La Presse Pontissalienne 264 - Janvier 2022

4 L’interview du mois

La Presse Pontissalienne n°264 - Janvier 2022

DIPLOMATIE

Consul général de Suisse

“Ce sont nos différences qui font nos forces” Basé à Lyon, Pascal Bornoz est le représentant des plus de 100 000 citoyens suisses installés dans une circonscription qui couvre notamment le département du Doubs. Tour d’horizon des sujets qui occupent le diplomate helvétique au quotidien.

L a Presse Pontissalienne : Quel est le périmètre d’action du consulat général de Suisse à Lyon ? Pascal Bornoz : Le consulat général de Suisse, avec son équipe de 21 collaboratrices et collaborateurs est présent à Lyon depuis plus de deux siècles. Cette représentation encourage le dialogue de proximité et promeut les intérêts de la Suisse dans une circonscription qui regroupe les régions Auvergne- Rhône-Alpes et Bourgogne- Franche-Comté. Cette circonscrip- tion recense plus de la moitié des quelque 200 000 concitoyennes et concitoyens établis en France à ce jour. Ce dernier constat fait d’ail- leurs de ce consulat général la plus importante représentation consu- laire suisse au monde en termes de compatriotes enregistrés. Si une partie essentielle de nos acti- vités quotidiennes est étroitement liée à l’encadrement de notre com- munauté, notamment l’établisse- ment de documents d’identité, le traitement de cas d’état civil et de citoyenneté, d’assistance aux per- sonnes en difficultés, de questions notariales ou juridiques, de sécurité sociale, ou encore relatives à la prise de domicile en France, nous suivons également activement l’évolution de la coopération sou- tenue et diversifiée entre de nom- breux partenaires de part et d’autre des 500 kilomètres de frontière commune avec la France, du Ter- ritoire de Belfort au nord-est à Saint-Gingolph au sud-est. L.P.P. : Pouvez-vous décrire en quelques mots le travail au quotidien du Consul général et du consulat ? P.B. : La mobilité transfrontalière, l’énergie, l’environnement, le déve- loppement durable commun consti- tuent un échantillon de dossiers qui retiennent notre attention et, au besoin, sont traités au plan régional ou de pair avec les autres membres de l’équipe de Suisse en France, que cela soit à Paris, Stras- bourg ou Marseille. Nous accom- pagnons d’autre part les entrepre- neurs et artistes suisses de passage dans notre circonscription et favo- risons les échanges académiques et scientifiques. À noter que dans le cadre du déploiement de nos activités quotidiennes nous pou- vons nous appuyer sur l’expertise et le soutien de deux Consuls hono- raires, l’un à Annecy, l’autre à Besançon. En tant que Consul général, j’assume la responsabilité sur l’ensemble des activités, je joue un rôle actif dans la promotion des intérêts de la Suisse, respective- ment du développement commun, et je suis l’interlocuteur privilégié des autorités locales dans le cadre des relations régionales transfron-

talières.

nos deux gouvernements et nous traitons des demandes qui nous parviennent quotidiennement par téléphone ou courriel. L.P.P. : Risque-t-on d’aller vers plus de restrictions à partir de ce mois de janvier et les travailleurs frontaliers pourraient- ils être touchés ? P.B. : Pour l’instant, pas à ma connaissance. L.P.P. : Connaissez-vous les principales raisons d’installation de vos compatriotes suisses en France ? P.B. : Elles sont diverses selon les sources : proximité géographique, linguistique et culturelle, tradition migratoire par exemple pour le commerce ou l’artisanat, ou encore logements plus abordables. L.P.P. : Avec une très longue frontière franco-suisse, quelles sont les spéci- ficités de ce territoire en termes d’échanges transfrontaliers ? P.B. : La frontière entre la France et la Suisse s’étale en effet sur 572 km, dont 50 sur le Léman, et 230 avec la Bourgogne- Franche-Comté. Elle longe éga- lement huit cantons suisses (BL, BS, SO, JU, NE, VD, GE, VS) et six départements français (Haut- Rhin,Territoire de Belfort, Doubs, Jura, Ain et Haute-Savoie) de trois régions françaises (Grand Est, B.F.C. et A.U.R.A.). Les échanges sont donc forcément riches et intenses et se caracté- risent par des contacts étroits entretenus à tous les niveaux et par une coopération transfron- talière bien institutionnalisée, permettant ainsi d’anticiper ou de régler d’éventuelles difficultés. De nombreux mécanismes de coo- pération existent (Arcjurassien.org, Conseil du Léman…). Il est à noter qu’en- semble, les trois régions fronta- lières A.U.R.A., B.F.C. et Grand Est concentrent près de la moitié du volume des échanges commer- ciaux entre nos deux pays. L.P.P. : Des résidents suisses en France travaillent-ils côté suisse et sont-ils considérés dès lors comme des travail- leurs frontaliers ? P.B. : Le cas échéant “oui avec un statut particulier”. Par exemple, il est indispensable d’avoir un permis de travail en Suisse, pour travailler dans une entreprise. En revanche, les frontaliers de nationalité suisse n’en ont pas besoin. Concernant le chômage, pour les frontaliers travaillant en Suisse et vivant en France, en cas de chômage en Suisse à 100 %, tout frontalier suisse, quelle que soit sa nationalité, qui réside en France, bénéficie des prestations

