La Presse Pontissalienne 255 - Mars 2021

4 L’interview du mois

La Presse Pontissalienne n°255 - Mars 2021

POLITIQUE

Philippe Alpy, chantre de la ruralité

“Je n’ai pas envie d’arrêter” Maire de Frasne, conseiller départemental, président de l’E.P.A.G.E., de la station de Métabief, de l’Établisse- ment Public Foncier Bour- gogne-Franche-Comté,

L a Presse Pontissalienne : A quand remonte votre engagement public ? Philippe Alpy : J’ai grandi dans ce milieu. Mon père a étémaire de Communailles- en-Montagne pendant plusieurs man- dats. Je me suis engagé au Foyer Rural de Censeau quand j’avais 16 ans. On menait toutes sortes d’actions pour récupérer de l’argent et financer nos projets. La vie associative reste la meil- leure école de formation. J’ai vraiment commencé dans la vie publique à 18 ans en devenant conseiller municipal de Communailles. L.P.P. : Et le choix d’être agriculteur ? P.A. : Après mon B.T.S. en bio-chimie, j’ai eu la chance de voyager et d’aller voir comment cela se passe ailleurs. Je me suis installé dans l’agriculture en connaissance de cause avec le projet de fonder une famille dans la ruralité. J’ai toujours eu envie de militer au service d’une ruralité vivante. C’est le sens même de mon engagement poli- tique. L.P.P. : Certains vous reprochent de cumuler les responsabilités ? P.A. : Quand vous êtes vice-président du Conseil départemental en charge de l’aménagement du territoire, vous êtes d’office concerné par tout un tas de problématiques : la gestion de l’eau, le tourisme, le foncier… J’ai la chance d’être dans une communauté de com- munes, celle de la C.F.D., qui avait pris très tôt la compétence environnement. Philippe Alpy sait mieux que tout autre l’importance du col- lectif pour faire avancer les dossiers structurants au profit de la ruralité en général et du Haut-Doubs en particulier.

Pas encore candidat déclaré aux élections départemen- tales, Philippe Alpy ne cache pas son envie de continuer son engagement.

pu couper l’engagement public sur cette station dès 2015. À Métabief, on est parvenu à construire un projet adapté au changement climatique qui allie à la fois le patrimoine, la biodi- versité, les activités humaines…Dans l’action publique, il faut du temps. La preuve avec l’office de tourisme de des- tination. Il faut parfois des années entre le moment où l’on a eu l’idée et son aboutissement. La polyvalence d’un élu lui permet aussi de construire un réseau de gens compétents et d’ex- perts. C’est toute la force d’un réseau. L.P.P. : Êtes-vous confiant sur l’avenir de la gare T.G.V. de Frasne ? P.A. : Oui, j’ai confiance même si le fer- roviaire a beaucoup souffert avec la crise sanitaire.On sait que la rentabilité de la ligne est toujours d’actualité. Ce mode de transport est en phase avec le développement durable. On travaille en permanence avec les dirigeants de Lyria. L.P.P. : La commune de Frasne était aussi inno- vante avec les Maisonnées de l’autisme. Com- ment se porte cette structure ? P.A. : C’est typiquement le projet qui associe des volontés politique et asso- ciative. Ce n’est pas un long fleuve tranquille. Il existe deux Maisonnées de l’autisme dans le Doubs. Elles offrent une prise en charge pour une trentaine de familles. Ces deux établissements sont situés à la campagne. C’est la preuve que la ruralité peut porter en son sein ce type de structure. L’inté- gration des autistes dans la vie du

bourg de Frasne se passe plutôt bien. Ils viennent, par exemple, régulière- ment à la médiathèque. L.P.P. : Qu’est-ce qui vous motive encore après tous ces mandats ? P.A. : Je fonctionne à l’envie. Le jour où je n’aurai plus la passion, j’arrêterai. L’action de l’élu s’inscrit dans le long terme. Il faut savoir garder la foi car on traverse parfois de grands moments de solitude. On ne peut réussir qu’en travaillant en équipe ou en binôme avec des directeurs compétents comme c’est le cas pour la station de Métabief, l’Établissement public foncier ou l’E.P.A.G.E. L.P.P. : On a beaucoup décrié la taille de la communauté de communes de Frasne-Drugeon à sa création, qu’en est-il aujourd’hui ? P.A. : Cette com’com est un vrai labo- ratoire où l’on explore toutes les facettes des politiques publiques. L.P.P. : On vous sent motivé pour une nouvelle candidature aux élections départementales ? P.A. : Je suis toujours engagé dans un processus. Rien n’a encore été fixé mais c’est clair que je n’ai pas envie d’arrêter ce mandat. Tout le monde voulait la disparition du Département et aujourd’hui il s’inscrit pleinement dans un dialogue territorial volontariste. Je pense par exemple à la politique de l’eau, à C@P 25, au R.S.A., à l’A.P.A., aux collèges, aux routes, au très haut débit…On est omniprésent sur le ter- ritoire. n Propos recueillis par F.C.

