La Presse Pontissalienne 261 - Octobre 2021
36 Économie
La Presse Pontissalienne n°261 - Octobre 2021
HISTOIRE
L’appellation fête ses 40 ans Mont d’or : aux sources de l’appellation
L’A.O.C. mont d’or ou vacherin du Haut-Doubs existe depuis 40 ans. La plupart de ceux qui ont œuvré à cette certification ne sont plus là. Sans être directement impliqué, Christian Badoz a vécu cette structuration de filière qui a vu ses volumes décupler depuis 1981. Témoignage.
jourd’hui.” Christian Badoz n’a pas oublié l’épidémie de listériose survenue en 1987 avec le vache- rin mont-d’or en Suisse. L’infec- tion a causé 34 décès. La filière du vacherin mont-d’or suisse qui plafonne depuis cette catas- trophe à 500 tonnes ne s’en est jamais remise. “On a aussi subi le contrecoup de cette affaire. On avait divisé par deux la produc- tion. Le mot vacherin faisait peur. La psychose se répandait jusque dans les crèmes glacées. Il a fallu trois ou quatre ans pour retrouver le niveau de production d’avant la crise.” La faillite du vacherin suisse a sans doute bénéficié à la filière du mont d’or français qui a fait le choix de rester sur un produit au lait cru. Bien lui en prit même si le prix à payer fut une révo- lution sanitaire. “C’est la partie la plus contraignante du métier. Chez Badoz, on a fini par investir dans notre propre laboratoire pour anticiper le plus en amont possible le risque de contamina- tion.” Cette pression sanitaire constante explique sans doute pourquoi si peu d’ateliers, une dizaine actuellement, s’engagent sur ce produit sensible. Soit 400 producteurs laitiers. D’autant plus que le comté beaucoup moins délicat est tout aussi rémunérateur. En 1996, le mont d’or devient une A.O.P. qui apporte une garantie à l’échelle européenne à tous les produits bénéficiant d’une A.O.C. n F.C.
L es premières traces écrites remontent à 1280. Elles mentionnent “un fromage entouré d’une sangle.” On retrouve le vacherin ou fromage des vachers quelques siècles plus tard à la table du roi Louis XV. À cette époque, il figure à l’in- ventaire départemental des acti- vités fromagères où il est décrit comme “un fromage dit de crème, à cause de son goût et de sa consistance molle.” Aussi nobles et prestigieuses soient-elles, ces références s’ap- pliquent à une production très circonscrite, dans des volumes très modestes. “On a commencé à fabriquer du mont d’or au début des années soixante-dix.
Mon père faisait aussi appel à un transporteur pour vendre une partie de ses fromages dont les monts d’or à Rungis. Cela nous permettait de toucher le marché parisien.” Christian Badoz se souvient aussi de la guerre des noms avec les Suisses. Chacun revendi- quant notamment la paternité du vacherin. Le problème fut réglé sous le gouvernement pro- visoire d’Alain Poher qui fut pré- sident de la République par inté- rim après le décès de Georges Pompidou en 1974. “On a com- mencé à s’intéresser à l’A.O.C. à la fin des années soixante-dix. Ce projet était porté par François Petite,mon père Constant Badoz et Michel Napiot. Ils se retrou- vaient le soir dans une salle au- dessus du café du Parisien à Pon- tarlier. Il fallait déterminer un périmètre, des règles de produc- tion dans un cahier des charges.” Après quatre années de démarches, l’arrêté du 24 mars 1981 marque la naissance de l’Appellation d’Origine Contrôlée mont d’or ou vacherin du Haut- Doubs. “En 1981, le volume de production avoisinait 600 tonnes. On parlait d’une zone s’étendant de la source du Doubs au Saut du Doubs. On faisait déjà des bons fromages mais on était loin des contraintes sanitaires d’au-
De ce que je m’en souviens, il devait y avoir cinq ou six ateliers situés autour du lac Saint-Point et près du Mont d’Or” , explique l’ancien fromager Christian Badoz qui travaillait alors aux côtés de son père Constant. La maison Badoz telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existait
pas. L’acheteur de lait fabriquait dans les ateliers appar- tenant aux produc- teurs comme aux Fourgs. “Les grandes surfaces commençaient tout juste à se dévelop- per. On travaillait avec les crémeries.
L’arrêté du 24 mars 1981 marque la naissance de l’A.O.C.
“En 1981, la production avoisinait 600 tonnes de
mont d’or”, se souvient Christian Badoz.
