La Presse Pontissalienne 240 - Octobre 2019

MOUTHE - RÉGION DES LACS

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La Presse Pontissalienne n°240 - Octobre 2019

LABERGEMENT-SAINTE-MARIE Réserve naturelle L’éco-pâturage au service de la diversité biologique

L’association gestionnaire de la réserve naturelle du lac de Remoray fait pâturer depuis vingt ans des chevaux Konik polski pour maintenir la biodiversité dans les zones humides. Un outil de gestion écologique dirigé et très efficace.

à octobre sur la réserve. Ils pas- sent l’hiver à l’extérieur dans l’exploitation agricole proche du Montrinsans, nourris avec du foin réalisé aussi aumarais. “On est sur un pâturage très dirigé organisé sur des parcs d’1 à 2 hectares en suivant le rythme des floraisons, des nidifications.” L’action telle qu’elle est menée à Remoray s’appuie sur trois outils essentiels : la dent, le sabot et le crottin. En broutant, l’ani- mal limite le développement de la végétation et donc sa décom- position sur place. “Le pâturage permet ainsi de stopper l’évolu- tion naturelle du marais ou de le maintenir à un stade plus jeune, plus dynamique.” En se déplaçant, l’action mécanique du cheval entraîne une grande diversité de la microtopographie du sol, ce qui favorise la diversité

A ssèchement, irrigation, rectification des cours d’eau : les zones humides sont en régression conti- nue depuis des siècles et la pres- sion de l’homme sur ces milieux empêche toute création. D’où l’intérêt de préserver les marais existants à l’intérieur de réserves naturelles comme celle

du lac de Remoray. “En 1999, l’association gestionnaire a sou- haité introduire du pâturage au marais même si historiquement, il n’y a presque jamais eu de vaches aumarais autour du lac” , explique BrunoTissot, le conser- vateur de la réserve. Restait à trouver quelle espèce conviendrait en privilégiant trois

critères : rusticité, docilité et pourquoi pas la sauvegarde d’une race. “On s’est renseigné sur les expériences menées sur d’autres sites. On a eu un coup de cœur en découvrant l’action et le caractère des chevaux Konik polski qui pâturent sur les marais de la réserve de Pagny- sur-Meuse. C’est l’espèce la plus proche du cheval européen sau- vage.” En 1999, l’association acquiert donc un couple en pro- venance de Pologne. Il s’agit de Dlawik et Tarla, cette dernière jument toujours présente 20 ans plus tard. Au fil des ans, le troupeau s’est étoffé jusqu’à compter une dizaine de chevaux. Un peu trop pour le conservateur : “Ils exer- çaient une trop grosse pression de pâturage. L’objectif n’est pas ici de faire de l’élevage, de net- toyer ou de faire propre mais d’intervenir au service de la bio- diversité. On a donc réduit pour avoir aujourd’hui deux hongres et trois juments.” Nuance. Les chevaux sont présents de mai

Vingt ans après leur introduction dans les marais de Remoray, les chevaux Konik polski ont largement rempli leur mission écologique.

Jusqu’au bout de la logique À Remoray comme sur d’autres réserves naturelles, on réfléchit à la possibilité de laisser les cadavres des mammifères sur place. Les herbivores décédés constituent une ressource intéressante en termes de biodiversité et permettraient aussi de maintenir tout un cortège d’espèces nécrophiles dont certaines sont en danger de disparition. L’instauration d’un équarrissage naturel s’inscrit dans un cadre réglementaire et sanitaire très strict. “Le projet doit figurer dans un plan de gestion validé. Le cadavre fait l’objet d’une expertise vétérinaire pour éviter la propagation de maladies comme le charbon ou l’E.S.B. Le cadavre serait installé dans un endroit relativement isolé, loin d’un cours d’eau ou de sites fré- quentés par le public. On espère valider ce type d’expérience l’an prochain” , annonce le conservateur. n

tance d’utiliser des chevaux qui n’ont jamais eu de traitement anti-parasitaire. Les chevaux Konik polski n’ont jamais été vermifugés depuis 1999 et sont en pleine santé. Les effets induits du pâturage varient en fonction des groupe- ments végétaux. “On observe une augmentation globale de la richesse floristique dans les bas- marais qui ne sont pâturés qu’une année sur quatre. On alterne avec des années de repos et de fauche tardive après le

15 août.” Dans les zones plus riches en matière organique, le pâturage a permis par exemple de faire reculer une plante, la fausse phragmite qui envahis- sait les zones marécageuses sou- mises aux inondations, au détri- ment d’autres plantes patrimoniales. Chaque année, un plan de pâturage est élaboré pour adapter au mieux la pré- sence des chevaux en fonction des exigences et des objectifs écologiques de chaque secteur. n F.C.

floristique et entomologique. Le crottin attire tout une faune copro- phage qui décompose la matière orga- nique et sert de nourriture à de nombreux êtres vivants. D’où l’impor-

Les chevaux n’ont jamais été vermifugés.

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