La Presse Pontissalienne 276 - Janvier 2023

4 L’interview du mois

La Presse Pontissalienne n°276 - Janvier 2023

ACTUALITÉ

Jean-François Colombet, le préfet du Doubs

“Nous allons devoir apprendre à vivre avec le loup” En ce début d’année, le préfet du Doubs balaie les principaux sujets d’actualité du département. Entre les questions sociales, environnementales, sanitaires, économiques et énergétiques, les problématiques ne manquent pas. Interview.

L a Presse Pontissalienne : Commen çons par le sujet dramatique de la situation bisontine à Planoise et ces jeunes qui meurent sous les balles dans un quartier gangrené par la drogue. Comment reconquérir ce territoire perdu de la République ? Jean-François Colombet : Planoise n’est pas un quartier perdu pour la Répu blique. Il existe des raisons objectives d’espérer que les lendemains seront meilleurs malgré les drames récents. Parce que d’abord l’activité judiciaire offre une réponse ferme et les fonction naires de police, et de gendarmerie dans la périphérie de Planoise, obtiennent de vrais résultats : les opérations anti rodéos, les squats démantelés - plus d’une soixantaine en quatre mois -, la lutte contre les points de deal , la nou velle brigade spécialisée de terrain, la présence 7 jours sur 7 de policiers, etc. Nous avons une vraie stratégie de sécu rité pour ce quartier. Malheureusement, l’argent des stupéfiants irrigue ce ter ritoire et crée une force d’attraction pour des jeunes qui se cherchent. Pour un gamin de 15 ans, il n’y a pas d’autre issue dans cette guerre des stups que la prison ou la mort. L.P.P. : Que pouvez-vous faire de plus ? J.-F.C. : Des crimes de sang sont commis sur ce territoire, mais nous agissons. En même temps, il nous faut conduire une action ambitieuse pour redonner

très concrètes, avec une politique réga lienne très ferme en direction des acti vités productrices d’effluents. Des mises en demeure, des perceptions d’astreinte ont déjà été enclenchées. Nous poussons fortement tous ceux qui dans la filière agricole ou fromagère n’ont pas encore engagé d’investissements de mise aux normes à le faire. Beaucoup l’ont compris et se sont mis aux normes dans les der niers mois. Nous continuons à mettre la pression car sur ce point je veux des résultats. Je rendrai d’ailleurs compte des premiers résultats de cette task force dès le mois de mars et je ferai en sorte que tout sur cette question soit transparent. L.P.P. : La filière comté n’a-t-elle pas trop pris d’essor dans notre département ? J.-F.C. : La filière comté est un trésor pour notre ruralité, elle fait vivre et rémunère au juste prix nos agriculteurs. Cette filière apporte un développement économique et tisse notre territoire. Il y a encore, c’est vrai, au sein de cette filière quelques opérateurs qui ne jouent pas encore le jeu. C’est vers eux que se concentre notre action. L.P.P. : Autre sujet environnemental qui cristallise les divisions : le loup. Comment réconcilier les pro et les anti-loups et comment réagissez vous au recours judiciaire que des associations ont intenté en fin d’année contre votre décision d’autoriser des tirs de défense ? J.-F.C. : Nous vivons dans un état de droit. Quand une autorité publique prend une décision, il est tout à fait normal qu’elle puisse être contestée et que la justice rende le droit. En ce qui concerne les tirs de défense que j’ai autorisés, je ne regrette pas du tout ma décision. Ces tirs avaient pour objectif de faire baisser la pression de la pré dation sur nos élevages, notamment sur les génisses qui vivent plus éloignées des exploitations. Deux loups ont été abattus, nous sommes d’ailleurs loin du quota autorisé par la loi, et ces tirs n’affectent en rien la survie de l’espèce. Il faut sur ce point continuer à cheminer sur une ligne de crête qui concilie à la fois la protection de l’espèce lupine dans laquelle la France est engagée et d’un autre côté la protection de nos trou peaux. Le Conseil régional et l’État financent le poste de médiateur ouvert par l’Office français de la biodiversité,

un horizon à ces 600 ou 800 jeunes per dus. C’est ce qui va nous amener à signer à la fin du mois de janvier un “pacte pour l’émancipation des jeunes de Pla noise” qui réunira de nombreux parte naires et financeurs autour d’une stra tégie globale et concrète qui concernera à la fois l’insertion, l’accès à l’emploi, la découverte des milieux économiques, des offres de soins et de santé, une diversification culturelle, un soutien à la parentalité pour mieux associer les parents de mineurs aux travaux de

Jean-François Colombet, préfet du Doubs, balaie les principaux sujets d’actualité du département en ce début d’année 2023.

