La Presse Pontissalienne 257 - Juin 2021
36 Économie
La Presse Pontissalienne n°257 - Juin 2021
NÉGOCIANTS EN MATÉRIAUX Les artisans impactés Grosse tension sur la laine de bois Chez les négociants comme Point P, la situation est très variable d’un produit à l’autre avec des difficultés
Pénurie de bois techniques Des chantiers compliquésmais toujours autant de travail Spécialisée en charpente, couverture et maison à ossature bois, l’entreprise Charpente Pontarlier doit jongler avec la pénurie de cer- tains matériaux et un carnet de commandes qui ne désemplit pas . Les constructeurs spécialisés dans les maisons à ossature bois comme
plaques de plâtre, de deux semaines à deux mois pour la mousse polyuré- thane. “C’est moins critique avec les tuiles et la laine minérale. Pour les panneaux de bois, on est aussi contin- genté mais ce n’est pas pire que d’ha- bitude” , estime Florent Vionnet. L’agence Point P de Pontarlier travaille avec la scierie Chauvin à Mignovillard qui lui fournit les bois d’ossature, de couverture, de coffrage. “Ici, les délais de livraison sont décalés à l’automne. Les prix sont aussi en augmentation. On arrive quand même à se dépanner, c’est l’intérêt de travailler avec des locaux.” La rareté conditionne bien sûr le prix. Face à l’envie de certains de surstocker, certains fournisseurs fixent eux-mêmes les règles du jeu et régulent les flux à la source. La pénurie se répercute chez les artisans qui constituent 80 % de la clientèle du négociant pontissalien. “Des chantiers programmés ce prin- temps ont été reportés à l’automne faute de matériaux” , regrette Florent Vionnet en soulignant que le secteur du gros œuvre n’est pratiquement pas impacté, si ce n’est par des hausses de prix pour ce qui concerne par exemple les aciers. “On a déjà enregistré deux hausses de 15 % cette année.” Pas de quoi néanmoins remettre en cause la dynamique du marché de la construction et de la rénovation dans le Haut-Doubs. “Le marché est toujours resté porteur en 2020. La situation en 2021 est à mon sens plus compliquée à gérer mais l’un dans l’autre, on s’y retrouve” , admet le responsable à la tête d’une équipe de neuf salariés. n F.C. “On manque cruellement de laine de bois”, annonce Florent Vionnet, le responsable de l’agence Point P à Pontarlier.
d’approvisionnement qui contraignent parfois les clients artisans à repousser les chantiers de quelques mois.
C onfirmation que le marché immobilier du Haut-Doubs est toujours actif, on pousse les murs chez Point P, histoire notamment d’augmenter la surface de stockage couverte. Pour autant, cer- taines cellules sont bien vides, trop au goût de Florent Vionnet, le responsable de l’agence pontissalienne. “On peut presque parler de catastrophe sur la laine de bois. La semaine dernière, on nous annonçait des approvisionnements à fin novembre et cette semaine, ces
délais sont repoussés en 2022. Dans ces circonstances, on cherche des solu- tions en proposant par exemple à nos
clients artisans des panneaux en laine de roche plutôt qu’en laine de bois.” D’autres familles de matériaux sont aussi en tension, du moins contingentées. Les délais passent de 3 à 20 jours pour les
Les délais sont repoussés en 2022.
Charpente Pontarlier peinent à s’approvision- ner en bois lamellé, contre- collé et abouté.
