La Presse Pontissalienne 243 - Janvier 2020

26 DOSSIER DOSSIER

La Presse Pontissalienne n°243 - Janvier 2020

l Coût de la vie

Restos du cœur

Des retraités qui peinent à joindre les deux bouts Les temps sont durs dans le Haut-Doubs quand on se retrouve seul avec une petite retraite. Certains n’ont plus d’autre choix que de se tourner vers les associations qui distribuent de l’aide alimentaire. Témoignages.

L e Haut-Doubs n’a mal- heureusement pas le privilège des fins de mois difficiles mais, pour des retraites équivalentes, c’est malheureusement plus compliqué de joindre les deux bouts. Surtout quand on se retrouve seule et locataire comme c’est le cas de cette dame qu’on prénommera Hélène et qui aura 72 ans cette année. “La vie est maintenant très compli- quée. Je touche aujourd’hui 1 045 euros de retraite. Je paie un loyer de 500 euros en béné- ficiant de 42 euros d’A.P.L. Quand j’ai réglé toutes les charges, il me reste environ 300 euros pour me nourrir,m’ha- biller” , confie celle qui n’a guère eu d’autre choix que de pousser la porte des Restos du cœur il y a deux ans. Un crève-cœur. “La première fois, je suis sortie en pleurant. Il m’a fallu du temps pour le dire à mes enfants.

Non sans sacrifices. “Vous n’ima- ginez pas les difficultés à gérer une dépense imprévue” dit-elle. Hélène n’a pas de voiture bien sûr, ne part pas en vacances et ne parvient plus à mettre de l’argent de côté. En dehors de sa famille et des Restos du cœur, elle fait aussi partie du réseau d’échanges réciproques de savoirs de Pon- tarlier. Les seniors sont de plus en plus nombreux à venir aux Restos du cœur. “Sur 105 familles accueillies à Pontarlier, il doit bien y avoir une dizaine de retraités. On sait aussi que certains sont trop handicapés pour se déplacer au local et que d’autres n’osent pas venir. C’est toujours une question de dignité” , explique Marie Del- grandi, responsable de l’antenne des Restos du cœur à Pontar- lier. Autre bénéficiaire qui accepte de témoigner à couvert,

Aujourd’hui, cela me fait du bien. Je suis quitte d’acheter à manger tous les jours et ici, on peut discuter, boire une boisson chaude, prendre un gâteau.” Hélène n’a rien d’un cas social victime d’une enfance doulou- reuse, sujet à toutes sortes d’ad- dictions. Originaire de Pontar- lier, cette maman de deux enfants était

Les Restos du cœur œuvrent de plus en plus pour les retraités qui représentent désormais 10 % du public accueilli.

ouvrière comme tant d’autres. Tra- vail à la Tricote puis à la C.I.T. Alcatel pendant 25 ans, chômage, nou- vel emploi dans une société de net- toyage avant de terminer sa car- rière comme A.T.S.E.M. dans une école mater- nelle de la ville. Séparée, elle tient à rester autonome.

période de chômage, travail dans les services à la personne, elle a travaillé toute sa vie avant de prendre sa retraite il y a quelques années. Cette maman de trois enfants et grand-mère avec 10 petits-enfants donne aussi de son temps au conseil d’administration des Pareuses. “On se retrouve vite isolée quand on est en difficulté. Je ne suis pas malheureuse mais on vou- drait bien vivre un peu mieux.” L’hiver venu, le public est tou- jours aussi nombreux à fréquen- ter les Restos du cœur. “On note

Monique. “C’est la galère en étant seule avec une petite retraite. J’ai dû racheter dernièrement une nouvelle machine à laver car l’ancienne était tombée en panne. Ajouter à cela une grosse facture de chauffage et on se retrouve vite dans une situation pénible.” Elle aussi s’est tournée vers l’aide alimentaire. D’abord les Restos du cœur en hiver puis la campagne d’été. “Je vais pro- bablement m’inscrire au P’tit Panier car je suis toujours dans le rouge.” Emploi dans le commerce,

quand même qu’il y a encore de la solidarité dans le Haut-Doubs. Des restaurants accueillent régu- lièrement des bénéficiaires. On nous donne des bons pour des repas en restauration rapide qu’on redistribue aux familles. Les enfants sont ravis surtout en période de Noël” , souligne Marie Delgrandi. Ouf, il semble encore subsister un peu d’em- pathie, de chaleur humaine dans ce Haut-Doubs frontalier plus enclin ces dernières années à afficher des signes extérieurs de richesse. n F.C.

