La Presse Pontissalienne 240 - Octobre 2019

La Presse Pontissalienne n°240 - Octobre 2019

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l Levier Un manque de lisibilité 50 000 euros de recettes forestières en moins sur 2019

É lu délégué à la forêt, Emma- nuel Bouriot, s’étonne que l’on n’ait pas exploré plus tôt d’au- tres débouchés commerciaux en dehors du réseau de scieries locales, lequel se retrouve aujourd’hui saturé face à l’afflux de bois scolytés. “Ce dis- positif en circuit court équitable et bien rodé montre aujourd’hui ses limites. On a l’impression que ceux qui com- mercialisent les bois découvrent qu’il y a une demande en Bretagne et en Aquitaine. La filière bois est peut-être restée trop recroquevillée sur elle-même. On peut regretter qu’elle ne se soit pas positionnée sur ces marchés plus tôt car, hormis les arbres scolytés, le bois jurassien n’a plus à prouver ses qua- lités.” À Levier comme dans les autres com- munes forestières, on subit l’impact de deux sécheresses consécutives. La travaux d’aménagement forestier et de s’interroger sur l’issue d’une crise pavée d’incertitudes. En fin d’année, la commune de Levier se retrouvera avec un volume de 400 à 500 m 3 de bois scolytés. Elle n’a plus que le choix de reporter des

“On est plus inquiet pour 2020”, explique Emmanuel Bouriot, l’élu délégué à la forêt.

commune possède 400 hectares de forêts pour une possibilité de coupe annuelle de 3 200m 3 /an, soit une recette moyenne de 220 000 euros au budget bois. “En 2018, on avait déjà enregistré une baisse de 30 000 euros par rapport à 2017. Avec 400 à 500 m 3 de bois sco- lytés cette année, la perte s’élèvera autour de 50 000 euros en 2019, ce manque à gagner prend aussi en compte les lots de bois verts retirés de la vente.” Pour autant, ces difficultés ne remettent pas en cause ni la santé financière ni les projets engagés par la commune. “On est juste moins serein et inquiet d’une situation où l’on manque sérieu- sement de visibilité sur l’avenir. Pour limiter l’impact, on a été contraint de

limiter les travaux sylvicoles ou du moins, de les repousser à une date ulté- rieure. On avait budgétisé 85 000 euros dans la réalisation de places à bois et d’une route forestière en 2020 et 2021. Ces projets sont donc ajournés” , poursuit Emmanuel Bouriot. L’élu lévitien déplore aussi le manque de soutien des dirigeants politiques. “On a l’impression qu’ils ne mesurent pas l’ampleur de la catastrophe qui risque de mettre à mal la trésorerie de nombreuses communes. On attend tou- jours des mesures concrètes de l’État : aides au transport, prêts de trésorerie et dans un second temps des aides à la reconstitution des peuplements sous réserve de savoir quoi replanter.” n

l Bûcheronnage Regain d’activité Effervescence en forêt Les entreprises de travaux forestiers ne savent plus où donner de la tête avec cet afflux de bois secs à évacuer rapidement vers les scieries.

L es habitants des Granges- Narboz riverains du Laveron peuvent sans doute en témoi- gner, les bûcherons n’ont pas chômé en septembre sur ce versant parsemé d'îlots de bois scolytés. “On évite de commencer trop tôt” , indique Jean-Michel Bertin, débardeur qui intervient sur ce secteur avec son fils Pierre-Marie, Beyan l’apprenti et un autre bûcheron Florent Monnier. Il y a urgence. Les dépôts de sciure d’écorce, indice de bois scolyté, s’amon- cellent au pied des arbres touchés. “En un mois, le volume de bois touché a doublé. Suite à la sécheresse de 2018, on avait déjà récolté 1 245 m 3 de bois sec au printemps. On sera pratique- ment à 2 000 m 3 en fin d’année” ,

l Villers-sous-Chalamont Expérimentations “Il faut arrêter de se voiler la face” Face à une situation préoccupante, le maire Claude Courvoisier estime urgent d’engager une politique volontariste de reboisement adaptée au changement climatique. Illustration.

