La Presse Pontissalienne 240 - Octobre 2019

8 L’ÉVÉNEMENT

La Presse Pontissalienne n°240 - Octobre 2019

l Syndicat des résineux de Franche-Comté Peu de débouchés “Ce n’est pas du tout une chance pour les scieurs”

Pour certains observateurs, l’effondrement des cours du bois devrait profiter aux scieurs, ce que dément formellement le président du syndicat des résineux de Franche-Comté. Entretien.

L a Presse Pontissalienne : Les scieries tournent à plein régime ? Olivier Calvi : On ne sait plus quoi faire de ces bois secs.On a encore en Franche-Comté des scieries très diversifiées qui transforment habituellement des bois verts en qualité charpente. Ce qui arrive aujourd’hui, c’est du bois sec en qualité emballage ou tri- turation. Ces crises-là ne sont jamais bonnes. Les résineux sco- lytés qu’il faut abattre annoncent pour demain un gros manque de production. Les scieries com- toises sont obligées d’acheter des bois verts pour honorer les commandes. On craint de voir arriver des acheteurs allemands ou autrichiens à la recherche de “On ne participe plus aux réunions de crise scolytes car cela n’aboutit à rien”, note Olivier Calvi, le président du syndicat des résineux de Franche-Comté.

matière pour alimenter les grosses unités de transformation installées dans ces pays. Avec cette concurrence, les prix vont peut-être s’emballer. L.P.P. : C’est difficile de trouver des débouchés pour les bois secs ? O.C. : C’est presque impossible à exporter. Il y a de la demande dans l’ouest de la France, en Aquitaine par exemple,mais les coûts de transport sont trop éle- vés pour ce type de produits. Ce n’est pas rentable.Avec cet afflux de matière, les marchés seront vite engorgés. Heureusement qu’il y a encore des besoins dans ce secteur, signe que l’économie se porte plutôt bien. On com- prend très bien la situation et je pense que personne n’a vrai- ment la solution. On entend par- ler d’aides en espérant qu’elles n’arriveront pas trop tard. L.P.P. :Une crise inéluctable selon vous ? O.C. : On sait qu’elle est liée au réchauffement climatique. On en parle depuis des décennies. On regrette le manque d’anti-

cipation, l’inertie de l’État et de l’O.N.F. qui auraient pu agir pour remplacer les peuplements de sapins et d’épicéas par des essences qui résistent mieux à la sécheresse. Maintenant, on est coincé. L.P.P. : Des frictions avec l’O.N.F. ? O.C. : Non, mais c’est vrai que la situation est tendue avec les scieurs. L.P.P. : Toute la filière est donc tou- chée ? O.C. : Beaucoup de scieries ne sont pas conçues pour transformer des bois secs. Cette crise pose beaucoup de questions, à beau- coup de monde. Ce n’est pas du tout une chance pour les scieurs. Quand les bois se vendent bien, on fait plus de marges. Comme on ne peut pas acheter trop de bois vert, il y a un risque de fra- giliser toute la filière. Tous les pays européens sont concernés. L.P.P. : Cela n’a rien à voir avec la tem- pête de 1999 ? O.C. : Non, car il s’agissait d’un

