La Presse Pontissalienne 274 - Novembre 2022
4 L’interview du mois
La Presse Pontissalienne n°274 - Novembre 2022
POLITIQUE
Le président du Département du Jura
“Chalain est un joyau qui mérite tous les sacrifices” Personnage politique truculent, haut en couleur et aussi habile que malicieux, Clément Pernot n’hésite à prendre ses responsabilités que ce soit à la tête du Département du Jura ou au sein de la communauté de communes Champagnole-Nozeroy-Jura. Entretien.
La Presse Pontissalienne : Qu’est-ce qui se passe au lac de Chalain ? Clément Pernot : Ce lac est l’un des joyaux naturels du Jura. Avec les sécheresses à répétition, il s’eutrophise de façon alar mante en été, ce qui augmente la mor talité des poissons. On a été alerté par les pêcheurs il y a cinq ans. Ce phénomène s’observe sur d’autres plans d’eau en France comme au lac d’Aiguebelette en Savoie. Un conseil scientifique a été mis en place pour étudier la situation. Il a travaillé en étroite collaboration avec une commission spécifique du Départe ment du Jura. L.P.P. : Vous avez pris des mesures ? C.P. : La pollution du lac est multifacto rielle. Dans un premier temps, on a engagé des travaux obligatoires pour configurer les réseaux d’assainissement. On a également décidé de maintenir la cote naturelle du lac qui était rabaissée chaque été. En faisant cela, on inonde une bonne partie de la plage de Marigny. Celle de Doucier demeure mais néces sitera des aménagements. On était déjà dans un secteur saturé sur le plan de la circulation, victime en quelque sorte d’une surfréquentation notoire. L.P.P. : Que va-t-il advenir du camping le Domaine de Chalain ? C.P. : On a décidé de mettre fin à l’exploi tation massive de l’hôtellerie de plein air. On a engagé une étude sur un projet de fermeture partielle. Suite à un inven taire du parc d’hébergement, on main tiendra peut-être une petite activité sur une capacité d’accueil qui ne dépassera pas une centaine de places. Rien n’est encore acté et la décision sera prise dans les mois à venir. L.P.P. : Que représentait l’activité du domaine de Chalain en termes d’emploi ? C.P. : Une cinquantaine d’emplois avec une dizaine de professionnels dont les postes seront maintenus dans le nouveau projet. Ce qui se passe à Chalain, c’est d’abord une catastrophe naturelle avec un lac en perdition. Il faut lui donner un second souffle.
L.P.P. : Dans un autre registre, le Département du Jura a opté pour le retour de la limitation à 90 km/h dès que cela a été possible. Sans regret ? C.P. : Rappelons que la mise en place des 80 km/h s’est faite de façon autoritaire par Édouard Philippe. Les Départements étant les premiers gestionnaires d’espaces routiers, on a été vraiment surpris par la méthode du Premier ministre. Heu reusement la loi a évolué en permettant d’envisager le retour aux 90 km/h sur les routes les plus sûres. On a mené ce travail en collaboration avec les com missions de sécurité routière. Depuis septembre 2020, 350 km de routes dépar tementales étaient concernées. On vient de rajouter 145 km supplémentaires. L.P.P. : Vous soutenez toujours l’idée d’une autoroute entre Poligny et Vallorbe ? C.P. : Tout à fait. On milite activement pour bénéficier d’une infrastructure rou tière en quatre voies entre Poligny et Vallorbe. On voudrait que cela figure au contrat de plan État-Région, à l’exemple de ce qui s’était fait pour la route des Microtechniques. Pour moi, c’est une injustice à plus d’un titre pour les Juras siens qui manquent cruellement d’in frastructures routières plus sécurisées et plus rapides. Dans ce département du Jura qui a très peu d’infrastructures T.G.V., c’est lemoins qu’on puisse attendre de l’État. C.P. : Cela avait été estimé autour de 900 millions d’euros. Il n’existe aucune voie rapide permettant d’accéder entre les premiers et seconds plateaux juras siens. Les passages existants, je pense à la montée de Poligny en direction de Champagnole, sont en travaux perpétuels à cause de la fréquentation et des contraintes topographiques. On réclame une vraie accessibilité aux plateaux jurassiens. Poligny-Vallorbe, c’est aussi un axe Jura-Doubs qui ouvrirait de nou velles perspectives de mobilité. Pour mémoire, rappelons que ce dossier avait été enterré par DominiqueVoynet. C’était L.P.P. : On a une idée du montant d’un tel pro jet ?
