La Presse Pontissalienne 250 - Octobre 2020

La Presse Pontissalienne n°250 - Octobre 2020 19

“La chasse est attaquée, et avec elle la ruralité” l Le président des chasseurs du Doubs Jean-Maurice Boillon Président des chasseurs du Doubs, Jean-Maurice Boillon demande à ses chasseurs de relever la tête face à ce qu’il appelle

quiète de cette ingérence ! On ne va plus à la chasse pour manger mais pour réguler. Et non, les chas- seurs ne tirent pas sur tout ce qui bouge. L.P.P. :Face à toutes ces attaques, vos chasseurs bom- bent-ils le torse ou au contraire préfè- rent baisser les armes ? J.-M.B. : Il faut être fier d’être chasseur, ne pas avoir honte. On

seurs publient des images sur les réseaux sociaux : il faut s’abs- tenir car ce sont des prétextes pour nous critiquer. L.P.P. : Les chasseurs doivent-ils faire des concessions ? J.-M.B. : On a appris à partager l’espace mais je ne veux pas de ghetto. Aujourd’hui, la forêt est accessible : on ne veut pas res- triction mais on peut faire des concessions. L.P.P. : Vous êtes aussi critiqués pour les lâchers de petit gibier (il y en a peu dans le Doubs). J.-M.B. : Les lâchers doivent être moralisés pour qu’un faisan puisse par exemple s’adapter au milieu naturel. Quant à l’agrai- nage, il est là pour éviter que les gibiers détruisent les récoltes. Ce n’est en aucun cas du gavage. L.P.P. : Votre président national Willy Schraen est ultra-présent dans les médias,n’est pas langue de bois.Vous le soutenez ? J.-M.B. : C’est une personne que je soutiens. Sa présence média- tique a remonté nos opposants mais il est un excellent défenseur de la chasse et de la ruralité. L.P.P. : La chasse dans le Doubs ne va pas vers de beaux jours malgré son rôle de gestion des espèces, son rôle social et économique. J.-M.B. : Les jours seront difficiles mais nous sommes sereins. Chasseurs, pêcheurs, cavaliers, possesseurs de parc animaliers, de cirque, tout le monde doit faire front, ensemble. n Propos recueillis par E.Ch.

être des animaux et l’équilibre d’un biotope. Savent-ils que ce sont les chasseurs, qui, avec leur argent replantent des haies dans le Doubs ? Savent-ils que nous avons été moteurs pour protéger le renard ici ? Savent-ils encore que les bagues achetées par les chasseurs servent notamment à payer les dégâts occasionnés aux cultures ? Savent-ils que nous protégeons la faune et les automobilistes des collisions dues au trafic routier ? Nous devons le faire savoir. L.P.P. :La chasse peut paraître violente, non ? J.-M.B. : Personne n’a d’égard à tuer une mouche, personne ne veut la mort d’un chevrillard, mais la vie des uns se nourrit toujours de la mort des autres ! La mort d’un animal, ça trau- matise,mais elle doit être la plus propre possible. Avec ce R.I.P., ce sont les chasses traditionnelles puis les autres modes de chasse qui seront attaqués comme celle au chien courant. Aujourd’hui, on vise les chasseurs, demain ce sera les pêcheurs, les cavaliers parce qu’ils font mal aux che- vaux, les apiculteurs parce qu’ils spolient le travail des abeilles ! L.P.P. : La chasse est-elle nécessaire ? Vos détracteurs disent que non. J.-M.B. : La chasse est nécessaire sinon il y aurait trop de dégâts dans les cultures, dégâts que les chasseurs indemnisent aux agri- culteurs. Quand j’entends que des personnes dans les milieux anti-spécistes veulent stériliser les animaux sauvages, je m’in-

les “anti-tout”, des “bobos qui confondent le bien-être des animaux et l’équilibre d’un biotope” dit-il. Pour cela, il dégaine les arguments.

L a Presse Pontissalienne : Depuismi-septembre,environ 7 500 chasseurs du Doubs ont fait leur retour dans les bois et prairies, un chiffre en légère baisse. Pourquoi cette ouverture 2020 est-elle si différente des autres ? Jean-Maurice Boillon : Elle est déjà particulière en raison du Covid. Nos effectifs sont vieillissants : nous devons prendre soin de nos

aînés pour ne pas les exposer. Mais la vraie problématique de fond concerne les attaques de nos opposants. Elles fusent de toute part : des animalistes, des anti-spécistes.Moi, je les appelle les “anti-tout”. On ne peut plus vivre dans nos campagnes car ce n’est pas uniquement la chasse qui est menacée, mais la ruralité.

L.P.P. : Un projet de référendum d’ini- tiative partagée (R.I.P.) a été lancé le 2 juillet par un journaliste, et deux grands patrons français. Il prévoit l’in- terdiction de l’élevage intensif,en cage, de la chasse à courre et des chasses dites traditionnelles. Pourquoi a-t-il autant de résonance dans vos rangs ? J.-M.B. : C’est soutenu par un public “bobo” qui confond le bien-

“Aujourd’hui la chasse, demain la pêche, l’équitation…

doit pouvoir pratiquer notre loi- sir. Aujourd’hui, des miradors sont sabotés, d’autres actes mal- veillants apparaissent dans le Doubs. Il est clair que cette ambiance est une raison de l’éro- sion des effectifs. L.P.P. : Le Haut-Doubs est-il protégé de ces actes malveillants ? J.-M.B. : Pas vraiment. Le député de la 4ème circonscription du Doubs Éric Barbier (L.R.E.M.) vient de signer le R.I.P. avec Éric Alauzet. Je peux dire qu’ils se sont mis la ruralité à dos. L.P.P. : Vous n’êtes plus attaqués sur la sécuritémais sur la condition animale. Que faire ? J.-M.B. : Être chasseur, c’est ana- lyser, observer, sélectionner. On ne choisit pas de tirer sur le pre- mier oiseau qui passe ! Des chas-

Le président des chasseurs Jean-Maurice Boillon ici dans le hall de la Fédération, à Gonsans.

