 2018-2019 2020-2022. “En altitude, les sols sont plus superficiels, ce qui renforce le stress hydrique des arbres” , ajoute Mathieu Mirabel. Le service de l’état sanitaire des forêts utilise différents protocoles pour évaluer la situation. “On travaille avec des correspondants observateurs. Il s’agit surtout de techniciens forestiers des domaines publics ou privés. On a aussi mis en place des protocoles d’éva luation sur des espaces bien déterminés
Les peuplements d’épicéa commun sont de plus en plus victimes du scolyte quelle que soit l’altitude (photo M. Mirabel - D.S.F., août 2023).
où l’on effectue des suivis sanitaires exhaustifs et réguliers. Pour calculer les surfaces touchées, on fait également appel à la télé détection en utilisant une méthode d’analyse créée par des chercheurs de l’I.N.R.A.” Les peuplements peuvent aussi être fragilisés par des catastrophes natu relles. Comme ce fut le cas
épidémique jusqu’à la mi-2024. Les mesures de lutte préventive sont toujours d’actualité même si les conditions météo rologiques restent le premier facteur de régulation des populations de scolytes. “On invite toujours les propriétaires à détecter les attaques le plus tôt possible. Pour abattre et sortir rapidement de la forêt les arbres attaqués. C’est la même chose pour les chablis survenus lors des coups de vent.” n F.C.
le 24 juillet dernier avec l’orage et les microrafales de forte intensité observé selon un axe Levier-Morteau-La Chaux de-Fonds. Les dégâts infligés alors aux peuplements forestiers sont localisés, quelques dizaines d’hectares, mais d’une très forte sévérité. Dans le canton de Neu châtel, plus impacté, cela représente plus de 1200 hectares de surfaces touchées. Ces arbres écimés et ces chablis consti tuent autant de sites propices au typo graphe. Faut-il s’attendre à voir d’autres
épicéas dépérir sur fond d’épidémie ? La situation actuelle reste actuellement évolutive. Des foyers de scolytes liés aux attaques de ce printemps continueront à apparaître dans les semaines à venir et les attaques de cet été ne se révéleront qu’à la reprise de végétation au printemps 2024. C’est seulement à partir de ce moment que pourra être dressé un bilan complet. Les populations de scolytes très élevées préfigurent une poursuite de la phase
Il n’y a plus de frontière, de seuil altitudinal.
BÛCHERONNAGE
Témoignages
“Avec les scolytes, le métier a changé du tout au tout”
“On perd du plaisir au
travail”, regrette Germain Tissot lui aussi bûcheron débardeur et administrateur au sein de l’association Pro-E.T.F.
L a situation sanitaire varie d’un massif forestier à l’autre. Les peuplements d’épicéas sont encore plu tôt bien préservés des attaques de scolytes du côté de la Laizinette-Dessus, un chalet planté 1 220 m d’altitude au cœur du Risoux, au-dessus de Mouthe. Du bonheur pour Adrien Salvi et Germain Tissot, les deux bûche rons-débardeurs qui interviennent dans les bois autour du chalet. “Entre les bois verts et les chablis à sortie d'urgence, on est saturé de travail. Ce printemps, on n’a fait pratiquement que des chablis” , explique Adrien Salvi qui inter vient aussi bien pour des privés que pour des communes. Il a d’ailleurs contractualisé avec Rochejean, les Longevilles-Mont d’Or, Fourcatier-et-Maison-Neuve sur des durées d’engagement variant d’un à trois ans. “On sort pratiquement quatre fois plus de chablis qu’avant” , déplore le bûcheron-débardeur de Rochejean
La multiplication des chablis transforme les façons de travailler des exploitants forestiers qui multiplient
les coupes sanitaires au détriment d’un prélèvement plus qualitatif.
Germain Tissot est lui aussi confronté à un problème de main d’œuvre, ce qui complique forcé ment la gestion des chantiers. “Il manque aussi des entreprises mécanisées dans le Haut-Doubs. Les communes doivent parfois attendre une année avant de voir une abatteuse intervenir dans leurs forêts.” Les bûcherons ont le moral en berne. “On sait qu’on ne remettra plus les pieds dans une coupe rase. C’est tout le contraire quand on fait des éclair cies” estime le professionnel. n F.C.
qui pointe aussi la difficulté à recruter des bûcherons. La pro fession traverse une crise de voca tion et l’attractivité de la Suisse n’arrange rien.
doute la profession qui pâtit le plus du réchauffement clima tique.” Et celui qui est aussi admi nistrateur de l’association Pro E.T.F. d’annoncer: “Avant, on faisait des chablis deux mois dans l’année et du bois vert le reste du temps. Maintenant c’est l’inverse.” Et ce n’est plus du tout le même plaisir de procéder à des coupes rases d’arbres scolytés que de cou per des arbres choisis dans l’idée d’une sylviculture plus qualitative. Ces coupes rases procèdent d’un triple objectif sanitaire, écono mique et sécuritaire.”
“Ce printemps, on n’a fait pratiquement que des chablis”, explique Adrien Salvi, bûcheron débardeur.
“On est saturé de travail” note Adrien Salvi.
Occupé à sortir des bois à bord de son impressionnant débardeur, Germain Tissot dresse à peu près le même constat : “Depuis trois ans, on ne fait pas le même métier. Avec les agricul teurs, on est sans
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