La Presse Pontissalienne 252 - Décembre 2020

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La Presse Pontissalienne n°252 - Décembre 2020

l Le marché du jouet

“En période de confinement, que

1 milliard d’euros

“Jouer, c’est une activité essentielle !” Propriétaire de trois magasins JouéClub à Pontarlier et Champagnole, Jacques Baudoz est aussi président de cette enseigne qui compte 300 magasins en France. Entretien.

restait-il aux enfants sinon la possibilité de jouer ?”, argumente

proximité est aussi synonyme de fidélité. Certaines familles viennent chez nous depuis trois générations. En période de confi- nement, on assurait un accueil téléphonique pour les rassurer, les guider. L.P.P. : Quelle part d’activité représentait chez vous le Click and Collect ? J.B. : Je dirais entre 10 et 20 %. L.P.P. :Vous n’avez pas eu de problème d’approvisionnement ? J.B. : Non car on est sur un mar- ché d’anticipation où les livrai- sons commencent dès lami-août pour avoir sous la main 90 % du stock sur place. On réappro- visionne les 10 % restants au fil du mois de décembre. L.P.P. : Comment les adhérents de l’en- seigne ont perçu la fermeture des commerces non essentiels ? J.B. : Inutile de vous dire qu’ils étaient très en colère. Beaucoup avaient envie d’ouvrir aumépris des interdictions. Je suis là pour les rassurer. On a rapidement mis en place une cellule de crise pour définir un plan d’action en mettant par exemple l’accent sur le Click and Collect. Il s’agit avant tout de se rapprocher des clients avec plus d’actions de communication. L.P.P. : La part de la clientèle suisse dans les commerces locaux varie entre 10 et 30 % selon les secteurs. Qu’en est-il chez JouéClub ? J.B. : Elle avoisine plutôt 10 % et on ne les a pratiquement pas vus depuis septembre. L.P.P. : Comment le secteur du jouet a réagi au premier confinement ? J.B. : On était reparti sur une bonne dynamiquemais le second A vant la réouverture déjà, il y avait des paquets-cadeaux dans tous les coins du magasin, préparés par l’équipe des sept salariés de JouéClub à Morteau. Ici, dès le reconfine- ment du 29 octobre, les com- mandes se sont multipliées, par mail, par téléphone, ou au drive piéton qui était installé à l’entrée du magasin. “Nous avions des commandes du matin au soir” note la patronne Lydia Journot. “Dès le mois d’octobre, les gens sentaient qu’il allait y avoir un second confinement, ils avaient déjà anticipé en venant aumaga- sin. Et en novembre, nous avons eu énormément de commandes à préparer. Seulement, cette façon de travailler nous prenait deux fois plus de temps, si bien que le résultat ne sera pas si bon que cela pour novembre. Mais on ne se plaint pas pour autant et on tient vraiment à remercier tous nos clients qui ont joué le jeu

sachant qu’il faudra sans doute les maintenir jusqu’à la fin de la pandémie. On est hyper pro. L.P.P. : Vous parlez d’incompréhension vis-à-vis des décisions du gouverne- ment. Comment cela se manifeste ? J.B. : On sent poindre une vraie colère qui monte chez tous les commerçants. En plus des actions portées par nos fédéra- tions respectives, on a sollicité le soutien des élus et des députés locaux. Ils sont proches de leurs administrés et comprennent bien les problématiques. L.P.P. : L’année 2020 restera très com- pliquée ? J.B. : On a déjà eu du mal à se remettre du premier confine- ment et je n’imagine pas les dégâts si le second s’était pro- longé jusqu’à Noël. Les enjeux sont énormes dans notre secteur d’activité. À l’échelle nationale, cela représente un stock d’1 mil- liard de jouets prêts à vendre. Une enseigne comme JouéClub regroupe 300 magasins, 2 500 salariés avec 1 000 saisonniers en novembre-décembre. Sur Pontarlier, on recrute habituel- lement entre trois et quatre sai- sonniers qui ont été mis au chô- mage partiel en novembre. L.P.P. : La proximité reste essentielle dans votre métier ? J J.B. : De mon point de vue oui. On est là pour aider les clients, les conseiller. On a aménagé des corners d’accueil à l’intérieur des magasins JouéClub où les familles ont la possibilité de tes- ter les nouveautés. On a eu de très bons retours. On est là pour donner envie aux enfants et aux parents. L’important, c’est qu’ils se sentent bien chez nous. La

Jacques Baudoz vraiment déçu de l’obligation de fermeture imposée aux commerces de proximité pendant le second confinement.

