La Presse Pontissalienne 269 - Juin 2022

Le dossier 21

La Presse Pontissalienne n°269 - Juin 2022

l Analyse Un politologue se penche sur les enjeux dans le Doubs “Il y a des cas de figure parfois illisibles pour les électeurs” Maître de conférences en sciences politiques aux Universités de Franche-Comté et Strasbourg, Vincent Lebrou analyse les forces en présence, les alliances parfois fragiles, la déconstruction de la droite, l’arrivée de nouveaux visages dans cette bataille des législatives.

L a Presse Pontissalienne : Après un fort taux d’absten tion à la Présidentielle, doit on s’attendre à une partici pation encore plus faible aux législatives, une élection qui n’a jamais emballé les électeurs ? Vincent Lebrou : Toutes les élections connaissent une baisse constante de la participation pour différentes raisons : le dés intérêt, la défiance, le manque de lisibilité. Les électeurs se détournent progressivement des différents scrutins. Même les élections municipales et prési dentielle, qui sont celles qui s’en sortent le mieux depuis plu sieurs années, sont touchées. Pour les législatives, on peut imaginer que le mouvement va se poursuivre. L.P.P. : Pourquoi ? V.L. : À force de recompositions, d’alliances, de défections, le jeu devient de moins en moins lisi ble. Si l’on n’est pas un obser vateur avisé ou directement concerné par ces questions, il est pour le moins difficile de s’y retrouver à l’image de la

deuxième circonscription où le député sortant (Éric Alauzet - Renaissance) est issu d’un parti (E.E.L.V. avant 2017) qui cette année investit un candidat, Sté phane Ravacley, qui n’est pas issu de ses rangs mais qu’il choi sit de soutenir dans le cadre de la Nouvelle union populaire éco logique et sociale (N.U.P.E.S.). “Horizons”, par exemple, ça vient d’où ? D’un parti de la majorité mais issu des Républicains. Ce cas de figure se retrouve sur la 5 ème circonscription où Annie Genevard (L.R.) sera face à Phi lippe Alpy

Luc Mélenchon y ait fait le score le plus élevé de la région est plu tôt prometteur. Maintenant, il faut que ceux qui se sont dépla cés pour la présidentielle - élec tion très médiatisée et qui repose sur la valorisation du profil des candidats - se déplacent à nou veau. L.P.P. : De nouveaux candidats veulent bousculer la vie politique à l’image du boulanger Stéphane Ravacley sur Besançon-2. Les novices ont-ils une chance ? V.L. : Il est très dur d’être un novice en politique et d’espérer accéder directement à un poste aussi prestigieux que celui de député, malgré la notoriété médiatique dont peut jouir Sté phane Ravacley. Historique ment, l’Assemblée nationale se renouvelle lentement et même quand on a un épisode inédit comme celui de 2017 (72 % de primo-députés), on se rend compte assez vite qu’il faut assez fortement nuancer cette idée de rupture et de renouvellement. Dans son dernier ouvrage, Étienne Ollion montre que tous

village a toujours voté.

L.P.P. : Ces mêmes électeurs donnent régulièrement à l’exécutif la majorité des sièges à l’Assemblée. Pourquoi cela changerait-il en 2022 ? V.L. : La principale variable dés ormais est cette alliance N.U.P.E.S. Peut-elle bouleverser le jeu ? Elle va changer les équi libres, mais de là à ce que la majorité présidentielle ne soit pas reconduite, c’est quand même quelque chose de difficile à envisager d’autant qu’elle repose elle aussi sur un accord assez large. L’entente demeure fragile. Lors de la Présidentielle, le P.C.F. et E.E.L.V. ont tapé sur Mélenchon. L.P.P. : Sur la première circonscription du Doubs (Besançon-1), peut-on esti mer que l’alliance permettra ce report de voix aux législatives, auquel cas la candidate L.F.I. Sandrine Vézies serait élue ? V.L. : Au vu des candidatures, on peut imaginer que c’est une cir conscription assez gagnable. Le report des voix n’a rien d’auto matique mais le fait que Jean

Le politologue Vincent Lebrou, ici à Besançon.