droit de s’exprimer dans ce parlement de l’eau. Il y a un vrai travail de fourmi mené sur les enjeux de l’eau. On parle des épandages, du casse- cailloux et des chan- gements qu’il faut adopter pour être res- pectueux de la biodi- versité ordinaire. L.P.P. :Vous présidez aussi l’Établissement public fon- cier (E.P.F.) Bourgogne Franche-Comté. À quoi sert cette structure ?

le dispositif “Petites villes de demain”. Une bonne nouvelle ? P.A. : Bien sûr. On s’est beaucoup impli- qué en faveur de ce dispositif au niveau de l’Association Nationale des Élus de Montagne dont je suis membre et qui réunit des élus de tous les massifs. “PetitesVilles de demain” va permettre aux 1 000 communes françaises rete- nues de bénéficier d’un peu d’ingénierie. C’est un coup de pouce très apprécié quand on sait les difficultés de réaliser des projets émergents. Je pense par exemple à tous les obstacles rencontrés pour mettre en place le schéma de pistes cyclables à Frasne. Cela montre aussi que rien n’est impossible. L.P.P. : Comme ce fut aussi le cas lors de la fusion entre les syndicats mixtes du Haut- Doubs et de la Haute-Loue regroupés pour former l’E.P.A.G.E. Haut-Doubs Haute Loue ? P.A. : Il a fallu faire 26 réunions pour aboutir à l’E.P.A.G.E. mais on a réussi à co-construire un projet sur la bonne gestion des espaces naturels. C’est un projet ambitieux et responsable. Il suffit de voir aujourd’hui les résultats de la remise en eau des tourbières. Ces travaux ont permis de préserver des zones humides. Le Drugeon est sans doute le cours d’eau qui a le mieux résisté aux sécheresses. Le Doubs est l’un des rares départements à avoir porté une politique de l’eau collective- ment. Aujourd’hui, on associe les citoyens et les professionnels sur le bon usage de l’eau. J’ai aussi la chance de présider la Commission Locale de l’Eau ou C.L.E. Tous les acteurs ont le

“Le jour où je n’aurai plus la passion, j’arrêterai.”

Cette expérience per- met d’avoir un regard très avancé sur les enjeux environnemen- taux en s’appuyant sur un vrai pôle d’ingénie- rie. Sur la vallée du Drugeon, on prépare actuellement le troi- sième programme Life. Je fonctionne toujours sur le même schéma en partant de l’associatif vers le politique. Quelle que soit la démarche, il faut toujours respec- ter l’héritage, le prendre en compte pour être plus fort pour dessiner l’avenir. L.P.P. : Frasne a été retenue avec quatre autres bourgs- centres du Haut-Doubs dans

“J’ai toujours eu envie de militer au service d’une ruralité vivante.”

P.A. : Avec cet outil qui emploie une quinzaine de salariés, on sait comment préserver l’environnement en permet- tant aux collectivités d’avoir des outils dynamiques. L’E.P.F. se mobilise aussi sur le foncier solidaire. L’E.P.F. est pro- priétaire du terrain sur lequel les per- sonnes concernées construisent leur maison. C’est le seul outil qui permette une solidarité ville-campagne. L.P.P. : La station de Métabief est aux premières lignes de la mutation vers le quatre-saisons. Quelle est votre vision ? P.A. : Ce qui se passe actuellement à Métabief prouve que l’innovation, ce n’est pas forcément ailleurs mais chez nous. L’exemple de Métabief avec cette volonté de prolonger la durée de vie des installations montre comment on peut faire mieux avec moins d’argent. Rappelons que le Département aurait

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