La Presse Pontissalienne 270 - Juillet 2022

4 L’interview du mois HÔTELLERIE-RESTAURATION Le président de l’U.M.I.H. du Doubs “Nos équipes ont surtout besoin de considération” La Presse Pontissalienne n°270 - Juillet 2022

Le chef étoilé Philippe Feuvrier (Auberge de la Roche à Morteau) est le président de l’U.M.I.H. (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) du Doubs. Face à la pénurie de personnel qui touche bon nombre de restaurants, il esquisse des solutions. Interview.

P.F. : Cette période de crise sanitaire a eu le mérite de resserrer les liens entre tous les acteurs de l’emploi. Avec l’U.M.I.H., nous avons des rapports étroits avec la préfecture notamment, les services de l’emploi, et je tiens à souligner que la mobilisation de tous les acteurs est bien réelle, avec éga lement Pôle emploi et son nouveau directeur régional. L.P.P. : Avec des résultats ? P.F. : Le contexte est difficile parce qu’aussi, la restauration n’est pas unmétier comme les autres. Il est évident que les établissements ne peuvent plus proposer des offres d’emploi à 1 300 euros par mois. En tant que président de l’U.M.I.H., je ne relaie plus de telles offres, il faut que tous les

L a Presse Pontissalienne : Cer tains restaurants dans le Doubs ne peuvent plus ouvrir ou que partiellement, faute de person nel. Quelle est la situation pré cisément ? Philippe Feuvrier : Plus de 15 % de nos 432 établissements adhérents dans le Doubs connaissent actuel lement des difficultés de recrute ment. Conséquence : des restau rants n’ont pas pu rouvrir leurs portes à la sortie duCovid, d’autres

sont obligés de ne plus ouvrir le week-end. La crise sanitaire a clairement laissé des traces sur l’organisation de certaines mai sons. Certains responsables d’éta blissements ont eu également du mal de se relancer après avoir eu des aides de l’État puis les prêts garantis par l’État en gérant dif ficilement cette période de crise.

L.P.P. : Comment la profession se remo bilise ?

Philippe Feuvrier est président de l’U.M.I.H. du Doubs depuis 2008.

19 heures pour repartir à 22 h 30, en ayant même pris le temps de prendre un armagnac, c’est un exemple à suivre. Par respect pour les équipes du restaurant. Sans être drastique, je pense qu’un encadrement des horaires serait le bienvenu. Sur la question des horaires, j’ai décidé dans mon res taurant de fermer le mardi midi pour que mes équipes aient deux jours et demi de congé d’affilée et ce,même si je renonce à du chiffre d’affaires le mardi. Par respect également, j’ai fermé le lundi de Pentecôte. Et tous les soirs, mes collaborateurs repartent avec la “banane”. L.P.P. : D’autres propositions ? P.F. : Si on veut continuer à donner des salaires intéressants, il fau drait que le gouvernement pense, au-delà d’un certain seuil chargé,

restaurateurs le comprennent. Ceux qui gardent leur personnel sont ceux qui respectent leurs salariés et leurs équipes. Person nellement, moi qui emploie 10 personnes plus du personnel à mi-temps, j’ai toujours tout fait pour que mon personnel se sente bien et ait envie de rester. L.P.P. : Quelles solutions préconisez-vous pour que la profession parvienne àmieux recruter ? P.F. : Il y a eu cet accord national sur les salaires et c’est très bien, mais ce n’est pas suffisant. Les équipes veulent du salaire, bien sûr, mais surtout de la considé ration. Je pense qu’il va falloir commencer par encadrer les horaires d’accueil du public dif féremment. Quand je vois les clients suisses, allemands ou autri chiens qui arrivent à table à

à ce que nos salariés puissent bénéficier de plus d’heures sup plémentaires défiscalisées. Je pense que ça permettrait de dégripper lamachine. Sur un autre registre, il faudra revoir le statut de saisonnier en rééquilibrant ce statut qui permet pour l’instant à un salarié de faire une saison puis d’être ensuite au chômage les 7 mois restants de l’année. Il faut aussi protéger le contrat horaire dit “petites mains” qui permet à des salariés de travailler 3 ou 4 heures par jour pendant quelques jours et de garder leurs droits sociaux. Je bataille aussi pour l’intégration plus rapide du personnel, y compris étranger et sans discrimination. Pour que les choses s’améliorent, il faut aussi que notre profession accepte de comprendre qu’un client, on le reçoit en souriant… Je souhaite aussi qu’on rencontre à nouveau les gens de l’Éducation nationale car j’estime qu’il y a toujours un manque d’objectivité flagrant dans l’orientation de nos jeunes. On semble punir les mauvais élèves en les envoyant dans la restau ration. Ce n’est plus acceptable. P.F. : Je prépare une lettre ouverte aux autorités et à toute notre pro fession qui doit se remettre en cause. Si beaucoup d’établisse ments sont irréprochables, d’autres ne respectent pas assez leur per sonnel. Parallèlement, nos entre prises sont également synonymes de charges et d’impôts pour l’État. Et ça aussi ça doit se respecter. n Propos recueillis par J.-F.H. L.P.P. : Prévoyez-vous des actions parti culières ?

Le Haut-Doubs, champion des difficultés de recrutement D ans sa dernière enquête sur les besoins en main-d’œuvre, Pôle Emploi Franche-Comté confirme que le bassin de Pontarlier a plus de difficultés que les autres à recruter. “Les recrutements sont jugés difficiles par les employeurs pour 71 % des projets de recrutement, en hausse de 21 points sur un an” note Pôle Emploi. Ces difficultés de recrutement se retrouvent principalement pour les métiers d’ouvriers non qualifiés des industries agroalimentaires, d’aide-soignant, d’infirmer, cadre infirmier et puériculteur, d’aide à domicile, d’aide ménager et de travailleur familial. Pour cette année 2022, toujours selon Pôle Emploi, 30,5 % des entre prises du bassin de Pontarlier projettent de recruter. Le nombre d’em bauches prévues cette année sur le bassin était estimé à 2 580. En hausse par rapport à 2021. n

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