La Presse Pontissalienne 256 - Avril 2021
4 L’interview du mois
La Presse Pontissalienne n°256 - Avril 2021
POLITIQUE
Jean-François Longeot
“Avec la crise, je crains la baisse
des échanges, la montée des
incompréhensions” Le sénateur du Doubs prépare une “charte rurale” dont l’objectif est de “recréer un vivre ensemble” rural. Il compte en faire une proposition de loi et inviter le président du Sénat à rencontrer les acteurs ruraux cet automne dans le Haut-Doubs.
L a Presse Pontissalienne : Qu’est-ce qui vous a donné envie de préparer cette “charte de la ruralité” ? (voir notre encart page suivante) Jean-François Longeot : Il y a un bon moment que je me dis qu’il faut arrêter d’opposer systématique- ment les choses dans notre pays : les agriculteurs aux défenseurs de l’environnement, les urbains aux ruraux, les chasseurs aux non-chasseurs, etc. Quand on sou- haite vivre en milieu rural, et cette tendance est d’autant plus vraie depuis la crise sanitaire, il faut bien accepter certaines contraintes. C’est la même chose pour les ruraux qui accueillent des gens venus d’ailleurs. Cette réflexion m’a été suggérée par Charles Piquard, le président de l’association des maires ruraux
d’église, ça sonne et un chien ça aboie ! On voit très bien que les attentes des administrés évoluent au fil du temps. Quand j’étais maire d’Ornans en 1995, on me demandait s’il y avait une école pour ses enfants, et 15 ans après, on me demandait s’il y avait le haut débit dans ma commune. J’aimerais donc que cette charte éclaire ce genre de questions, et apaise le climat. J’ai également intégré dans ma démarche le maire de Pontarlier qui est pré- sident des communes du Doubs afin de partager le plus largement possible ces préoccupations. L.P.P. : Cette charte sera finalisée cette année ? J.-F.L. : Oui, j’espère bien la pré- senter lors de la prochaine assem- blée générale des maires ruraux du Doubs qui doit se tenir cet automne et à laquelle j’ai prévu d’inviter Gérard Larcher le pré- sident du Sénat. L.P.P. : Vous qui êtes un adepte des rela- tions directes sur le terrain, comment la crise sanitaire a-t-elle changé vos relations avec les élus locaux et avec les administrés ? J.-F.L. : Cette crise est en train de bouleverser les habitudes des Français. Et tout cela me fait craindre une chose, qui n’est pas sans lien avec ce bien vivre ensem- ble que je mets en avant dans la charte de la ruralité, c’est la baisse considérable des échanges directs, donc la montée des incompréhen- sions. Les gens prennent d’autres habitudes que de se retrouver ensemble et j’ai peur que cette période laisse des traces sur ce plan-là. Je crains évidemment aussi les dégâts que causera cette crise sur le petit commerce et sur le retour des gens au travail après des mois d’activité. Comment convaincre un salarié de la res- tauration qui ne travaille plus
du Doubs, et maire d’Osse. Cette charte de la ruralité qui en est encore à la phase préparatoire, je souhaite d’ailleurs qu’elle soit portée par l’association des maires ruraux et qu’elle puisse faire l’ob- jet, au final, d’une proposition de loi. Mon idée est de voir certains articles de cette charte affichés dans les mairies rurales afin d’améliorer les notions de respect mutuel. L.P.P. : Vous estimez que le problème de vivre ensemble s’aggrave ? J.-F.L. : Oui, je pense qu’il s’est amplifié ces dernières années. Il n’est pas normal qu’on ait eu à adopter, nous les parlementaires, une loi qui autorise à un coq à pouvoir chanter le matin ! C’est une aberration d’avoir à répéter qu’un coq, ça chante, une cloche
Jean-François Longeot a été largement réélu sénateur du Doubs en septembre dernier pour un deuxième mandat de six ans.
pour monter un dossier d’aide.