phénomène ponctuel alors qu’avec les bois scolytés, on sait que le phénomène va perdurer. Cet automne, il faudrait qu’il pleuve pendant trois semaines ou un mois en sachant que le marché de la construction ralen- tit forcément en hiver et que les cours du bois suivent le mouve- ment. L.P.P. : L’avenir n’est pas réjouissant ? O.C. : C’est vraiment une crise sournoise. On a la chance en Franche-Comté d’avoir une forêt de qualité mais qui souffre de tous les côtés. On n’a pas parlé du hêtre mais on assiste aussi à une vraie course à l’abattage en Haute-Saône et dans le bas du département. Je pense qu’il serait nécessaire de pouvoir pro- poser des aides au renouvelle- ment forestier en forêt publique comme privée car rien n’incite les propriétaires à investir dans le bois. Se pose aussi la question des produits connexes avec un marché saturé et des pertes de rentabilité. n Propos recueillis par F.C. “Le financement du C.N.P.F. est en chute continue. Ses effectifs ont été réduits de 10 % depuis 2012. Aujourd’hui, le projet de budget de l’État pour 2020 prévoirait à nouveau de réduire significativement ses ressources. Il amputerait notamment de 15 % la part de la taxe sur le foncier non bâti, payée par les propriétaires, ainsi que la subvention de charge de service public qui constituent ses ressources de base et plus des deux tiers de son budget. Moins d’argent, moins de personnel, moins de conseils et des risques de lais- ser la forêt privée française à l’abandon.” Extrait du commu- niqué de presse diffusé en sep- tembre par l’Union Nationale des Syndicats Autonomes. n La forêt privée brûle à l’heure de sauver l’Amazonie 5 euros le m 3 , on peut les com- prendre. Faut-il couper des bois verts avant qu’ils ne subissent les attaques d’insectes comme certains le suggèrent ? “C’est un pari à double tranchant que doit faire le propriétaire. On préconise malgré tout un report de coupe en sachant qu’il est très compli- qué de conseiller.” n F.C.

l Profession Centre Régional de la Propriété Forestière Forêt privée ou publique, même combat Les propriétaires de forêt privée sont confrontés aux mêmes dilemmes qu’en forêt publique : évacuer, vendre, reconstituer. Pour ce faire, bon nombre d’entre eux sollicitent l’expertise du Centre Régional de la Propriété Forestière.

L a forêt privée couvre 46 % de la surface boi- sée en Franche-Comté. “Depuis 2018, le volume de bois scolytés en forêt privée sur la Bourgogne-Franche-Comté est estimé à 332 000 m 3 . Ce chif- fre concerne seulement les pro- priétés de plus de 25 hectares qui sont soumises à des plans simples de gestion. Les dégâts sont donc forcément supérieurs si l’on prend en compte l’ensem- ble des parcelles privées” , explique Olivier Moyse, techni- cien forestier à l’antenne du C.R.P.F. à Pontarlier. Cet organisme public indépen- dant non commercial accom- pagne la gestion des forêts appartenant à des particuliers.

Il valide les plans de gestion, diffuse des solutions techniques, aide les propriétaires qui veulent se rassembler pour mutualiser des récoltes, créer des voiries forestières… “La situation est très compliquée. Comme le sti- pule l’arrêté préfectoral de lutte contre les scolytes, on recom-

“La forêt encaisse les coups à l’image d’un boxeur et finit par s’affaiblir”, explique Olivier Moyse qui craint que l’impact soit encore plus marqué en 2020.

mande aux pro- priétaires d’éva- cuer les bois. On les oriente au besoin vers des entreprises de tra- vaux forestiers en sachant que c’est difficile de mobi- liser les petits pro- priétaires pour seulement

se projeter sur plusieurs décen- nies. Il est primordial de ne pas se précipiter, de commencer par étudier le sol. La régénération peut aussi se faire de façon natu- relle. On privilégie le mélange des essences, ce qui ne signifie pas que c’est la fin des résineux dans le massif du Jura. Les peu- plements sur la haute chaîne sont moins touchés par le sco-

lyte.” Comme d’autres forestiers, Oli- vier Moyse n’est pas très opti- miste pour l’année 2020 qui reflétera aussi la sécheresse de cet été. Il craint que la démoti- vation s’amplifie chez les petits propriétaires découragés devant l’effondrement des prix. Entre un bois vert à 50 euros le m 3 et un bois sec qui vaut tout au plus

quelques bois touchés.” L’accompagnement du C.R.P.F. s’étend aussi lors de la recons- titution qui prendra forcément en compte le changement cli- matique. Des conseils qui por- tent sur les essences, les méthodes de sylviculture, l’uti- lisation des outils de diagnostic du sol. “Il y a toujours une part d’incertitude quand il s’agit de

Faut-il couper des bois verts ?

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