devrait bénéficier d’une voie un peu dégagée face à un député plus expérimenté avec déjà deux mandats mais qui doit surmon ter sa défaite des municipales et la seconde place d’EnMarche au premier tour de la présiden tielle à Besançon. L.P.P. : Quel rôle va jouer le Rassem blement National dans les territoires ruraux ? V.L. : Un rôle d’arbitre si la par ticipation est forte. Il devrait néanmoins reculer car il va subir la coalition. n Propos recueillis par E.Ch.

ces nouveaux députés ont long temps été dans ce qu’il appelle la “file d’attente” : ils étaient proches du monde politique comme militants par exemple. L’élection de 2017 a fait office d’appel d’air. Dans un contexte instable, marqué par de fortes recompositions partisanes (L.R.E.M. en 2017, N.U.P.E.S. en 2022), il y a de la place pour les novices mais ce sont les plus proches du monde politique qui s’en sortiront le mieux. Pour ce qui est de Stéphane Ravacley, la situation est intéressante : il est investi par E.E.L.V. donc il

(N.D.L.R. : jup péiste à la base) investi par Renaissance sous l’étiquette Hori zons. Des élec teurs voteront pour des candi dats dont ils ne connaissent pas le nom, c’est le grand paradoxe de la démocratie. Cer tains vont même voter comme leur

“Pour les législatives, c’est dur d’être novice.”

l Lutte ouvrière Sonya Morrison “Nous, c’est la lutte des classes, pas des places” Que les travailleurs puissent nous élire pour un programme de luttes. Voilà le message de Sonya Morrison, candidate de Lutte ouvrière.

La droite est réélue sans discontinuer depuis plusieurs décennies sur la V ème circonscription du Doubs. Annie Genevard est en poste depuis 2012, elle succédait alors à Jean-Marie Binétruy qui avait enchaîné deux mandats. Rappel. Les résultats des deux précédents scrutins

S onya Morrison, 40 ans, enseignante, se présente pour la première fois aux élections législatives. “Je défends le camp des travailleurs, comme Nathalie Arthaud” , dit-elle. Son parti, Lutte ouvrière, mène une campagne nationale et défend les mêmes idées partout dans le pays, ce qui n’empêche pas la can didate de parler de sujets plus locaux. Sur le fait de savoir si des travailleurs frontaliers peuvent voter pour elle, Sonya Morrison n’y voit aucun paradoxe : “Ce sont des travailleurs qui font face eux aussi à l’augmentation des loyers, du prix de l’essence. Peu importe le métier ou le salaire, nous sommes tous confrontés aux augmentations. Seule la lutte apportera une solu tion.À la différence des autres can didats, nous, c’est la lutte des classes, eux, c’est la lutte des places. Aucune élection ne peut protéger les travailleurs, assure-t-elle. Guerre, climat, inflation… tous les

Les résultats de 2017

V ème circonscription 1 er tour Annie Genevard (U.M.P.) Liliane Lucchesi (P.-S.) Nathalie Bertin (P.R.) V ème circonscription 1 er tour Annie Genevard (L.R.) Sylvie Le Hir (En Marche) Jérémy Navion (F.N.)

2 ème tour

Sonya Morrison et Claude Cuenot, son suppléant, pour Lutte ouvrière.

38,49 % 33,09 % 10,61 %

59,78 % 40,22 %

Annie Genevard Sylvie Le Hir

Les résultats de 2012

solution viendra des travailleurs qui sont les seuls à pouvoir arrêter la course à la catastrophe, à condi tion de renouer avec la conscience et la lutte de classes. Nous deman dons un salaire minimum de 2 000 euros” expose Sonya Morri son, suppléée par Claude Cuenot, 58 ans. n

problèmes qui se posent à l’huma nité ont une seule et même cause : la survivance d’un système d’ex ploitation, le capitalisme, dont seule la bourgeoisie tire profit alors qu’il entraîne la planète et l’hu manité vers l’abîme. Bien loin des calculs politiciens, nous voulons affirmer dans cette élection que la

2 ème tour

40,19 % 23,16 % 13,31 %

62,54 % 37,46 %

Annie Genevard Liliane Lucchesi

Made with FlippingBook - Online magazine maker