Zoom Mont d’or ou mont-d’or Si la principale différence entre l’A.O.P. française et l’A.O.C. suisse réside dans l’utilisation de lait cru, on note aussi quelques détails assez symptomatiques des rivalités qu’entretiennent les vacherins de part et d’autre de la frontière. En effet, même la ponctuation s’en mêle avec un mont-d’or suisse à trait d’union, lequel disparaît en version française. n
Les volumes sont en constante progression depuis la création de l’A.O.C. mont d’or.
TOUILLON-ET-LOUTELET 5 millions de boîtes par an La reprise digérée dans la continuité chez Tosseri E.B.T.
La famille Janey qui a acquis cette société en 2017 avait sollicité le concours des frères Tosseri pour surmonter une reprise chaotique. Tout est rentré dans l’ordre et les vendeurs sont finalement restés en place, à la grande satisfaction des acheteurs.
appros dans les années à venir.” Le développement de l’activité vise d’abord àmaintenir l’outil de production à un haut niveau de modernité. Une nouvelle machine d’assemblage est en cours de rodage. Elle permettra de sou- lager la production pour les grosses boîtes. Le site de production deTouillon- et-Loutelet n’est pas remis en cause par les repreneurs. “C’est l’emplacement idéal au cœur de la filière, à proximité de nos clients. On fournit la plupart des fabricants de mont d’or.” Discret sur les chiffres, Florian Janey annonce une production annuelle à 5 millions de boîtes pour un chiffre d’affaires de 2,5 millions d’euros. Hors saison du mont d’or, l’activité consiste essentiellement à débiter les compo- sants qui seront assemblés au fur et à mesure des besoins. “Actuellement, l’outil de production fonctionne en 2 x 8. On reste aussi mono-produit en tra- vaillant uniquement pour la filière” , souligne le directeur qui travaille en lien étroit avec Lionel Bonnouvrier, responsable de production recruté en 2019. n F.C.
Les anciens dirigeants font de nouveaux partie de l’entreprise qui emploie une vingtaine de salariés en C.D.I., plus autant de saisonniers en saison hiver- nale. La main-d’œuvre reste toujours un casse-tête sur la zone frontalière. “On a mis beaucoup d’énergie pour boucler l’effectif. Il faut forcément s’adap- ter au contexte et proposer des salaires plus élevés qu’ailleurs pour le même travail. L’état d’esprit saisonnier s’es- souffle même si on a la chance de pou-
I l ne suffit pas seulement de partager des valeurs autour de la noblesse des matériaux et d’un état d’esprit familial pour réussir une reprise d’activité sans souci. La famille Janey qui officie dans l’industrie l’a vite com- pris en venant découvrir les subtilités d’une activité saisonnière qui suppose beaucoup de flexibilité. “Les frères Tos- seri souhaitaient céder leur affaire et recherchaient des repreneurs. On a saisi
de ses ambitions, il lui faut néanmoins apprendre un nouveau métier et des contraintes auxquelles il n’était pas habitué. “On est dans une logique de production à flux tendu où la prise de commande s’effectue une semaine avant la livraison. C’est compliqué de faire un stock de boîtes longtemps à l’avance car le bois réagit à son environnement. Il peut prendre l’humidité ou s’assécher. Cela se répercute aussi sur le réglage des machines. Le démarrage de la pre- mière saison a été compliqué. On a dû rappeler Fabrice et William Tosseri pour nous aider à gérer les problèmes et finalement, ils sont restés. Fabrice est maintenant responsable du déve- loppement et de la maintenance. Son frère s’occupe de la scierie. Sans oublier Virginie, l’épouse de Fabrice, qui super- vise la gestion administrative du site. Une forme de complémentarité s’est instaurée et chacun s’y retrouve” , estime Florian Janey.
cette opportunité dans un souci de diver- sification. On appréciait aussi de pou- voir travailler du bois non traité en adéquation avec la nature tout comme le fait d’être acteur sur une filière comme celle du mont d’or. On a donc repris l’activité d’E.B.T. en 2017 avec la volonté de la développer pour affronter l’avenir” , explique Florian Janey, directeur de l’entreprise depuis octobre 2018. Si le repreneur se donne les moyens
voir s’appuyer sur un noyau très fidèle et motivé.” Autre motif d’inquiétude : les scolytes. Protégée en 2020 par la multiplication des coupes sanitaires en 2020, l’entreprise qui uti- lise plusieurs milliers de mètres cubes d’épicéa chaque année redoute le pire. “Pour cette saison, on a le stock nécessaire. Nous n’utilisons jamais de bois scolyté. Avec les cycles qui tendent à se renouveler, on se demande vraiment com- ment on va gérer nos
Une production à flux tendu.
Florian Janey le directeur, avec le responsable de production Lionel Bonnouvrier.
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