La Presse Pontissalienne 276 - Janvier 2023
30 Histoire locale
La Presse Pontissalienne n°276 - Janvier 2023
TRANSPORT
Boujailles et Longemaison
Boujailles DEUX GARES ABANDONNÉES DANS LE HAUT-DOUBS Passer devant une gare sans vie, c’est un peu comme traverser une friche industrielle. On imagine alors des mouvements agités et rapides de voyageurs ou d’ouvriers. Souvenirs de deux gares tombées dans l’oubli avec Jean Cuynet, spécialiste local d’histoire ferroviaire. Boujailles, le pôle bois ferroviaire Plantée au milieu de nulle part, la gare de Boujailles est toujours située le long de la ligne internationale où circule notamment le T.G.V. Paris-Lausanne. Elle a fermé à la fin des années quatre-vingt-dix.
Le tracé de la ligne internationale évolue de façon significative après la mise en service à partir de 1915 de la voie rejoignant Lausanne via Frasne et le tunnel du Mont d’Or. “À partir de ce moment, la gare de Boujailles perd une partie de son attractivité.” Autre évolution notable à partir de 1928 avec la connexion de la ligne électrifiée en provenance de Champagnole. Boujailles devient alors un nœud ferroviaire de première impor tance. Pourquoi cette ligne aboutit à Boujailles et non pas en gare de Frasne comme cela semblait plus logique ? Pour Jean Cuynet, cette solution sans doute dictée par des considérations politiques relève toujours d’une aberration économique. Au cœur des plus belles forêts résineuses de France, les passages de train rythmaient la vie quotidienne. “Il y avait même un train de nuit qui faisait étape ici pour transporter les marchands de bois locaux vers la capitale.” L’activité marchandises a périclité quand un administratif parisien s’est mis en tête de fermer toutes les gares forestières du Jura et du Doubs à la fin des années qua tre-vingt-dix. L’activité bois repren dra quelques années après la tem pête de 1999 pour s’arrêter définitivement en 2002. n F.C.
La gare de Boujailles occupe un emplacement assez stratégique. Elle est équipée d’un gros réservoir d’eau pour recharger les locomo tives à vapeur. Avec l’augmenta tion du trafic de la ligne interna tionale, une seconde voie est installée vers 1900. Des trains prestigieux: le Cisalpin, le Sim plon-Orient Express, le Jean Jacques Rousseau passent à la gare de Boujailles. “C’est à cette époque qu’on installe un block. Ce dernier est équipé d’appareils élec tromagnétiques qui transmettent des informations via un cadran fléché assez semblable à une hor loge comtoise. L’aiguille du cadran se met en face du message appro prié. Ce système déjà très élaboré a fonctionné jusqu’en 1957.”
L’ isolement de cette gare désaffectée ne manque pas de surprendre le visi teur. À l’époque, le conseil municipal de Boujailles aurait refusé l’arrivée de la gare au centre du village pour ne pas avoir à subir les nuisances induites et perturber la vie agricole. L’im pression d’abandon est palpable en découvrant aujourd’hui ces ins tallations et ces bâtiments sans vie. Ouverte le 15 novembre 1862, la La ligne internationale est doublée en 1900. L’hôtel Le Jura Vert hébergeait les employés de scierie et les voyageurs de passage. Pour l’anecdote, Nadine Trintignant a été envoyée par ses parents dans cet établissement à la fin de la seconde guerre mondiale pour s’éloigner des bombardements parisiens.
gare de Boujailles est située au sommet d’une longue rampe appe lée “la bosse”. “Il fallait parfois ajouter une machine de pousse supplémentaire à l’arrière des trains de marchandises pour gra vir cette rampe. On surnommait la machine en question “tchouc tchouc” ou “pousse au cul”. Ce dou blement explique aussi la présence d’un pont tournant utilisé pour rediriger la seconde locomotive vers Mouchard” , note Jean Cuy net.
À la différence de la gare P.L.M. de Longemaison, le bâtiment de Boujailles comporte trois travées.
dote qui aurait pu s’avérer catastrophique quand des wagons chargés de lignite ont descendu la voie sans aucun contrôle pour s’arrêter quelques kilomètres plus bas dans un creux entre Longemaison et Épenoy. “Tous les dimanches matin après la messe, les hommes venaient boire un coup Claude Gardavaud, Zoom
E nfant de Longemaison, Claude Gardavaud le fondateur des Chalets Gardavaud à Valdahon évoque avec plaisir ses souve nirs de jeunesse dans cette com mune où il a vécu jusqu’à 24 ans. “Nous habitions à 100 mètres de la voie ferrée. Mon père était menuisier-ébéniste. C’est lui qui m’a appris ce métier après le certificat d’études. J’ai commencé à l’âge de 13 ans en 1941” , précise l’alerte nonagé naire. De la gare, il garde moult sou venirs. Les passages de train rythmaient la vie quotidienne des habitants de Longemaison. “Avec les jeunes du village, on avait pris l’habitude de se retrouver le dimanche soir à la gare pour discuter. On s’amusait souvent à poser des petits cailloux sur la voie puis on se cachait dans l’herbe. Depuis le pont routier situé pas très loin de la gare, on essayait aussi de viser toujours avec des petits cailloux la cheminée de la loco motive à vapeur.” Claude Gar davaud évoque aussi cette anec
Merveille d’équilibre, le pont tournant manuelle permettait de renvoyer vers Mouchard les locomotives utilisées en tournant pour gravir la bosse qui se terminait à Boujailles.
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