La Presse Pontissalienne 240 - Octobre 2019

LE PORTRAIT

47 La Presse Pontissalienne n°240 - Octobre 2019

LABERGEMENT-SAINTE-MARIE

Un patrimoine à part

Claude Page, la mémoire mycologique du Haut-Doubs Il a posé le fusil pour traquer plus pacifiquement les champignons et se plonger ainsi dans une aventure sans fin : celle de la détermination sensorielle, microscopique, génétique. Une passion d’automne.

C’ est en suivant son grand-oncle en cueillette qu’il a découvert ce monde fascinant des champignons. Un ordre à part dans la classification scien- tifique des espèces.Avec ses parents, il pratique aussi la “mycophagie”, l’autre façon de qualifier une recherche avant tout dictée par la consommation du produit. “J’ai fait la même chose avec mes enfants” , explique l’ancien instituteur qui va approfondir sa pratique en décou- vrant, il y a de cela une bonne tren- taine d’années, le premier salon du champignon organisé à la Maison de la Réserve. Un déclic. Sur l’invitation d’Albert Bertrand, il rejoint alors la société d’histoire naturelle du Haut-Doubs et plus spécifiquement la sectionmycologie. Il y rencontre aussi “un maître” en la personne de Paul Lajeanne. “Je dois beaucoup à ces deux amis qui sont aujourd’hui décédés.” Le myco- phage se mue en mycophile dans l’espoir de devenir mycologue, le stade ultime. Finies aussi les parties de chasse, et place aux sorties cham- pignons et à l’acquisition d’un savoir plus spécifique. “Àmon niveau, c’est une connaissance purement gratuite même s’il y a beaucoup d’applications scientifiques. Je pense par exemple à la pénicilline, à la bière, au vin, car les moisissures comme les levures sont aussi des champignons.” Responsable aujourd’hui de la sec-

tion mycologique de la société d’his- toire naturelle du Haut-Doubs, Claude Page en bon instituteur aime à faire partager son expérience, il est régulièrement présent le lundi soir au local de la société situé aux Casernes Marguet à Pontarlier. “Les gens nous amènent les champignons qu’ils ont cueillis le week-end et on les aide à déterminer.” Il est vent debout contre les mesures récem- ment prises dans le secteur de Salins, Poligny, Arbois d’autoriser en forêt publique la cueillette en quantité illimitée de lactaires à des fins com- merciales pour contrer un trafic illé- gal à destination de l’Espagne. “Toutes les associations mycologiques sont opposées à ce genre de récolte qui pourrait dégénérer en un vrai pillage. Aucune ressource n’est iné- puisable.” La mycologie impose vite beaucoup d’humilité. “Plus tu connais, et plus

vrages spécialisés avant d’enchaîner à l’observation microscopique des spores. “On est vite obligé de retenir les noms latins car la désignation populaire d’un champignon peut varier d’une région à l’autre.” Il est aussi convaincu de l’intérêt d’investir dans la valeur patrimoniale des champignons car il existe par exem- ple des espèces “parapluies” repré- sentatives de la qualité écologique des milieux. “Des périmètres de pro- tection sont à l’étude mais à la dif- férence de la flore, les champignons ne repoussent pas toujours aumême endroit d’une année d’une l’autre. Il serait pourtant utile parfois de pré- server quelques arbres pour protéger les espèces qui leur sont inféodées. On réalise actuellement un inventaire mycologique sur la réserve naturelle de Remoray où l’on a déjà identifié 800 espèces.” Qu’en est-il du réchauf- fement climatique ? Le phénomène impacte forcément la fonge et favo- rise l’arrivée d’espèces sur le Haut- Doubs pas forcément sympathiques comme la sinistre amanite phal- loïde. Claude Page n’a rien d’unmycologue solitaire et égoïste. Bien au contraire. Dans la détermination, l’union fait aussi la force. “Je ne vois aucun inté- rêt de s’acharner seul sur un cham- pignon inconnu. C’est beaucoup plus sympa de travailler à plusieurs.D’au- tant plus qu’avec Internet on peut travailler à distance” , indique celui qui affiche plus de 2 300 images de

Tout change

cela se complique. Aujourd’hui, on fait même appel à l’A.D.N. pour affiner la détermination.” Cela reste en tout cas une vraie démarche intellectuelle d’abord sensorielle avec la vue, l’odeur puis le goût. Dans l’incerti- tude, le mycologue Claude Page utilise ensuite tout une bibliothèque d’ou-

e

Avec les feuilles mortes, vient l’appel des champignons : un chant irrésistible pour Claude Page.

“Plus tu connais,

Bio express

l Instituteur retraité Marié, deux garçons, cinq petits- enfants Loisirs sportifs : V.T.T., balade, ski alpin, ski nordique Autres passions : mycologue, naturaliste, choriste l l l

champignons sur son site person- nel. L’arrivée de l’automne reste toujours l’annonce d’une saison privilégiée pour les mycologues. Sous réserve que les sécheresses à répétition ne ruinent pas leurs espoirs.Au point parfois de devoir annuler certains salons même si celui de la Maison de la Réserve restait programmé les 5 et 6 octobre.

Claude Page qui fut maire de Labergement de 2008 à 2014 est très éclectique dans ses loisirs et engagements : choriste à la Petite Fugue de Mouthe, vice-président de laMaison de la Réserve, délégué départemental de l’Éducation Nationale. En hiver, il trouve encore le temps de commenter les courses de l’Olympic Mont d’Or. n F.C.

et plus cela se complique.”

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