La Presse Pontissalienne 269 - Juin 2022

34 Économie

La Presse Pontissalienne n°269 - Juin 2022

ÉCONOMIE

Une réflexion franco-suisse Quel avenir pour le télétravail frontalier ?

Soucieux de connaître la réalité du télétravail des frontaliers, les cantons de l’Arc jurassien ont diligenté une enquête statistique menée en début d’année auprès de 3 500 entreprises. Restitution et perspectives alors que l’accord amiable sur le télétravail transfrontalier signé pendant la pandémie entre la France et la Suisse arrive à son terme le 30 juin. Ce qui signifierait que la limite de 25 % de télétravail sera de nouveau appliquée pour les travailleurs frontaliers.

L’ Arc jurassien regroupe les can tons de Neuchâtel,Vaud, Berne et Jura. Plus de 65 000 travail leurs frontaliers dont 44% rési dent dans le Doubs, exercent dans cette région frontalière fortement marquée par son tissu industriel. Un nombre en constante augmentation comme le sou ligne Pierre-Alain Schnegg, conseiller d’État bernois, lors de la présentation des résultats de l’étude sur le télétravail. “Même en 2020, le nombre de frontaliers a progressé de 3,2 % et cette tendance reste toujours d’actualité” dit-il. La répartition des frontaliers dans l’Arc jurassien varie en fonction de la proximité avec la frontière. 58,5 % tra vaillent dans le canton de Vaud, 21,2 % dans le canton de Neuchâtel, 14,3 % dans le Jura et 6,1 % dans le canton de Berne. La proportion des travailleurs frontaliers dans l’ensemble des éta blissements des cantons jurassiens est en moyenne de 5,2 %. Ils travaillent majoritairement dans l’industrie manu

facturière dans les cantons de Berne, Jura et Neuchâtel où les proportions varient de 42 à 48 %, contrairement au canton de Vaud où ce pourcentage descend à 22 %. La différence s’explique simplement par l’importance du secteur horloger dans l’économie des trois pre miers cantons. D’autres secteurs occupent entre 10 % et 15 % des frontaliers : commerce, réparation automobile, services admi nistratifs, santé humaine, action sociale… “Le recours au télétravail

Élus français et suisses de l’arc jurassien étaient présents à Neuchâtel le 9 mai lors de la restitution de l’enquête sur le télétravail frontalier.

n’est pas nouveau mais cette pratique a forte ment augmenté avec la pandémie” , souligne David Éray, le président du gouvernement juras sien. Selon les réponses obte nues parmi les 3 500 entreprises sollicitées durant l’enquête, une extrapolation quantifie

“Monter à 40 %, soit deux jours de télétravail, c’est quelque chose qu’on peut défendre sous réserve de régler les questions des charges sociales, de la retraite”, indique Pascal Broulis, conseiller d’État vaudois

Deux jours de télétravail par semaine.

à 18 000 le nombre de frontaliers dans l’Arc jurassien ayant la possibilité de faire du télétravail, soit 21,4 % à 28,9 % des frontaliers selon les cantons. Plu sieurs facteurs interagissent. Les pos sibilités de télétravail augmentent en fonction de la taille de l’entreprise. Alors que seulement 40 % des micro entreprises offrent des possibilités de télétravail aux résidents suisses et 23 % aux frontaliers, ces parts s’élèvent à 80 % et 55 % pour les entreprises de 200 employés et plus. Le secteur d’ac tivité joue aussi un rôle déterminant. Il est logiquement plus facile de télé travailler dans les métiers tertiaires : information, assurances, finances admi nistration que dans l’hébergement, la restauration, l’industrie, la santé, le transport ou encore le commerce… Quand le télétravail est possible, le recours effectif au télétravail pour les frontaliers suit les mêmes tendances générales que pour les employés rési dant en Suisse. “Ce qui est logique avec la levée des restrictions mises en place dans le cadre de la pandémie” , note David Éray. Résultat : 61 % des fron taliers qui avaient la possibilité de télétravailler l’ont fait partiellement ou totalement. L’étude montre aussi que l’augmenta tion de la pratique du télétravail n’aura pas d’effets significatifs sur la politique et le périmètre de recrutement pour les entreprises de l’Arc jurassien. Quid de l’avenir du télétravail fronta lier ? Côté suisse, élus de l’Arc jurassien et employeurs militent pour aller au delà des 25 % appliqués avant l’accord amiable conclu entre la France et la Suisse pendant la pandémie. “Le vrai sujet, c’est comment faire perdurer ce télétravail qui est devenu une façon de vivre, un confort de vie ? , s’interroge Nicolas Boudin, directeur financier de Tag Heuer. On voudrait pouvoir pro poser deux jours de télétravail, soit 40 % du temps de travail avec l’espoir d’arriver à un consensus sur les ques tions de la fiscalité, des charges sociales, de la retraite. Pour nous, le télétravail, c’est devenu une nécessité.” Au-delà du confort apporté au bénéfi

ciaire, le télétravail est un élément de réponse à diverses problématiques de l’économie transfrontalière de l’Arc jurassien comme le souligne Annie Genevard, députée de la 5 ème circons cription. “On connaît les problèmes d’engorgement routier liés aux bouchons récurrents observés aux postes-frontières lors du passage des pendulaires. Le renforcement du télétravail permettrait d’alléger le trafic routier, ce qui n’est pas neutre au niveau du bilan carbone. Bien sûr, cela ne suffira pas à tout régler. 3 % seulement des frontaliers utilisent les transports collectifs, c’est incroya blement peu. On doit aussi améliorer le covoiturage.” En France, une résolution de l’Assem blée nationale concernant le télétravail des frontaliers a été déposée en mars 2022. Elle met en avant les gains de productivité, le bien-être des télé travailleurs, les enjeux climatiques. Elle soulève aussi les questions de l‘équité entre les frontaliers et les rési dents, et de la révision des conventions fiscales et sociales entre les deux pays. “C’est la première fois qu’est réalisé un état des lieux du télétravail, remarque Pierre-Alain Schnegg. On constate que cela répond à un certain nombre d’at tentes et qu’une évolution du dispositif imposera de bien prendre en compte l’incidence sur la fiscalité et les assu rances sociales.” Pascal Broulis, conseil ler d’État Vaudois abonde : “Le monde a changé. Les 25 %, c’était une base historique, monter à 40 %, c’est une chose qu’on peut défendre sous réserve de régler ces questions de charges

sociales, de retraite. Politiquement, les cantons concernés par le travail fron talier peuvent agir au niveau de la Confédération pour faire bouger les choses.” Que va-t-il se passer après le 30 juin ? “Il y aura sans doute une prorogation du dispositif. Dans cette résolution de loi, le point 7 invite l’Union Européenne à travailler sur la définition d’un vrai statut du travailleur frontalier, y com pris avec la Suisse.” n F.C.

“Il serait souhaitable de pérenniser ce régime”, estime Laurent Kurt, conseiller d’État neuchâtelois.

“Le renforcement du télétravail permettrait d’alléger le trafic routier, ce qui n’est pas neutre aussi au niveau du bilan carbone”, justifie la députée Annie Genevard.

“Le télétravail est devenu une nécessité, d’où l’importance d’arriver à un consensus”, note Nicolas Boudin, directeur financier de Tag Heuer pour qui deux jours par semaine semble un bon temps de télétravail.

Estimation du nombre de frontaliers avec possibilité de télétravail selon le canton (sources Enquête B.A.S.S.) Nombre de frontaliers avec possibilité de télétravail Berne 1 000 Jura 2 000 Neuchâtel 4 000 Vaud 11 000 Total Arc jurassien 18 000

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