La Presse Pontissalienne 279 - Avril 2023
8 L’événement l Fédération de pêche
La Presse Pontissalienne n°279 - Avril 2023
Une situation critique
Pollution de l’eau : la justice
prend le problème à bras-le-corps
L’ image du garde de pêche réduit à relever des actes de braconnage n’est plus trop au goût du jour. “Cela représente tout au plus 20 % de mon temps de travail. Le métier a évolué. On est plus devenu des tech niciens qui utilisent des méthodes éco logiques pour évaluer des préjudices. On travaille en complémentarité avec l’O.F.B. C’est souvent à nous qu’il revient d’alerter puis de se constituer partie civile pour valoriser l’action des agents de l’État” , rappelle Alexandre Cheval, navré de toujours tenir le même discours quand il s’agit de parler de la qualité de l’eau des lacs et rivières du Haut Doubs. Aucune amélioration à noter depuis 10 ou 15 ans. “Je ne dis pas que rien n’a été fait mais ce qui compte, ce sont les résultats et ces résultats ne sont pas à la hauteur des attentes.” Les causes de pollution des rivières dans le département sont aujourd’hui connues et reconnues: agriculture, assainissement, industrie… L’exercice consiste plutôt aujourd’hui à déterminer la part de chacun dans l’équation. Une erreur selon Alexandre Cheval. “C’est une façon de se refiler la patate chaude. Chacun doit continuer à faire des efforts dans son domaine.” Une autre problé matique vient aussi se poser dans le Haut-Doubs, celle des ruisseaux, zones humides et rivières qui s’assèchent en été. Il semblerait d’ailleurs que la faune piscicole commence à s’habituer à ces épisodes de disette aquatique en allant se réfugier ailleurs. Autre sujet qui agace le garde-pêche : la notion de bon état écologique attri buée notamment au Dessoubre. “Pour moi, c’est juste du pipeau de politicien. comme l’indique Alexandre Cheval, l’un des trois gardes de la Fédération de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique du Doubs. Du côté des pêcheurs, on passe beaucoup de temps à compter les poissons malades sans jamais entrevoir l’esquisse d’une amélioration
S’il reconnaît que le monde agricole et la filière comté en particulier font des efforts, Alexandre Cheval, l’un des trois gardes de la Fédération de pêche du Doubs constate néanmoins que la qualité de l’eau dans le Doubs et
la Loue ne s’améliore toujours pas (photo archive L.P.P.).
ment et le Préfet sortaient un plan de mise aux normes des fromageries dans le Doubs. Plus personne n’est à l’abri. Ce n’est pas forcément une question d’argent mais beaucoup plus d’image écornée de ces sociétés et là, on touche au fondamental.” Fini les dossiers qui n’aboutissent plus, le traitement est maintenant concret. “Les choses se sont accélérées depuis un an sous l’impulsion de la substitut du procureur Claire Keller. La justice a pris le problème à bras-le-corps” estime Alexandre Cheval. Retrouvera-t-on un jour les paradis piscicoles de la Loue, du Dessoubre? Alexandre Cheval en doute : “Je suis inquiet mais je souhaite me tromper. Tous les voyants sont encore au rouge et j’espère que d’autres réus siront là où nous avons échoué. Moi aussi je me mets en constat d’échec.” n F.C.
surfaces agricoles. Au moment où l’on cherche à supprimer tous les anciens seuils qui bloquent et font augmenter la température de l’eau dans les rivières, certains voudraient construire de grandes bassines. C’est une aberration écologique.” Sur la consommation d’eau, le garde pêche estime qu’il faudrait aussi appren dre à l’économiser en mettant par exem ple en place des politiques incitatives. Il souscrit également à 100 % à la poli tique pénale mise en place depuis 2021 en Bourgogne-Franche-Comté en matière d’environnement. Le dispositif fonctionne avec deux audiences dédiées par an. “C’est insuffisant mais cela donne quand même des résultats. En juin 2022, plusieurs fromageries ont été mises à l’amende. La Fédération de pêche s’est constituée partie civile. Dans les semaines qui ont suivi, le Départe
ça au vu des résultats?…” Le propos est sensiblement le même au sujet des stations d’épuration du Haut-Doubs pas toujours en capacité de traiter les eaux usées générées par une population humaine en croissance
Le Dessoubre est un peu moins mal en point que la Loue mais on est loin des densités affichées il y a 30 ou 40 ans. Je ne dénigre pas les actions mises en place mais je suis plus critique sur les valeurs prises en compte pour tenir des telles affirmations.” Corporation souvent mise à l’index par les défenseurs de la qualité des eaux : l’agriculture est ses épandages. “Les agriculteurs ne peuvent pas se dédoua ner de leurs responsabilités même s’ils ont fait de gros efforts depuis 10 ou 15 ans pour se remettre aux normes. La question est de savoir si ces normes sont adaptées aux spécificités du territoire comme la capacité du sol à absorber des fertilisants. Il faut aussi reconnaître pour la filière comté, le travail du C.I.G.C. qui impose un cahier des charges de plus en plus drastique. Main tenant, quelle est la pertinence de tout
régulière. Les collec tivités ont encore des efforts à engager pour optimiser les rende ments des réseaux d’eau potable. Alexan dre Cheval ne com prend pas l’intérêt des grandes bassines qui défraient l’actua lité. “Il serait beau coup plus pertinent de reconstituer les zones humides qui avaient été asséchées pour augmenter les
Savoir si ces normes sont adaptées aux spécificités du territoire.
Une saison blanche pour L’union des Pêcheurs de Montgesoye
P ar 10 voix “oui” contre 5 “non”, le choix de fermer la pêche pour la saison 2023 a finalement été entériné lors de l’assemblée générale de l’Union
des Pêcheurs qui s’est tenue le 4 mars à Montgesoye. “On avait déjà fait la même chose il y a une dizaine d’années, suite aux pre mières pollutions observées sur la Loue. C’est assez malhonnête de vendre des cartes quand il n’y a plus de poissons” , estime Serge Bottagisi, le président de cette société de pêche privée. Le manque d’eau, la pollution, les écarts de température affai blissent les poissons souvent vic
times d’une infection fongique: la saprolégniose. Le manque d’eau assèche de plus en plus tôt les ruisseaux où vont se repro duire les truites et les ombres. La situation aurait même ten dance à s’aggraver. “Les truites avaient encore la force de remon ter frayer dans les ruisseaux puis elles succombaient à la maladie. Maintenant, on constate qu’elles périssent avant d’avoir pu se reproduire.” n
Les pêcheurs de Montgesoye ne sortiront
pas leur canne cette année… (photo d’illustration L. Daniel).
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