“Les chasseurs nous privent de la nature” l Opinion La présidente de l'association Humanimo

en enclos, sans aucune caresse. Ces chiens sont dressés pour tuer. On pense que la chasse nous prive de la nature. L.P.P. : Humanimo compte combien d’adhé- rents ? V.V. : Cela varie entre 150 et 200 adhé- rents. Le nombre varie suivant les évé- nements, les actions. Je voulais aussi rajouter un point quand vous pratiquez un sport, on vous demande un certificat médical, ce qui n’est pas du tout le cas avec la chasse alors que l’utilisateur tient un fusil entre ses mains. L.P.P. : Un chasseur suit quand même une for- mation avant d’avoir son permis ? V.V. : Le permis de chasse, il suffit de payer. On vous le donne même si vous êtes aveugle, handicapé. On remarque aussi que beaucoup de gens des villes viennent pratiquer la chasse en 4 x 4 dans nos campagnes. L.P.P. : C’est une vision assez caricaturale de la chasse ! V.V. : Je vous invite à venir voir dans quel état sont les chasseurs le dimanche après-midi après leurs gueuletons. On n’ose plus sortir en forêt.Mais la chasse reste un gros lobbying protégé par les politiques. n Propos recueillis par F.C.

Association acquise à la cause animale, Humanimo est ferme- ment opposée à la chasse et aux chasseurs pour des raisons d’éthique, de sécurité et de déséquilibre écologique. Entretien avec Virginie Vernay, présidente de l’association Humanimo.

de l’intervention humaine avant de revenir à une situation normale qui permette une régulation naturelle. L.P.P. : Le loup attaque aussi des troupeaux ovins notamment ? V.V. : J’ai interviewé beaucoup de bergers qui vivent en harmonie avec le loup. Il faut revenir à un élevage traditionnel à taille humaine, utiliser des chiens patous. L.P.P. : La chasse n’est plus en phase avec les attentes de la société selon vous ? V.V. : La chasse dérange beaucoup la population rurale. De plus en plus de personnes en ont assez de voir des chas- seurs autour de leur village. Les chas- seurs nous privent de la nature. C’est aussi une question de sécurité. On déplore chaque année une vingtaine de décès dus à des accidents de chasse. De septembre à février, on ne peut plus mettre un pied dans la nature sans se sentir agresser. L.P.P. : La chasse est beaucoup moins mortelle que le V.T.T., par exemple ? V.V. : Peut-être, mais le risque dans un

sport extrême ou dangereux relève d’un choix personnel et l’accident n’est pas causé par la maladresse mortelle d’un tiers. L.P.P. : Vous êtes aussi anti-pêche ? V.V. : Bien évidemment, on n’est pas favo- rable à la pêche. En revanche, on n’est beaucoup moins virulent qu’avec la chasse qui amène beaucoup plus de désagréments. L.P.P. : Humanino s’est engagé dans le combat du Collectif Renard Doubs qui demandait son retrait de la liste des nuisibles ? V.V. : Oui, car cet animal a un impact

L a Presse Pontissalienne : Pourquoi êtes- vous contre la chasse ? Virginie Vernay : On estime que la chasse n’est plus acceptable au niveau éthique car c’est devenu un loisir alors qu’avant c’était unmoyen de subsistance.Chasser pour son plaisir, c’est une pathologie et non un loisir bucolique. L.P.P. : La chasse peut aussi être considérée comme un moyen de réguler les populations de gibier, qu’en pensez-vous ? V.V. : L’abondance de gibier reflète un déséquilibre écologique qui reflète une mauvaise gestion entraînant des pro- liférations de certaines espèces. En 2019-2020, on dénombre 12 503 prélè- vements tous gibiers confondus. C’est 12 503 vies. Cela nous parle. 92 000 sangliers ont été abattus en France pour la même saison contre 800 000 au cours des vingt dernières années. Il y

a un gros problème de régulation. Plu- sieurs raisons expliquent ce déséquili- bre : les élevages privés, l’agrainage. Cette pratique encourage plus la repro- duction qu’elle n’empêche les dégâts dans les champs de maïs. Les arbres qui fournissent les glands, ce sont les glandiers (sic), devraient suffire à ali- menter les sangliers. La régulation s’est toujours faite naturellement avant que l’homme s’en mêle. Pour le sanglier aujourd’hui, c’est plus compliqué. À cause de l’homme, l’espèce est devenue beaucoup plus prolixe. L.P.P. :Que préconisez-vous pour réguler le san- glier ? V.V. : Nous disons qu’il faut remettre des prédateurs comme le lynx ou le loup. L.P.P. : Cela suffira-t-il ? V.V. : Non, je pense qu’il faudra encore

très utile sur le campa- gnol. C’est l’allié des agri- culteurs.Au niveau de la chasse, nous dénonçons aussi ce qui se passe dans les dix élevages privés de sangliers du Doubs qui échappent à toutes régle- mentations. En tant qu’Humanimo, on cri- tique aussi le traitement accordé aux chiens de chasse courants élevés

“Chasser pour son plaisir, c’est une pathologie.”

Made with FlippingBook HTML5