“C’est plus compliqué de joindre les deux bouts.”

l Social

140 familles en 2019

La Croix Rouge mobilité étend

son réseau sur tout le Haut-Doubs

Après le Haut-Doubs forestier, ce service rattaché à l’unité locale de la Croix Rouge de Pontarlier a ouvert en 2019 deux nouveaux points de distribution d’aide alimentaire à Gilley et au Russey. Et ce n’est pas fini…

C.C.A.S. Elles mettent tempo- rairement un local à la dispo- sition de la Croix Rougemobilité. Ce local sert aussi de point d’ac- cueil des familles qui se voient proposer un café, une collation, une écoute, un temps d’échange. “On passe tous les 15 jours dans chaque point de distribution” ajoute Yves Leclerc. Avec le temps, le service se diver- sifie aussi avec la livraison de fournitures scolaires à la rentrée, de cadeaux de Noël ou la mise en place de VestiBoutiques mobiles.Toutes ces actions mobi- lisent des partenaires : collec- tivités, club-service, associations, commerces qui organisent des collectes, des actions ou donnent des denrées alimentaires. Une chaîne de solidarité se met en place. “On va ouvrir de nouveaux points à Jougne et aux Fourgs sous réserve de trouver quelques bénévoles supplémentaires. La même démarche est à l’étude au Luhier, aux Gras voire à Arc- sous-Cicon. On a juste besoin d’avoir un espace d’accueil dis- ponible tous les 15 jours et des bénévoles locaux pour optimiser le service sur place” conclut le président. n F.C.

du dispositif en 2019. Cette croissance s’explique avant tout par la multiplication des points de livraison à Laberge- ment-Sainte-Marie et Mouthe en 2018 puis Gilley et au Russey l’an dernier. “On va au-devant de familles qui ne peuvent pas se déplacer. C’était particulière- ment flagrant au lancement du point de livraison du Russey. À l’image du secteur de Levier, ce territoire offre des solutions de logement à des prix encore rai- sonnables. Cela permet d’héber- ger des populations à faibles revenus pour lesquelles se pose

tionne dans une démarche de projet. Un accompagne- ment est mis en place après avoir identifié la ou les causes du problème. L’aide alimentaire sert alors aux familles à réduire le poids de la nour- riture dans le bud- get. Ce qui permet

alors la question du transport.” La Croix Rouge mobilité inter- vient aussi à Pontarlier au ser- vice des bénéficiaires des Restos du cœur et du P’tit Panier. “On raccompagne les personnes qui auraient de grosses difficultés à rentrer chez eux à pied avec leur colis. C’est un transport sous condition. On sort parfois du cadre alimentaire pour dépanner des gens en précarité qui n’au- raient pas les moyens d’honorer une convocation ou un rendez- vous. Dans ces cas précis, on peut intervenir seulement dans les communes de moins de 12 000 habitants qui sont généralement dépourvues de transports publics.” Ne bénéficie donc pas qui veut du service développé par la Croix Rouge mobilité. Les familles sont identifiées et orien- tées par les services sociaux notamment ceux du Départe- ment mais aussi la C.A.F. ou la Caisse d’Allocation Retraite et de Santé au Travail… Sur les 140 familles accompa- gnées en 2019, 30 % disposaient d’un reste à vivre inférieur ou égal à zéro. Cette règle des 30 % peut se dupliquer à tous les publics en grande précarité. Rien n’est définitif. “On fonc-

D ans ce pays de cocagne du Haut-Doubs, il est bon de rappeler qu’on a procédé à deux expulsions de logements au 31 octobre, soit la veille de la trêve hivernale. La question n’étant pas de savoir si cela est justifié ou pas, mais de dire que cela existe aussi chez nous. Le dispositif de la Croix Rouge mobilité a été mis en place en

Un reste à vivre inférieur ou égal à zéro.

2016 avec l’objectif de distribuer de l’aide alimentaire sur des territoires ruraux où vivent aussi des familles en situation de précarité, sans moyens de locomotion. “Quand on a ouvert les premiers points de distribu- tion à Frasne et Levier en 2017, on approvisionnait 38 familles” , explique Yves Leclerc, le prési- dent de l’unité locale de la Croix Rouge. 140 familles ont bénéficié

parfois mais pas toujours de réduire les dettes, remettre le pied à l’étrier et in fine , retrouver un emploi. Au 1 er janvier 2020, on est reparti avec 75 familles, ce qui signifie que 65 étaient sor- ties de la spirale.” Autre point important, la dis- tribution n’est pas gratuite mais soumise à la participation finan- cière, certes modeste, mais qui évite de tomber dans l’assistanat systématique ou la mendicité. Une façon aussi d’œuvrer dans le respect de la dignité des familles. L’accès au dispositif est reconduit ou pas tous les trois mois en fonction des chan- gements de situation. Le choix des points de livraison coïncide pour l’instant avec des com- munes qui ont préservé leurs

Deux bénévoles, Paul et Patricia, préparent le camion au local de stockage loué aujourd’hui dans le bâtiment de la Belle Vie à Houtaud.

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