depuis plusieurs mois de repren- dre le travail le week-end comme avant ? Certains professionnels craignent à juste titre la reprise. Quant aux élus locaux, ils sont parfois un peu perdus. L.P.P. : En parlant d’élections, les régio- nales et les départementales devaient se tenir en juin, après avoir été repous- sées une première fois. Juin est la bonne date au regard de la situation sanitaire ? J.-F.L. : Je suis de ceux qui soute- naient un report de ces deux élec- tions après la présidentielle de 2022. Pensez-vous qu’actuelle- ment la préoccupation des citoyens soit de savoir si Marie- Guite Dufay sera reconduite à la tête de la Région Bourgogne- Franche-Comté ? Rappelons-nous ce qui s’est passé avec les muni- cipales l’an dernier. On fait les élections en mars, les conseils municipaux n’ont pas pu être ins- tallés avant mai et les commu- nautés de communes avant juillet. Résultat pendant quatre mois, aucune décision n’a pu être prise, aucun investissement engagé. Le monde économique a énormément souffert de cette période. Et par- tant du principe qu’une année électorale n’est pas très propice aux commandes publiques en général, l’idée d’un report me paraissait plus logique. Sans par- ler du risque d’abstention pour cause sanitaire qui risque d’être toujours aussi fort en juin. Ima- ginons enfin que sur 13 régions, une soit encore dans une situation sanitaire délicate : on organise
les élections dans 12 régions et pas dans la 13 ème ? L.P.P. : On vous dit également très attaché au patrimoine rural que vous aviez l’ha- bitude de soutenir à travers vos réserves parlementaires. Celles-ci ont été sup- primées par le législateur. Est-ce une bonne chose ? J.-F.L. : Non, je regrette qu’on n’ait pas maintenu cette enveloppe mais en l’intégrant dans la demande globale faite par les élus locaux auprès de la préfecture. Le parlementaire pouvait ainsi
L.P.P. : Toujours sur le thème du déve- loppement durable et de l’aménagement du territoire dont vous présidez la com- mission au Sénat, que pensez-vous de l’orientation prise par Métabief pour l’avenir de la station ? J.-F.L. : L’avenir est clairement au tourisme 4 saisons et dans ce sens, Métabief a pris une bonne décision. Pas sûr que les derniers investissements sur la neige de culture étaient par conséquent indispensables. Pour faire de la neige, il faut de l’eau et du froid. L’eau, on le sait, est aujourd’hui une denrée rare et le froid n’est plus assuré. Notre département a des atouts extraordinaires pour se positionner sur un tourisme familial et raisonné. On a beau être fort et imaginatif, un élément restera toujours plus fort que nous, c’est la nature. L.P.P. : Au Sénat, vous êtes également membre du groupe d’études Forêt et filière bois. L’état de nos forêts vous inquiète-t-il ? J.-F.L. : À ce sujet, j’ai écrit une let- tre ouverte au président de la République pour l’alerter sur l’af- faiblissement des communes forestières françaises, qui sont au nombre de 13 000. Cet affai- blissement est notamment dû à l’épidémie de scolytes qui rava- gent nos forêts et au manque de débouchés liés à la crise sanitaire. Il suffit de se promener par exem- ple dans le Val d’Usiers pour constater les dégâts. Sur les
Zoom La charte rurale selon Jean-François Longeot L e principal objectif de cette charte et de concilier ruralité et néoruraux. Pour la majorité que l’accessibilité à Internet, tout comme travailler sur le niveau d’éducation à la campagne, l’accès aux soins et à la culture.”
continuer à accompagner les projets. Notre rôle n’est sûre- ment pas d’être des dis- tributeurs de billets ou de subventions, mais le sys- tème que je prônais pour remplacer les réserves par- lementaires - qui il est vrai pouvaient conduire à un certain clien- télisme - nous aurait permis de continuer à travailler en étroite colla- boration avec les services préfectoraux
“Pas sûr que les derniers investissements sur la neige à Métabief étaient indispensables.”
des ruraux, la campagne repré- sente leur lieu de travail et de vie quotidienne. Du côté des néoru- raux, la campagne est davantage un lieu de loisir en plein air. Le citadin doit être conscient des règles qu’impose le monde rural et le monde rural doit être conscient de l’arrivée du citadin en lui permettant de s’intégrer aisément. L’idée de cette charte est donc de “recréer un “vivre-ensemble” rural, de sauvegarder la ruralité, d’amé- liorer la desserte en transport ainsi
Parmi les propositions à travailler selon le sénateur Longeot, il y a “la création de points multiservices, d’aires de covoiturage, la valori- sation des transports à la demande, la création de petits commerces de proximité, déve- lopper le système de distributeurs de denrées automatiques, réha- biliter les fêtes de villages et créer une vie associative ou encore faire des territoires ruraux des espaces pionniers en matière de transition énergétique.” n
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