La Presse Pontissalienne 261 - Octobre 2021
4 L’interview du mois
La Presse Pontissalienne n°261 - Octobre 2021
SPORT
Un champion du trail face à des doutes
“Mon objectif : me soigner, ensuite remettre un dossard”
Traileur de haut niveau, Xavier Thévenard n’a jamais abandonné face à l’adversité. Pourtant, il a failli tout plaquer. Récemment infecté par la maladie de Lyme, le sportif suit un traitement antibiotique et de phytothérapie qu’il révèle pour aider d’autres personnes.
L a Presse Pontissalienne : Depuis le mois de septembre à Métabief, un espace trail porte le nom de “Xavier Thévenard”. Qu’a-t-il de plus que les autres sentiers ? Quel effet cela vous fait-il ? Xavier Thévenard : Ni chaud, ni froid (rires). L’initiative vient de l’Office de Destination Haut-Doubs et de la com- munauté de communes qui m’ont dit que mon nom pouvait être vecteur de communication. J’ai accepté volontiers de donner mon nom à ce secteur s’ils pensent que cela peut inciter dumonde à se mettre au trail… mais rien ne m’appartient ici ! L.P.P. : Vous profitez de ce parcours tracé sur les pentes du Mont d’Or pour glisser un mes- sage. Lequel ? X.T. : La marque “ON” avec laquelle je collabore a disposé 12 poteaux sur l’Es- pace trail, possédant chacun un Q.R. code qui permet de découvrir un mes- sage filmé. Plusieurs thématiques sont abordées comme l’écologie, l’environ- nement, des choses que j’applique au quotidien et qui poussent à la réflexion. Lorsque l’on flashe ce code, la vidéo arrive, on écoute, on réfléchit le soir au calme, ou en courant. Cela peut devenir un révélateur pour sa vie quo- tidienne et ses pratiques. L.P.P. : Est-ce moralisateur ? X.T. : Pas du tout ! Je ne suis pas un donneur de leçons. C’est une façon de penser l’avenir, à notre existence, à notre façon de vivre et de consommer (N.D.L.R. : Xavier refuse par exemple de prendre l’avion pour des raisons environnementales, ce qui le prive par- fois de courses internationales). Ce sentier se nomme “A la croisée des che-
entretien par cette question, basique : comment allez-vous ? X.T. : Ça va. L.P.P. : Pourtant, vos exploits sportifs n’ont pas été à la hauteur de vos attentes. Vous avez abandonné l’Ultra trail du Mont-Blanc, un de vos grands objectifs. X.T. : J’ai été infecté par la maladie de Lyme suite à une piqûre de tique. Pen- dant les 32 premières années de ma vie, je n’ai eu que deux ou trois piqûres. Mais au printemps 2020, j’en ai attrapé quatre, sans vraiment m’inquiéter, n’ayant aucun érythème migrant. Seu- lement, on ne peut ne pas avoir d’éry- thème et contracter la maladie. Je ne le savais pas. Il y a eu un temps d’at- tente puis la première analyse a détecté la Borrelia en octobre 2020. Derrière, j’ai suivi un protocole d’antibiotiques et un autre d’huiles essentielles après avoir rencontré un médecin à Lau- sanne. Cela a plutôt bien fonctionné. Durant l’hiver et jusqu’au printemps, ça allait bien puis j’ai eu des hauts et des bas sans trop comprendre. J’avais des symptômes assez étranges au niveau cardiaque,musculaire. Je remet- tais ça sur le dos du Covid que j’ai attrapé en novembre dernier. Je me disais, c’est un Covid long et je ne pen- sais pas à Lyme. J’ai repris contact avec des spécialistes en Suisse, j’ai réa- lisé des examens en Belgique et en Allemagne et toutes les analyses prou- vent que j’ai une bactérie en moi qui met le bazar. Tant que je ne serai pas débarrassé de cela, je ne pourrai pas faire d’ultra-trail. L.P.P. : Après avoir hésité à en parler publi- quement, vous avez décidé de révéler vos maux. Pourquoi ? X.T. : J’ai longtemps hésité à témoigner sur mon petit problème de santé mais je me suis dit que certaines personnes avaient les mêmes problématiques que moi. J’ai donc décidé de partager mon chemin de croix (il partage ses conseils et ses contacts de médecins sur sa page Facebook). L’échange d’informations, les témoignages peuvent toujours être utiles et intéressants. Après avoir été diagnostiqué, et après avoir contracté le Covid, il s’est passé plusieurs mois jusqu’au printemps 2021 où à l’ap- proche de mon premier objectif, le doute et la confiance ont commencé à se mêler. L.P.P. : Racontez-nous cette première course ? X.T. : Grâce à quelques bonnes séances d’entraînement, je suis au départ du Lavaredo, je reste fidèle à ma façon de courir. Dès les premiers kilomètres, je sens une gêne au niveau du thorax,
