La Presse Pontissalienne 263 - Décembre 2021
6 L’ÉVÉNEMENT
La Presse Pontissalienne n°263 - Décembre 2021
IL FAUDRA APPRENDRE À VIVRE AVEC… LOUP ET LYNX
La présence de deux meutes sur le massif, une en Suisse, la seconde du côté du Risoux, est devenue une attraction pour les naturalistes et une source d’inquiétude pour les éleveurs. Les autorités veulent profiter de l’hiver pour préparer les agriculteurs à protéger leurs troupeaux.Dans le canton de Vaud, un groupuscule de défenseurs de l’animal se relaie chaque nuit pour gêner les gardes-faunes dont la mission est d’abattre deux louveteaux. Le retour de ce grand prédateur attise autant de craintes que d’espoirs. Le lynx est également dans le viseur… Monsieur Loup Les éleveurs français vont bénéficier de l’expérience suisse l Analyse
faut-il continuer à protéger l’es- pèce ? “Oui, répond Jean-Marc Landry, même si la population européenne augmente. Il ne faut pas que protéger le loup en tant qu’espèce, mais également les écotypes, c’est-à-dire une popu- lation génétiquement différente qui présente des caractéristiques adaptées à des habitats diffé- rents. Et il y a environ deux fois moins de loups dans le monde que de brebis et de chèvres en Suisse.” Pas de trêve hivernale pour l’éthologue qui continuera à poser et relever ses pièges pho- tographiques pour ne pas perdre la trace des loups. “Cela nous permettra de mieux préparer la saison 2022. C’est important d’adapter le pastoralisme. Le loup est là, il faut faire avec. On manque encore d’expérience sur la cohabitation avec les bovins. Pour autant, dans le Jura, contrairement aux Alpes, on a tout ce qu’il faut pour que cela fonctionne bien. Cela dépendra de ce que l’on veut faire. Il faut aussi admettre qu’on puisse sacrifier un loup qui, à mes yeux, à la même valeur qu’un veau” conclut Monsieur Loup. n F.C.
suggère plus simplement de mélanger davantage les veaux avec les génisses qui sont capa- bles de défendre leurs congé- nères mais “nous manquons de recul pour pouvoir généraliser ce type d’expérience.” À chaque contexte sa solution. Si le loup fait peur, il attire aussi beaucoup de curieux et de pho- tographes animaliers. “C’est de la folie. Tout le monde vient met- tre ses pièges photos. Les Suisses réfléchissent à une réglementa- tion.” La seconde meute localisée entre
prévisibles, il reste étonné du nombre et de l’étendue du ter- ritoire concerné allant de la Dôle au Mont Tendre. “Il y a des veaux partout et on ne comprend pas que les loups fassent 10 à 17 km pour s’attaquer à du bétail qu’ils pourraient trouver sur place. Je craignais qu’ils changent de culture alimentaire. On pense que des louveteaux de 2019 sont restés avec la meute, ce qui lui donne une force de frappe plus importante en 2021. Certains des jeunes bovins tués faisaient plus de 250 kg.” Comme beaucoup d’observa- teurs, lui non plus n’est pas convaincu de l’intérêt du chien patou dans un massif jurassien avec des petits troupeaux sur des espaces morcelés. “On ne peut pas mettre des chiens par- tout. Ils pourraient s’en prendre aux chiens de compagnie et entraîner une partie du troupeau dans l’interaction. Le patou peut fonctionner sur des alpages peu fréquentés. Il faut encore tester d’autres animaux de protection comme les ânes ou les génisses à condition qu’ils restent avec le groupe de veaux.” Pas opposé à l’idée d’aménager de grands parcs de sécurité, il
Mandaté par le canton de Vaud et le Parc Naturel Régional du Haut-Jura pour suivre au plus près l’arrivée du loup dans le massif jurassien, Jean-Marc Landry dresse le bilan de son action en estimant qu’une cohabitation est possible avec le loup dans le Jura.
A près des années 2019 et 2020 somme toute paisibles où Jean- Marc Landry a pu prendre le temps de suivre l’évo- lution de la première meute ins- tallée dans le Jura depuis des lustres, 2021 s’avère beaucoup plus agitée avec notamment 16 attaques de jeunes bovins à déplorer entre le Mont Tendre et le Marchairuz. “Ces attaques nous ont donné un surcroît de travail sur le terrain, en débrie- fing, au contact des éleveurs et des bergers. On a senti beaucoup de tensions. Cette partie psycho- logique m’épuise beaucoup” dit- il. Face à la multiplication des attaques, ce naturaliste a pour- tant insisté pour procéder à l’abattage de deux loups adultes craignant que la situation empire. “Ce tir doit être considéré comme un outil de protection en non comme une vengeance ou une régulation. Ce tir annoncé
par les autorités a été empêché par des activistes avec qui j’ai pu discuter et certains d’entre eux ont compris la démarche. L’abattage est toujours d’actua- lité. Dommage que les lois suisses ne soient pas du tout adaptées au contexte jurassien. Si on avait pu tirer rapidement deux loups adultes, on aurait apaisé tout de suite la situation. J’ai réalisé cette année le fossé qui existe entre les gens sur le terrain et ceux dans les bureaux. Les déci- sions sont prises par des per- sonnes complètement déconnec- tées de la réalité du terrain.” Le dialogue est essentiel pour celui que beaucoup assimilent à Monsieur Loup. Lequel constate une différence notoire de perception du loup entre les bergers avec qui il s’entretient régulièrement lors des suivis sur le terrain et les éleveurs beaucoup moins présents en alpage. “On sent plus de colère chez les éleveurs qui ont pris ces
attaques en pleine face. Ils sont moins bien informés. C’est pri- mordial de discuter car il y a une vraie méconnaissance du loup. En cela, l’expérience du Marchairuz sera sans doute très utile pour les éleveurs français. Il faut également que les préfets et l’O.F.B. ne fassent pas de réten- tion d’informations auprès d’eux.” Les attaques ont mis en évi- dence la vulnérabilité des veaux et des jeunes génisses quand ils ne sont pas accompagnés d’adultes. Bien conscient des risques, Jean-Marc Landry et son équipe ont vite tiré la son- nette d’alarme sur ces allote- ments qui ne sont pas forcément justifiés d’un point de vue étho- logique. “Au niveau social, les veaux auraient plutôt besoin d’être avec des bovins plus âgés et expérimentés” estime le spé- cialiste. S’il considère que des attaques de la meute du Mar- chairuz sur des bovins étaient
Châtelblanc et la commune du Chenit com- prend le couple adulte et au moins deux lou- veteaux. Pour le spécialiste, il reste encore de la place pour d’autres meutes avec la perspec- tive que tout l’Arc jurassien soit colonisé d’ici une ving- taine d’années. Dans ces cir- constances,
Il n’est pas convaincu de l’intérêt du patou.
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