L.P.P. : L’activité du camping était-elle la principale cause de pollution ? C.P. : Non, ce n’était pas le facteur essentiel. C’est vraiment en relevant le niveau du lac qu’on agira le plus efficacement. Cela déterminera aussi les possibilités de plage. Pour l’activité touristique, on s’oriente plus vers une formation de tou risme de proximité. L.P.P. : Fermer le Domaine ne doit pas être une décision facile ? C.P. : Chalain est le plus grand lac naturel du Jura. Il appartient au Conseil dépar temental. De ce fait, je suis en respon sabilité d’assurer la pérennité de cette merveille. C’est sûr que ce n’est pas une décision facile à prendre. Elle correspond néanmoins à une aspiration de la popu lation plus favorable à un tourisme qua litatif, respectueux de l’environnement. On s’engage dans une mutation du modèle touristique. L.P.P. : Le chantier est lourd… C.P. : Oui, car on repart d’une feuille blanche qui évoluera aussi dans le temps. En 2023, on fera en sorte que le site soit accessible à la baignade puis on affinera ce modèle de tourisme, de site de loisir à la journée en travaillant aussi sur les ailes de saison au printemps et à l’au
“Une autoroute entre Poligny et Vallorbe, c’est aussi un axe Jura-Doubs qui ouvrirait de nouvelles perspectives de mobilité”, estime Clément Pernot, le président du Conseil départemental du Jura.
premiers producteurs de lait à comté du département du Jura. C’est une fierté. L.P.P. : Vous avez récemment pris position sur le dossier des attaques du loup. Qu’en est-il exac tement ? C.P. : Le Conseil départemental a accepté de participer avec l’État au financement des jumelles de vision nocturne qui seront utilisées par les louvetiers en charge de protéger les troupeaux. Ma position est claire : on ne peut pas laisser le loup massacrer les troupeaux. Il faut privi légier l’élevage et c’est à l’État d’organiser la gestion du loup. Je ne pense pas que les deux soient compatibles. L.P.P. : Beaucoup d’observateurs soulignent le redressement économique assez exemplaire de Champagnole. Comment l’expliquer ? C.P. : On a vécu une période catastrophique après l’effondrement du tissu industriel issu de l’après-guerre. Les choses chan gent depuis une vingtaine d’années. On a aujourd’hui une industrie mécanique de très haut niveau et des entreprises historiques en pleine mutation comme Érasteel spécialisé dans les aciers rapides et le traitement de surfaces, les fonderies Thévenin, SaniJura. Le second axe concerne le développement commercial de Champagnole qui associe des grandes enseignes dans les zones et un centre ville toujours attractif. C’est aussi une vraie satisfaction que d’avoir reconstruit cette dynamique économique. Ici, nous sommes toujours en résistance ! L.P.P. : Le développement économique rime souvent avec pression foncière, c’est le cas à Champagnole ? C.P. : Oui, les deux sont liés d’autant plus que vient s’ajouter depuis quelques
l’une des conditions avancées pour qu’elle accepte d’être ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’En vironnement avec, bien sûr, la fin du Grand canal. Un tel axe de communication ouvre aussi tout le sud de la Franche-Comté vers Lyon et le sud de la France. Cela a du sens. Ce n’est pas qu’une obsession pernotesque. L.P.P. :Vous présidez la com munauté de communes Champagnole-Nozeroy Jura. Laquelle est issue de la fusion entre la com’com
“On ne peut pas laisser le loup massacrer les troupeaux.”
de Champagnole-Porte du Haut-Jura et celle du plateau de Nozeroy. Elle englobe 66 communes et plus de 25 000 habitants. Cette fusion effective depuis janvier 2017 est-elle une réussite ? C.P. : Au départ, j’étais même favorable à un regroupement associant aussi Poli gny, Arbois et Salins. Cela n’a pas pu se faire mais la loi contraignait néanmoins Nozeroy à se regrouper avec Champa gnole. La première année n’était pas facile mais les choses se sont vite arran gées. Le territoire y a gagné, c’est indé niable. Pour moi, c’est une véritable chance. Avec plus de moyens, on a pu investir dans différents projets : les bâti ments scolaires, la fibre, la création d’un office de tourisme plus grand et plus lisi ble, la maison France Services. On est aujourd’hui dans une harmonie de gestion assez sympathique. On s’enorgueillit même du fait que grâce à l’apport de Nozeroy, nous sommes maintenant les
tomne. Il y aura toujours des activités écono miques : restaurants, complexe aquatique, commerces, et des nou veautés liées aux activi tés de plein air… On continuera à valoriser la pratique de la randonnée, du vélo, duV.T.T. Chalain est un joyau qui mérite tous les sacrifices. Ici, les intérêts privés s’effacent devant l’intérêt général de préserver ce trésor naturel. Nous sommes en responsabilité d’agir ainsi vis-à-vis des géné rations qui nous succé deront.
“Ce qui se passe à Chalain, c’est d’abord une catastrophe naturelle.”
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