être une source de désarroi.

coup d’arrêt fait craindre le pire pour certains magasins implan- tés au centre-ville. Je suis très inquiet sur l’avenir de notre boutique de la rue de la Répu- blique. L.P.P. :Vous semblez douter de l’intérêt sanitaire du confinement ? J.B. : Non, mais c’est impossible de corréler la courbe des cas positifs à l’ouverture des com- merces. D’autres pays en Europe ont été plus souples que nous comme en Italie, Allemagne, Espagne. On remet en cause la notion de commerce essentiel quand on sait qu’il suffit d’avoir un petit rayon de produits de première nécessité pour rester ouvert.Tous les commerces avec une notion de saisonnalité ne sont pas logés à la même enseigne. Je ne vois pas pourquoi il faudrait fermer les magasins de jouets avant Noël alors qu’on laissait ouvertes les jardineries au printemps. Comme on fait son jardin, on doit pouvoir faire ses cadeaux. Est-ce que jouer n’est pas une activité essentielle quand on ne peut plus sortir ? Se priver de jouets peut aussi

L a Presse Pontissalienne : Quelle avait été votre réaction à l’annonce des mesures évoquées par le 1er ministre concernant le maintien de la fermeture des commerces dits “non essentiels” ? Jacques Baudoz : D’abord un sen- timent d’incompréhension car le gouvernement n’a semble-t- il pas entendu les mesures que l’on pouvait mettre en place. L’enseigne JouéClub fait partie de la Fédération des Commerces, des Jouets et des produits de l’Enfance où je suis administra- teur. On a beaucoup travaillé sur les mesures de renforcement du protocole sanitaire avec la volonté de faire porter notre voix pour défendre notre coopé- ration et tous les autres com- merces de proximité plutôt que de parler de petits commerces qui me semble être une formu- lation trop péjorative. L.P.P. : Que représente la fin d’année sur le marché du jouet ? J.B. : C’est près de 60 % du chiffre d’affaires réalisé en deux mois avec 25 millions de clients et

75 millions de cadeaux. Cette année, on n’aura plus que 25 à 30 jours pour vendre ce que l’on commercialise habituellement en deux mois. On réduit la sai- son de moitié. La question est de savoir si tous les enfants auront un jouet à Noël. On pré- pare toujours Noël avec un an d’avance et on essaie actuelle- ment de trouver des solutions. L.P.P. : Qu’avez-vous proposé au gou- vernement pour les convaincre d’ouvrir le plus tôt possible ? J.B. : On fonctionne bien sûr en mode Click and Collect. On a décidé de réduire par deux la jauge imposée le gouvernement avec une personne pour 10 m 2 de surface de magasin. On est aussi prêt à augmenter les plages horaires pour éviter des flux trop concentrés. Tout cela vient renforcer le protocole de base intégrant les gestes bar- rières : port du masque, sens de circulation, gel hydroalcoolique, cloison en plexiglas… Je pense que l’on n’aura jamais de souci si on respecte ces règles en

L.P.P. : Avec une jauge d’une personne pour 10 m 2 , vous risquez de perdre en rentabilité ? J.B. : C’est toujours mieux qu’une fermeture complète. L.P.P. : Craignez-vous la concurrence digitale ? J.B. : Dans notre métier, le com- merce physique, c’est 77 % des ventes. On a encore une belle marge de manœuvre. L.P.P. : Le confinement a-t-il impacté la dynamique du groupe JouéClub ? J.B. : Oui, on est passé de 10 à 15 ouvertures ou extensions par an à cinq ou six en 2020. Joué- Club est une coopérative avec des adhérents indépendants. C’est le modèle le plus flexible et le mieux armé pour réagir en temps de crise. Chaque magasin a la liberté d’adapter son offre en fonction de son environne- ment. On aura plus de jouets en bois à Pontarlier qu’en Bre- tagne où l’on propose a contrario plus de jouets en lien avec la mer. n Propos recueillis par F.C. de circulation afin que les clients ne puissent se croiser et ce, même si le magasin s’étale sur 800 m 2 . L’inquiétude aujourd’hui pour les magasins de jouets, c’est le risque de rupture sur certains produits. “Pendant le confine- ment, certaines chaînes de fabri- cation et de distribution pour la France se sont arrêtées, si bien qu’on risque des pénuries sur certains articles. Pour les Lego notamment, c’est assez compli- qué” tempère Lydia Journot. Pour le magasin JouéClub de Morteau, décembre représente plus de 30 % du chiffre d’affaires global. La réouverture des com- merces dits “non essentiels” est donc une bouée de sauvetage indispensable à la pérennité de cette enseigne présente à Mor- teau depuis plus de quinze ans et qui reste la dernière enseigne spécialisée dans les jouets de toute le Haut-Doubs Horloger. n J.-F.H.

l Morteau

Magasins de jouets Les clients ont joué le jeu de la proximité

Le magasin JouéClub de Morteau a joué à fond la carte du drive et des pré-commandes, avant de pouvoir basculer enfin dans le rush d’avant Noël pour essayer de compenser une partie des pertes de l’automne.

avec nous, ainsi que les élus locaux, Cédric Bôle et Annie Genevard notam- ment qui ont vraiment relayé nos préoccupa- tions dans toutes leurs interven- tions” ajoute-t- elle. Certains clients qui avaient pris la (mauvaise) habi- tude de comman-

“On risque des pénuries sur certains articles.”

der sur Amazon ont appris pen- dant ce dernier confinement à commander sur le site dumaga- sin mortuacien et “on espère donc que tout cela a fait réfléchir les gens sur l’importance de nos commerces de proximité.” Pour ce mois de décembre, Joué- Club est ouvert de 9 heures à 19 heures en non-stop afin de gérer au mieux les flux, avec la mise en place d’un nouveau sens

Lydia Journot et une - petite - partie des cadeaux pré-commandés par les clients.

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