La Presse Pontissalienne 275 - Décembre 2022
16 Le dossier
La Presse Pontissalienne n°275 - Décembre 2022
FLAMBÉE DE L’ÉNERGIE : QUELS IMPACTS - CONCRETS - SUR L’ÉCONOMIE LOCALE ?
Les conséquences de l’envolée des cours du gaz et de l’électricité varient logiquement en fonction des process de production des entreprises. Plus on chauffe, plus ça coûte. Et Knauf (ex-Armstrong), sans doute le plus gros consommateur d’énergie du Haut-Doubs est déjà contraint de lever le pied pour de pas alourdir une facture de gaz qui pourrait s’avérer fatale. Les difficultés ne sont pas proportionnelles au chiffre d’affaires. Les artisans boulangers peuvent par exemple en témoigner. Rares sont finalement ceux qui échappent à ce surcoût énergétique. Dossier, exemples à l’appui.
l Boulangerie Inéligible au bouclier tarifaire “Depuis mai, juin, on s’enlise” Loïc et Laëtitia Tirole ont déjà surmonté pas mal d’obstacles depuis qu’ils ont repris en 2017 la boulangerie Aux Délices de Montbenoît. Mais pas sûr qu’ils résistent à la crise énergétique…
C e n’est pas franchement le scénario qu’ils envisageaient en reprenant ce qui était alors leur première affaire. Sitôt installé, le couple découvre qu’il va devoir composer avec les travaux d’aménagement de la traversée de Montbenoît qui vont durer 18 mois. Ce qui n’incite guère à s’arrêter dans les commerces riverains. À peine le chantier terminé qu’arrive le Covid. “On a pu travailler en sachant
comment le prix de la farine a doublé. “On en utilise environ 30 quintaux par mois sur une petite boulangerie comme la nôtre. En fait, le sucre, les œufs, le beurre, tout a augmenté, sauf l’eau” , poursuit Loïc Tirole qui emploie aussi un ouvrier. L’énergie représente l’un des plus gros postes de dépense de la boulangerie. Notamment le four qui est chauffé au fioul et qui représente une consom mation annuelle de 7 200 litres. “Les autres appareils fonctionnent à l’élec tricité avec une facture mensuelle de 300 euros” , poursuit le boulanger qui ne manque pas de relayer l’avis de décès de la profession lancé à l’échelle nationale par deux autres collègues. 500 d’entre eux avaient baissé le rideau le 25 octobre dernier. 80 % des boulangeries ne bénéficient pas du bouclier tarifaire qui limite à 15 % la hausse des prix de l’énergie. Le dispositif s’applique aux entreprises de moins de 10 salariés avec un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros par an et ayant un compteur électrique d’une puissance inférieure à 36 kVA. “Sauf qu’on a besoin d’une installation électrique un peu plus importante.” Loïc et Laëtitia Tirole avaient décidé en août dernier d’appliquer une hausse générale de 5 centimes sur tous les
que les gens se contentaient du strict nécessaire. Au niveau rentabilité, ce n’était pas l’idéal” , explique le jeune boulanger qui n’a pas eu le temps d’ap
précier les bienfaits de la reprise économique. L’invasion de l’Ukraine par la Russie s’est tra duite par l’envolée des cours du blé. Ajouter à cela une mauvaise récolte mondiale et voilà
“On essaie de tout cuire le matin.”
Avec la hausse des coûts de l’énergie et des matières premières, la boulangerie artisanale traverse une crise profonde qui pourrait s’avérer fatale pour beaucoup.
produits. Certains clients avaient déjà tiqué. “Il faudrait augmenter davantage si on voulait répercuter l’évolution des coûts de production. En réduisant encore le pouvoir d’achat, cette mesure pourrait s’avérer contre-productive.” Le boulanger de Montbenoît évoque une hausse de 20 % qui serait néces saire pour amortir la flambée des matières premières et de l’énergie avec une baguette qui passerait de 1,05 à 1,25 euro. Inconcevable. “Au niveau de la pâtisserie, il faudrait doubler, voire tripler les prix pour rester à flot. On fait de moins en moins de gâteaux.
On a toujours le même nombre de clients mais on constate que le panier moyen se réduit. Même si on a aussi la chance d’être en zone frontalière.” Pour faire face à l’augmentation des charges, le boulanger de Montbenoît a changé ses habitudes de travail. “On essaie de tout cuire le matin comme on l’a fait cet été. Depuis mai, juin, on s’enlise. On travaille moins qu’avant. Les gens évitent les dépenses superflues. On n’est pas trop optimiste. Ce sera peut-être notre dernier Noël…” , s’in quiète Loïc Tirole. n F.C.
Face à l’augmentation du prix du fioul utilisé pour chauffer son four à pain, Loïc Tirole évite de relancer des cuissons l’après-midi.
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