constate Pierre Girard, l’agent O.N.F. qui gère le triage duVal d’Arlier. Cette unité territoriale englobe les com- munes de Chaffois, Houtaud, Dom- martin, Doubs, Bannans, Les Granges-

Narboz et les propriétés forestières de l’hôpital de Pontarlier. Même si le scolyte génère un surcroît de travail pour les entreprises de travaux forestiers, les bûcherons et débardeurs n’apprécient pas forcément l’aubaine. “On préférerait de loin abattre du bois vert. Ce serait plus rassurant pour tout le monde” , analyse Jean-Michel Bertin. n

Il y a urgence.

V ice-président de l’as- sociation des com- munes forestières du Doubs, Claude Courvoisier approuve pleinement le prin- cipe de réduire de 40 % les volumes de bois verts mis sur le marché. Par solidarité. “Aucun forestier n’a jamais vu un tel fléau de par son ampleur, qui touche autant d’espèces à l’échelle euro- péenne” , note l’élu qui connaît bien ce milieu, étant chef d’agence d’une société fores- tière privée.

Si l’O.N.F. dispose de plu- sieurs stations d’expérimen- tation à Villers-sous-Chala- mont, la commune n’est pas en reste puisqu’elle suit éga- lement une jeune plantation de douglas. “Certains esti- maient que le calcaire était un facteur limitant pour cette espèce. Il s’avère que le dou- glas pousse plutôt bien sur du calcaire non actif. Cet arbre possède un système racinaire mixte pivotant et rayonnant. C’est une espèce très dynamique qui en 50 ans

faut refaire un état des lieux derrière les coupes rases d’épi- céa. C’est l’heure de ressortir la tarière, d’analyser le sol, de réfléchir avant d’entre- prendre quoi que ce soit.” Le bon sens forestier. Sur le plan financier,Villers qui possède 300 hectares de forêt soumise n’est pas encore trop fragilisée par l’ampleur des dégâts. “On perçoit en moyenne entre 650 et 700 euros/ha pour une com- mercialisation de 4 500 m 3 en volume aménagement, soit 4 000 m 3 en volume mar- chand. Cela représente une base de 300 000 euros de recettes annuelles en tenant compte des différents modes de vente. On a inscrit 250 000 euros au budget 2019 et au 16 septembre, on a perçu seulement 74 000 euros, soit 30 % de réalisation sachant qu’il reste encore deux beaux lots à vendre. Cette année n’est pas catastrophique car il nous restait des reliquats qui sont arrivés plus tardi- vement.” n

peut donner un bois de 2 m 3 . Son rendement varie entre 15 et 20 m 3 /ha/an. Un vrai cheval de course forestier.” Les douglas communaux poussent sur un tapis fores- tier assez haut pour les pro- téger du soleil.“On distingue aussi quelques sapins répar- tis ici ou là dans l’idée d’une forêt plus mélangée.” La par- celle de douglas couvre 5 hec- tares. Sur une autre parcelle com- munale, on découvre une plantation de mélèzes. Un peuplement mixte avec du sapin, du noisetier, de l’érable sycomore. “On a décidé de ne faire aucun traitement avant cinq ou six ans.” Cette démarche expérimentale tra- duit le souci d’anticiper un réchauffement inéluctable. “On ne peut plus se contenter d’attendre. Il faut arrêter de se voiler la face et savoir se remettre en cause dans ses pratiques” , poursuit Claude Courvoisier qui préconise une approche assez basique en matière de repeuplement. “Il

La commune possède une parcelle de 70 ares plantée en mélèzes avec d’autres essences : sapin, noisetier, érable sycomore…

Bûcherons et débardeurs sont très sollicités pour sortir les bois au plus vite comme en témoignent Florent Monnier, Beyan (en tee-shirt rouge), Pierre-Marie et son père Jean-Michel Bertin.

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