La Presse Pontissalienne 268 - Mai 2022
Le dossier 21
La Presse Pontissalienne n°267 - Avril 2022
l Lac Saint-Point Une tradition en voie de disparition ? Des mordus du corégone, il en existe encore La pêche du corégone continue de faire la renommée du lac Saint-Point même si les populations ne cessent de diminuer, au grand dam des pêcheurs qui demandent une élévation de la “maille”.
Après l’hiver, l’heure est venue de remettre la barque à l’eau pour Robert, accompagné ici de Jean-Claude Poux, président de l’A.P.P.M.A. de La Truite Pontissalienne. Pour la pêche du corégone, 10 hameçons sont autorisés sur une longueur maximale de 6 mètres.
C haque année, depuis trente ans, Robert et Christiane arrivent de Haguenau, en Alsace, pour les berges du lac Saint-Point. Ils y viennent pour pêcher un poisson emblématique : le corégone. “Nous sommes tombés amoureux de la région, alors on revient” lâche avec le sourire Robert, comme ragaillardi à l’idée de monter dans la barque mise à l’eau rive gauche.
être au plus proche de l’étendue d’eau. Le premier jour, Chris tiane remonte le premier coré gone. Sa taille : environ 40 cen timètres. De bon augure pour la suite. Pourtant, les pêcheurs le constatent : les parties de pêche sont moins mirobolantes, les éclosions de larves de chiro nomes (vers de vase) de plus en plus faibles,mis à part ce 26 avril où les basses pressions et la dou ceur favorisent les éclosions. Les poissons apprécient. “On a constaté cette diminution de coré gones , convient le passionné, qui demeure pourtant fidèle au site. Au départ, lorsque je pêchais ici, la réglementation permettait de prendre dix corégones par jour, puis huit, et enfin cinq aujourd’hui pour une taille mini male de 32 centimètres.” Malgré des prises limitées à 200 par an et par pêcheur par l’association de pêche La Truite Pontissa lienne, le cheptel diminue inlas sablement. Des tentatives de réintroduction d’alevins ont été menées, sans véritables effets. En 1978, selon les chiffres de la fédération départementale de pêche du Doubs, 23 kg de coré gone étaient pêchés pour 1 000 m 2 de filets tendus. En 1992, ce chiffre a chuté à 15,9 kg pour atteindre environ 10 kg selon les endroits en 2012. “On
En 1994, alors qu’il se balade au bord de la rive, cet Alsacien discute avec un pêcheur qui regagne le bord avec sa barque en bois. “Cet homme, c’était René Poulin, un grand pêcheur de coré gone très connu au lac, décédé depuis. Il m’a emmené une jour née… depuis, je suis toujours revenu” raconte le passionné. Arrivés le 26 avril dernier,Robert et sa femme pêchent ensemble. Ils louent un gîte à Saint-Point Lac durant quinze jours pour
prend des corégones de plus en plus en petits, que l’on relâche” convient un autre pêcheur. Malgré cette baisse, les passion nés sont au rendez-vous. “Beau coup de personnes viennent du Jura, d’Alsace ou de régions voi sines comme la Haute-Savoie pour pêcher le corégone. Ils sont plus nombreux que les autoch tones. C’est un vrai atout pour l’économie locale au niveau tou ristique” constate Jean-Claude Poux, président de laTruite Pon tissalienne qui gère la pêche sur le lac. Au sein de l’association, certains membres aimeraient que la “maille” soit remontée à 35 cen timètres et non 32, pour épar gner les juvéniles. Cela permet trait à davantage de poissons de frayer. La qualité de l’eau, sa température, et les habitats font
nombreux - moins de 12 000 pêcheurs dans le département contre 40 000 dans les années quatre-vingt-dix -, et le poisson, lui, va toujours aussi mal. n E.Ch.
partie des explications de la raré faction du ce poisson embléma tique. Les pêcheurs n’en sont pas la cause. Les réglementa tions n’ont jamais été aussi dra coniennes, les effectifs aussi peu
Restauration
La fin d’une époque
Christiane présente un corégone qui a mordu à l’hameçon.
Dans les restaurants, il y a bien longtemps qu’on ne mange plus de filets de corégone S on grand-père achetait le corégone aux pêcheurs de Saint-Point pour les de la ressource halieutique. Un kilo se négocie environ 25 euros. “J’ai tenté une fois d’acheter du corégone venu du Canada. C’était congelé, plein d’eau, je n’en ai jamais recommandé, ce n’était vraiment pas bon” poursuit Frédéric depuis son restaurant. Le filet de corégone a été rem placé par la truite de pisciculture. De l’avis d’un client, c’est tout aussi excellent. n Le restaurant L’Escale à Saint-Point Lac a remplacé depuis cinq ans les filets de corégone par les filets de truite. Selon le professionnel, les ven deurs suisses privilégient leurs clients historiques. Sur le Léman, on pêchait en 2020 l’équivalent de 203 tonnes de corégone contre 715 tonnes en 2015. Une baisse significative qui débouche sur des mesures de préservation
sauver l’eau potable”
préparer ensuite en filets. C’est désormais du passé et c’est interdit. Il faut posséder une licence de pêche qu’aucun pro fessionnel n’a sur Saint-Point. “Même avec toutes les prises de l’ensemble des pêcheurs réu nis de Saint-Point, il me serait impossible de proposer 100 kg de filets de corégone” image Frédéric Bouéry. Le patron du restaurant L’Escale est un fin pêcheur, une passion transmise à son fils qui, ce jour là, a réussi à ferrer un poisson. Depuis au moins cinq ans, le gérant ne propose plus sur sa carte de filets de corégone, un mets succulent paraît-il. Jadis approvisionné par les pêcheurs du lac Léman, il n’a plus la pos sibilité d’en acheter là-bas.
Frédéric Bouéry, gérant du restaurant L’Escale, issu d’une famille de pêcheurs.
La biomasse de truites farios dans le Dessoubre à Consolation “se maintient à un niveau élevé.” (source : fédération pêche 25).
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