La Presse Pontissalienne 265 - Février 2022

4 L’interview du mois

La Presse Pontissalienne n°265 - Février 2022

ÉVÉNEMENT

Daniel Prieur

“Une médaille à Paris, c’est quelque chose !” Le prochain Salon de l’agriculture se tiendra du 26 février au 6 mars. Une très bonne nouvelle pour

L a Presse Pontissalienne : Quelle impor- tance revêt selon vous le Salon de l’agri- culture ? Daniel Prieur : Pour moi, c’est de la même nature que les comices mais à l’échelle nationale. Ce salon porte en lui une dimension historique avec les concours, les expositions…C’est aussi l’occasion de montrer l’agriculture sur un front uni avec les syndicats, les organisations professionnelles, les représentants des territoires. L’agriculture n’a pas de frontière. Elle reste universelle et conti- nue à faire résonner des choses dans les campagnes. Il y a quelques années de cela, au début de l’agri-bashing et des scandales dans les abattoirs, je remontais les allées duHall 1 aumilieu des vaches, des moutons, des cochons. Et là, je me suis dit c’est impossible que cela s’arrête. Que serait la France des territoires sans son agriculture ? L.P.P. : C’est le paysan philosophe qui s’ex- prime ? D.P. : L’agriculture reste un symbole de notre histoire. On a célébré les 200 ans de la mort de Napoléon qui ne partait jamais sur les champs de bataille sans emporter avec lui des bouteilles de Gevrey-Chambertin ! Je lisais récem- ment un livre sur les syndicats de frui- tière en 1902 avec des commentaires de Comtois expatriés à Paris pour qui le Salon de l’agriculture était d’abord un lieu de retrouvailles. Le salon reste l’endroit où il faut être, surtout en cette année électorale. C’est un lieu de pas- sage incontournable pour les hommes politiques. Emmanuel Macron est resté plus longtemps sur le salon que Jacques Chirac. L.P.P. : Tous ne sont pas aussi bien accueillis ! D.P. : Effectivement car le salon est aussi un lieu de controverses. J’ai eu l’occasion dans mes mandats syndicaux de rece- voir des personnalités comme Nicolas Hulot avec qui nous avions échangé sur la traçabilité des produits phyto- sanitaires. Comme quoi, la cause envi- ronnementale et la cause agricole sont capables de progresser ensemble. Ceux qui se retrouvent au salon professionnel du S.P.A.C.E. estiment parfois que le salon de la Porte de Versailles s’appa- rente plus à une ménagerie qu’autre chose. Ce à quoi je leur réponds, loin s’en faut car c’est l’ensemble qui donne un équilibre entre les territoires, les producteurs et les techniques. On le voit bien dans le Doubs avec les Projets Alimentaires Territoriaux mis en place sur Besançon, Montbéliard, Pontarlier et bientôt au niveau de la com’com des Portes du Haut-Doubs. Daniel Prieur le président de la chambre d’agriculture interdépartementale Doubs et Territoire de Belfort. Rencontre et confidences.

“Ceux qui s’occupent des concours d'autres races nous demandent : qu’est-ce qu’ils ont les “montbéliards” ? Je réponds que les racines sont profondes”, sourit un Daniel Prieur impatient de remonter à Paris.

liards” ? Je réponds que les racines sont profondes. L.P.P. : Et toujours vivaces ? D.P. : Plus que jamais. Dans les élevages sélectionnés, on retrouve des habitués mais aussi des nouveaux. Il y a de l’émulation. Je suis également surpris de la féminisation des jeunes dans les concours, les fêtes agricoles. Ce n’est plus seulement une affaire d’hommes. Le président que je suis est ravi de représenter un état d’esprit où les jeunes s’expriment. L.P.P. : Tout n’est pas rose pour autant sur la planète comté ? D.P. : Non. Il faut aussi prendre en compte le revers de la médaille avec des producteurs de comté qui sont néanmoins prêts à discuter pour trou- ver des solutions pour avoir une région d’excellence. L.P.P. : On constate encore des dérives avec des fromageries aux rejets polluants ! D.P. : On ne peut pas ignorer l’impact sur l’environnement. Sur ce dossier, la Chambre d’agriculture s’est positionnée pour recueillir les plaintes et éviter que les uns et les autres ne fassent des conneries.

D.P. : La France n’est plus majoritaire- ment agricole, elle a aujourd’hui de multiples visages. Mais pendant une semaine, le temps du Salon, elle rede- vient la France Agricole. Tous les médias sont présents. L’onde de choc se répercute aussi sur les réseaux sociaux comme j’ai pu le constater moi- même. L.P.P. : Dans quelles circonstances ? D.P. : Au dernier concours de la mont- béliarde organisé lors du salon 2020, un juge a perdu le talon de sa chaus- sure, ce qui l’empêchait de se déplacer correctement autour des bêtes. Je lui ai prêté l’une de mes chaussures et cette anecdote est passée sur les réseaux. J’ai reçu un nombre invrai- semblable de commentaires sur la cou- leur de mes chaussettes. L.P.P. : L’agriculture est toujours dans le cœur des Français ! D.P. : C’est le président bientôt en retraite (en septembre prochain) de la chambre d’agriculture qui parle. Pour moi, cela reste un sujet de société à part entière. On a tous entendu parler des steaks au pétrole, du mouvement vegan qui prône une alimentation non carnée. L’alimentation, donc l’agriculture, est toujours au cœur de discussions.

L.P.P. : Le Salon ne se limite pas aux animaux ? D.P. : Effectivement. Il ne faut surtout pas oublier les autres concours qui per- mettent de valoriser les produits. Une médaille à Paris, c’est quelque chose. C’est vrai, bien sûr, pour les fromagers, les affineurs qui y voient la récompense d’un savoir-faire. Il y a la tradition, l’innovation, la diversification. Les éta- blissements agricoles du Doubs sont présents à Paris. Ils participent au tro- phée national des lycées agricoles. Dan- nemarie est souvent récompensé. On a de belles surprises avec des Francs- Comtois qui s’illustrent parfois aux Olympiades des bergers. L.P.P. : Quelques mots sur l’autre flambeau de l’élevage local : les chevaux comtois. D.P. : Cette filière a retrouvé de la crois- sance au Japon depuis que la pêche au thon rouge est réduite. La viande de cheval devient une protéine de subs- titution. L.P.P. : Le cadre sanitaire peut-il réduire l’at- tractivité du salon 2022 ? D.P. : Ce volet sanitaire m’inquiète, même si on ne connaît pas encore le détail des mesures. Si la fréquentation passe de 800 000 à 300 000 visiteurs, ce ne sera pas un bon indicateur. n Propos recueillis par F.C.

L.P.P. : Pourquoi le Doubs est toujours présent en force au salon ? D.P. : C’est le reflet de la vitalité de ces filières. Le concours de la race mont- béliarde cristallise l’attention. C’est le point d’orgue. 1 500 personnes viennent assister au chargement de la sélection des vaches qui défendront les couleurs de l’élevage local. Quand on se promène

dans les allées du Salon, on se rend vite compte qu’il y a des départements plus accros que d’autres. Ce concours montbé- liard est l’expres- sion d’une passion commune qu’on retrouve aussi autour du biathlon. On peut y voir un certain chauvi- nisme, une valeur refuge, un senti- ment d’appartenir à un territoire. Ceux qui s’occupent des concours d’autres races nous deman- dent qu’est-ce qu’ils ont les “montbé-

“Le Salon de l’agriculture est un lieu de retrouvailles.”

L.P.P. : Pourquoi le Salon est-il si populaire ?

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