“I l y a tellement d’écart entre le prix des bois aboutés et le bois massif qu’on se demande si cela ne vaut pas le coup de revenir en arrière et de racheter une raboteuse, même si on sera toujours obligé d’utiliser du bois technique pour les grandes sections” , s’interroge Laurent Pontarlier qui ne comprend toujours pas une telle hausse des prix. Exemple avec le lamellé qui a pris 100 % de hausse en cinq mois. S’ajoutent à cela des soucis d’appro sur d’autres matériaux. “Cela nous com- plique la vie. On se demande si cette situation n’est pas voulue par le monde des industriels pour augmenter les prix sous prétexte de la conjoncture.” Les petits constructeurs n’ont pas d’autres choix que d’essayer d’anticiper même s’il est difficile de se projeter sans connaî- tre l’évolution des prix et les délais d’ap- provisionnement. Le chiffre d’affaires de l’entreprise Char- pente Pontarlier qui travaille essentiel- lement avec les collectivités avait baissé
charnière. Dans les Vosges et le Grand Est, les scieurs commencent à courir après la matière et le prix des grumes reprend de la vigueur” , poursuit le res- ponsable du pôle résineux à l’O.N.F. de Pontarlier. 85 000 m 3 de bois d’œuvre résineux étaient proposés à la vente publique du 19 mai dernier. Soit 50 % de l’offre habituelle. Ceci pour éviter d’engorger le marché. “On constate des hausses de prix de 11 % sur l’épicéa et de 7 % sur le sapin. Ce qui signifie que les scieurs répercutent les hausses des sciages. Les propriétaires, c’est-à-dire les communes, commencent à bénéficier de l’embellie générale. C’est aussi tout l’intérêt de ne pas se précipiter en inondant le marché local de bois vert. On retrouve les prix d’avant la crise” , souligne Jean-Luc Fel- der. Sur la pénurie de bois techniques, le déséquilibre observé aux États-Unis devrait selon les experts se combler d’ici 6 à 9 mois. n de 30 % en 2020 à cause de la crise sanitaire. 2021 ne sera pas l’année de la reprise à Bulle. “On ne pourra pas répercuter toutes les hausses. Je pense qu’il va y avoir beaucoup de casse dans notre profession à la fin de l’année. Paradoxalement, on a beaucoup de demandes poursuit le chef d’entreprise curieux de savoir jusqu'où vont monter les prix et jusqu’à quand. On peut for- tement penser que l’année sera mau- vaise voire très mauvaise.” Pas question pour autant de licencier, le personnel n’étant pas considéré comme la variable d’ajustement. L’adap- tation passe aussi par de nouvelles habitudes. Exemple avec les dates de validité des prix qui sont réduites à un mois sur les nouveaux devis. Laurent Pontarlier pointe aussi du doigt les effets néfastes du surstockage. “Des retards sont aussi à attendre dans le planning des chantiers avec peut-être des trêves imposées par le manque de matériaux.” n
CONJONCTURE
Décryptage Sciages et grumes : deux marchés, deux tendances
Le marché des sciages ou bois techniques ne fonctionne pas du tout comme celui des grumes. Éclairages avec Jean-Luc Felder, responsable du pôle résineux à l’O.N.F. et Christian Dubois, délégué général de Fibois Bourgogne Franche-Comté.
estime qu’en forêt communale, on a en stock pratiquement une année d’avance en bois vert. Cela représente 200 000m 3 facilement mobilisables” , note Jean- Luc Felder. Les volumes de bois scolytés n’ont jamais été aussi importants. En 2020, 75 % des produits livrés sont des bois scolytés, contre 10 % habituellement. La crise sanitaire liée aux ravageurs n’est pas
A lors que le cours des sciages grimpe en flèche, les communes se plaignent toujours de ne pas toucher les bénéfices de cette embellie. Pourquoi ? Comment ? “On parle là de deux marchés déconnectés et tout le monde s’en plaint d’ailleurs”, explique Jean-Luc Felder. La demande en sciages est très forte en France. Plusieurs raisons à cela. Avec le Covid, la maison est devenue une valeur refuge, ce qui fait le bonheur des grandes surfaces de bricolage. Le nombre de transactions immobilières, donc des rénovations, a aussi fortement augmenté. L’engouement autour des matériaux durables profite au bois, ce qui explique par exemple les ruptures de stocks dans lesmatériaux d’isolation comme la laine de bois, ou les panneaux
russe, les Chinois qui ont besoin de bois pour relancer leur économie se sont donc repliés sur le marché européen et scandinave. Tous les ingrédients sont donc réunis pour entrer en situation de pénurie de produits de sciage. La demande étant supérieure à l’offre, les prix s’envolent.Vive lamondialisation. Quid de la situation en France où il est pratiquement impossible d’importer des sciages comme le bois abouté, le lamellé-collé, le contrecollé ? On ne manque pas de matières, surtout dans le Haut-Doubs, mais l’outil de trans- formation n’est pas en capacité de répon- dre aux besoins. Les délais de livraison ont beaucoup augmenté. La ressource est abondante sous plusieurs formes. À cause de la crise du Covid, la réserve de bois sur pied est importante. “On
O.S.B. Pour évoquer l’autre facteur explicatif, il faut se rendre aux États-Unis, pays en proie à une fièvre constructive sans précédent. “Les gens quittent les villes pour vivre à la campagne. Cela génère une demande de logements supplémen- taires qui va bien au-delà des capacités de production des États-Unis. Dans le même temps, l’administration Trump imposait des droits de douane sur les exportations de bois venus du Canada. Conséquence : les constructeurs améri- cains sont venus s’approvisionner en bois techniques dans les scieries alle- mandes, autrichiennes” , décrypte Chris- tian Dubois de Fibois. Autre contributeur désormais incon- tournable : la Chine. Faute de pouvoir compter sur les exportations de bois
encore terminée. “Avec le mauvais temps, les envols sont retardés mais on aura encore des dégâts en juillet-août car les insectes sont là. On sait qu’il y a des bois verts dépérissant qu’il faudra abattre assez vite. Sans oublier en forêt privée, les coupes préventives, trop préventives parfois qui viennent aussi inonder le marché. Aujourd’hui, on est dans une période
Le prix des grumes reprend de la vigueur.
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