L.P.P. : Vous êtes-vous déjà déplacé dans le Haut-Doubs ? P.B. : Bien sûr, plusieurs fois, notamment à Pontarlier où j’y ai rencontré le maire et la députée Annie Genevard pour y aborder les questions d’activités doua- nières et policières, et pour décou- vrir les activités et les locaux pon- tissaliens de la Chambre de commerce et d’industrie. Et àMor- teau où j’ai visité une des seules écoles de formation qui délivre un diplôme transfrontalier : le lycée horloger Edgar-Faure. L.P.P. : Le territoire dont vous avez la responsabilité couvre les deux régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne- Franche-Comté, plus étendu que la Suisse entière. Comment assurez-vous une “présence” sur tout le territoire ? P.B. : La superficie de l’arrondis- sement consulaire est effective- ment trois fois supérieure à celle de la Suisse.Un réseau de contacts à divers niveaux, deux consuls honoraires (Annecy et Besançon), quelque 33 clubs ou associations suisses, des déplacements (entre- tiens officiels, participation à des réunions institutionnelles, etc.) et le soutien à l’organisation d’évé- nements ponctuels (principale- ment de nature culturelle) contri- buent à soigner un dialogue de proximité et à marquer notre pré- sence sur le territoire. L.P.P. : Combien de citoyens suisses sont- ils établis sur votre territoire, notamment en Franche-Comté et dans le Doubs ? P.B. : Sur les quelque 200 000 com- patriotes établis en France, envi- ron 108 000 résidents dans l’ar- rondissement consulaire de mon consulat général de Suisse à Lyon. Dans le détail, environ 82 000 en Auvergne-Rhône-Alpes et environ 26 000 en Bourgogne-Franche- Comté, dont

Pascal Bornoz est Consul général de suisse à Lyon depuis septembre 2019. Il devrait rester en poste au total quatre ans.

Bio express l Pascal Bornoz est né en 1964, il est originaire de Tévenon dans le canton de Vaud (entre Sainte- Croix et Yverdon) l Il est entré en 1994 au service du Département fédéral des affaires étrangères Barcelone, Santiago du Chili, Bangkok, Riyad, ainsi qu’auprès de la Direction des ressources puis de la Direction politique (division Afrique du Nord et Moyen-Orient) à Berne l Nommé Consul général à Vancouver en 2016, il est depuis septembre 2019 chef de poste à Lyon l Il est marié et père de 3 enfants et a été en poste successivement à

chômage françaises. S’il y a chô- mage partiel, c’est l’employeur qui se charge de faire les démarches auprès des institutions suisses. Les droits au chômage sont les mêmes pour tous les travailleurs, suisses et étrangers. L.P.P. : Dans quels secteurs s’installent le plus les citoyens suisses en France ? (région Franche-Comté, Haut-Doubs, Gene- vois français, Lyon ?..). P.B. : Principalement dans les dépar- tements français voisins de la fron- tière suisse (bassin de vie) : Haute- Savoie,Ain, Jura, Doubs,Territoire de Belfort. L.P.P. : Suivez-vous les discussions autour de l’amélioration des liaisons franco- suisses par la route ou par le rail entre la Franche-Comté et la Suisse voisine ? P.B. : Oui, bien sûr, à l’instar ou sur mandat spécifique de l’office fédéral des transports. L.P.P. : Quel est votre avis sur les structures de collaboration entre collectivités fran- çaises et suisses (genre Aire de proximité Mont d’Or-Chasseron côté Pontarlier-Vaud, ou Agglomération urbaine du Doubs côté Morteau-La Chaux-de-Fonds ?). Ont-elles une pertinence ? P.B. : Toute action visant à promou- voir le développement commun est pertinente à mon sens, et ces struc- tures le sont.

L.P.P. : En quoi les cultures suisses et fran- çaises se ressemblent-elles, en quoi dif- fèrent-elles ? P.B. : Nous avons évidemment des différences. Comme un Alsacien n’est pas un Normand ou un Pro- vençal, et comme unVaudois n’est pas un Bernois. Mais le plus inté- ressant est de voir que dans nos relations transfrontalières, ce sont nos différences qui font nos forces et enrichissent nos échanges. Le rapprochement récent de deux entreprises horlogères, l’une suisse, l’autre française (N.D.L.R. : La Joux-Perret et Humbert-Droz) en est une parfaite illustration. Je m’aperçois tous les jours que plus on se rapproche de cette soi-disant frontière, plus on se rend compte que les relations sont concrètes et pragmatiques, avec beaucoup de succès qui passent sous les radars des structures administratives offi- cielles. Ces innombrables collabo- rations franco-suisses mériteraient d’ailleurs d’être mieux connues.Au nombre des récents succès com- muns, je peux citer le Parc naturel régional du Pays Horloger, l’ins- cription du savoir-faire horloger au patrimoine mondial de l’Unesco, résultat d’un ensemble de mobili- sations de tout l’Arc jurassien, ou encore la réserve de Clairbief le long du Doubs. n Propos recueillis par J.-F.H.

14 000 dans le Doubs, 3 500 dans le Jura et 2 900 dans le Territoire de Belfort. Ce sont des valeurs sta- bles. L.P.P. : Comment gérez- vous actuellement la question des déplace- ments France-Suisse et Suisse-France à l’heure des restrictions sanitaires ? P.B. : Nous actuali- sons régulière- ment notre site Internet sur la base des mesures mises en place par

“14 000 citoyens suisses vivent dans le Doubs.”

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