leurs enfants et que les liens avec la commu nauté éducative soit ren forcés. L’État débloquera des moyens mais il ne peut pas régler seul le problème. C’est la raison pour laquelle nous sommes dans une approche partenariale et une vision globale. L.P.P. : Second sujet drama tique : l’état des rivières et notamment la mortalité pis cicole dans le Doubs franco suisse. Est-on arrivé à un point de non-retour ? J.-F.C. : Le plan “rivières karstiques” que nous avons lancé cet automne repose sur une task force et aboutit à des actions

“Pour un gamin de 15 ans, pas d’autre issue que la prison ou la mort.”

pour engager des expé rimentations de protec tion des troupeaux sur notre massif jurassien. Je précise enfin que les tirs de défense n’ont été autorisés que quand le loup était en position d’attaque et sous le contrôle de l’O.F.B. En ce début d’année, j’animerai des discussions avec les associations de protec tion de l’environnement pour protéger les trou peaux. Et sur ce point, on ne peut pas balayer d’un revers de la

mettre autour de la même table les chefs d’entreprise, les services de l’État, les collectivités pour d’abord qu’on se mette d’accord sur le constat. Et qu’en suite on travaille sur les vrais obstacles que sont la mobilité, le logement, la for mation, de manière à ce que notre patri moine économique survive à cette crise du recrutement. Car en même temps, côté suisse, avec un dynamisme écono mique toujours aussi important et une démographie insuffisamment bonne, c’est plus de 30 000 emplois qui seront à pourvoir et je vois là un vrai risque de dépouiller nos entreprises. En matière d’emploi, il faut engager des politiques disruptives. Nous soutien drons par exemple les aides à la pierre pour soutenir les collectivités locales en matière de création de nouveaux hébergements. L’emploi n’est plus un sujet de travail, c’est une approche glo bale sur ce que ce territoire peut offrir. L.P.P. : Le ministère de l’Industrie lance un grand plan de dynamisation de l’horlogerie française. Une énième étude ? J.-F.C. : Non, il s’agit de trouver les clés pour consolider une filière française qui n’entre pas en concurrence avec les Suisses. Pourquoi l’industrie horlogère suisse ne trouverait pas un intérêt à investir dans notre territoire pour péren niser ses capacités de production ? C’est une vraie question qui mérite qu’on la creuse. Ce peut être aussi l’objet de ce plan dont les résultats seront commu niqués fin mars. L.P.P. : Êtes-vous en mesure en ce début d’année de rassurer les usagers de la route sur la suite du programme de réalisation de la 2 X 2 voies sur la R.N. 57 entre Beure et Micropolis, vous

“J’utilise toute mon énergie pour que la R.N. 57 soit réalisée au plus vite.”

manche la crainte des gens par rapport au loup. Car nous allons devoir vivre avec cette espèce. L.P.P. : Dans le contexte économique, l’emploi semble être une de vos priorités de ce début d’année. Quelle est votre vision sur ce point ? J.-F.C. : Notre département n’est pas homogène sur ce sujet. Avec un secteur de Montbéliard qui a encore un taux de chômage élevé autour de 9 %, un bassin d’emploi de Besançon qui est quasiment au plein-emploi avec 6 %, et un Haut-Doubs déjà au plein-emploi. Si bien qu’on a un double défi : former ces derniers demandeurs d’emploi qui restent éloignés du marché du travail et regarder ce qu’il se passe au sein même des entreprises. En ce début d’an née, certaines sont en réel danger parce qu’elles n’arrivent plus à recruter. Sachant que 19 % des emplois du Doubs sont industriels. Fin janvier, je prendrai l’initiative de

Bio express l Depuis le 12 juillet 2021, Jean-François Colombet est préfet du Doubs, il a 62 ans l 2021 : il est titularisé préfet l 2019 : préfet de Mayotte, délégué du Gouvernement

l 2017 : secrétaire général de la préfecture de la Haute-Garonne (classe fonctionnelle I) l 2014 : secrétaire général de la préfecture de la Guadeloupe (classe fonctionnelle II) l 2011 : il est réintégré sous-préfet hors classe, directeur de cabinet du préfet de la région Alsace, préfet du Bas-Rhin

l 2010 : adjoint au secrétaire général pour les affaires régionales de la région Rhône-Alpes l 2008 : détaché administrateur civil, chargé de mission auprès du secrétaire général pour les affaires régionales auprès du préfet de la région Rhône-Alpes l 2008 : sous-préfet hors classe l 2006 : sous-préfet de Château-Thierry l 2005 : directeur de cabinet du préfet de la Région Réunion, préfet de la Réunion l 2004 : titularisé sous-préfet l 2003 : sous-préfet de 2 ème classe, sous-préfet de Pithiviers l 2000 : directeur des services du cabinet du préfet de l’Ardèche l 1995 : secrétaire général de la sous-préfecture de Montbrison (Loire) l 1992 : animateur de formation de la préfecture de la Loire l 1986 : affecté à la préfecture de la Loire. Bureau de la circulation, cabinet du préfet l 1984 : attaché de préfecture à la préfecture de l’Oise. Affecté au cabinet du préfet

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