Bio express l Né à Nantua (Ain), il a 33 ans l Ancien skieur de fond et biathlète, il intègre la course en pleine nature comme exercice de préparation physique durant l’été. En 2010, il débute des compétitions d’ultra-trail. En 2016, il remporte Orsières- Champex-Chamonix et devient le seul coureur ayant réalisé le grand chelem de l’Ultra-Trail du Mont-Blanc. l Son engagement pour l’écologie est quotidien. Il refuse de prendre l’avion par exemple pour se rendre à une course. En janvier 2021, il met fin à son partenariat avec la marque Asics pour signer chez “ON”, marque suisse.
mins”, parce qu’il faut prendre la bonne direc- tion et faire le bon choix dès aujourd’hui. Il y a six films, chacun présentant un chal- lenge du développe- ment durable, de l’im- pact de notre mode de vie sur l’environne- ment, avec quelques idées sur ce que chacun peut faire pour chan- ger les choses. Ce pro- jet invite donc à adop- ter unmode de vie plus durable, afin de proté- ger la planète et ses richesses naturelles, telles que les magni- fiques Montagnes du Jura. L.P.P. : Sans doute aurions- nous dû commencer cet
Xavier Thévenard a inauguré en septembre à Métabief l’espace trail qui porte son nom.
“Après les huiles
essentielles, un traitement antibiotique.”
une nette amélioration, plus de symp- tômes étranges, je suis stupéfait. L.P.P. : Puis arrive l’Ultra-Trail du Mont-Blanc, cette course que vous aviez déjà remportée. Vous vivez une désillusion. X.T. : Effectivement, ce fut un coup dur que d’abandonner car j’étais plein d’es- poir. À l’heure actuelle, mon objectif n’est pas de remettre un dossard mais de me soigner. L.P.P. : Quel protocole suivez-vous ? X.T. : Le traitement efficace aux huiles essentielles m’a aidé à franchir un palier. C’est bien pour stabiliser mais ça ne soigne pas en profondeur. Je passe aux antibiotiques. Il ne faut don- ner aucun répit à cette bactérie vicieuse.
comme un blocage, du mal à ventiler correctement. S’ensuit une baisse consi- dérable de mon énergie. Cela me contraint à mettre le clignotant (N.D.L.R. : abandonner). Je décide de passer des examens pulmonaires pour savoir s’il n’y a pas des restes du Covid. Les résultats sont bons. S’ensuit une grande période d’interrogation. Je reprends contact avec le docteur de Lausanne, spécialiste de Lyme, pour savoir si une récidive est possible et lui explique mes différents symptômes. Il me rassure, en me disant que des récidives peuvent venir quatre à cinq mois après le traitement. Le 23 juillet, je commence un nouveau traitement à base d’huiles essentielles. Six gouttes d’huiles essentielles trois fois par jour. En deux jours seulement, je ressens
L.P.P. : Un temps, vous avez pensé à tout arrêter. Comment va le moral ? X.T. : Il est là. Je ne suis pas à plaindre, je n’ai pas de bombes qui me tombent sur la tête ! Certes, je ne peux pas vivre ma passion comme je le souhaite mais j’arrive à être actif au quotidien contrai- rement à d’autres personnes infectées qui sont en fauteuil roulant. C’est dur mais j’ai d’autres choses pour m’occuper l’esprit. L.P.P. : Comme la construction de votre habi- tation ? X.T. : Oui, je m’installe dans le Haut- Jura (dans un alpage perdu dont il garde la localisation secrète et qu’il construit en partie de ses propres mains). n Propos recueillis par E.Ch
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