La Presse Pontissalienne 232 - Février 2019

DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 220 - Février 2018

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La pause Haut-Doubs avant de reprendre les études l Dommartin Tous deux étudiants Arrivés de Syrie le 8 septembre, Rita et son compagnon Zain se donnent encore quelques mois d’acclimatation avant de compléter leur formation universitaire, lui en informatique, elle en média management.

biochimie à l’université.” La jeunesse facilite grandement l’intégration. Rita et Zain apprécient tout particu- lièrement ce séjour dans le Haut-Doubs. “Cela nous a permis de faire une pause, de réfléchir sur notre avenir sans avoir à se précipiter. On en profite aussi pour faire de grandes balades dans la nature avec la chienne.” Dans leur petit nid de Dommartin, les jeunes Syriens savent désormais de quoi sera fait leur avenir. Ils ont décidé de se consacrer d’abord aux études mais en changeant d’orientation. Zain veut faire de l’in- formatique et Rita se former dans le média management. Tous les deux ambitionnent ensuite de travailler à nouveau dans une O.N.G. “On a été bien aidé et on souhaite faire la même chose en retour.” Si l’un comme l’autre n’éprouve plus forcément le mal du pays, ils recon- naissent néanmoins qu’ils souffrent de l’éloignement avec leurs familles et les amis. Pour autant, ils savent la chance qu’ils ont eue dans leur malheur. “On est beaucoup mieux lotis que d’au- tres migrants. Ici, les gens sont attentifs et très accueillants.” n F.C.

Lyon, ils sont accueillis et pris en charge par des membres de Repair. L’as- sociation s’était déjà occu- pée du frère de Rita et de sa compagne. “Thank you Repair !” , sourit Rita qui maîtrise déjà bien la langue française. L’occasion de saluer le travail mené par la commission “français” de Repair où interviennent

C e jeune couple syrien vivait dans la ville côtière deTartous où Rita étudiait la littérature anglaise et Zain le droit. Oppo- sés au régime syrien, ils se retrouvent en danger, ce qui vaut notamment à Zain d’être emprisonné plusieurs mois. “On ne pouvait plus se rendre à l’uni- versité” , se souvient Rita qui décide finalement en 2013 de partir chez son frère installé enTurquie. Zain la rejoint. Les deux vont alors travailler pendant cinq ans au service d’une O.N.G. “La situation des Syriens en Turquie s’est compliquée. On avait de plus en plus de difficultés pour renouveler le permis de travail et on craignait aussi pour notre sécurité” , poursuit la jeune syrienne âgée aujourd’hui de 27 ans, comme son compagnon. Ils se rappro- chent du consulat français et obtiennent le visa leur permettant de venir en France comme demandeurs d’asile. Arrivés le 8 septembre à l’aéroport de

“Thank you Repair !”

une quinzaine de personnes sous la houlette de Bernard Brischoux, pro- fesseur de français au collège Grenier à Pontarlier. “On attend aujourd’hui d’avoir un rendez-vous auprès de l’O.F.P.R.A. en vue d’obtenir le statut de réfugié” , explique à son tour Zain. De Turquie, le couple a embarqué dans ses bagages une jeune chienne Shae et un chat. La “famille” réside à Dom- martin chezMarie-Christine Sébastien. “Ce n’est que du bonheur de les accueil- lir. J’ai la chance d’avoir une grande maison où sont déjà passés le frère de Rita et sa compagne. Avant eux, on avait hébergé un jeune Soudanais qui ne parlait pas un mot de français et qui poursuit désormais des études de

Rita et Zain en compagnie de leur jeune chienne Shae.

Donner du sens à sa vie l Association 200 adhérents L’appel du Grand Nord est toujours d’actualité sur la petite station familiale où l’association des deux mushers propose des balades découvertes au cœur du massif jurassien.

Des Français parlent aux migrants 14',((/22/,04 .10 1/2 4)3 + 122,'/1-/,04 3&1/.4',(&.30) *034"*/0 1/034)34 %0% ,+324"*/ /30030-4%'!10#3.4"*,-/)/30 03(30-41 3'4+324 1(/++324)3 (/#.10-2$4 % !#'&$"' # &# %#"' %#$' &' ! ' % " ' # ' %'% & ' &' !&' #'&$" ' & !&' #'$% " ' !"'&$"' %$ '$! %# &'&"' % % "%" # 4)%'./- 3.01.)4 ./2'!,* 4"*/4',,. ),0034'34& +34+/0#*/2-/"*3$4 0 ',(&-34)3243023/#010-2430 .3-.1/-34 )1024 +324 .10#24 )32 %0% ,+32$ 32430 10-242',+1./2%24122/(/ +30-41223 401-*.3++3(30-4+34 .10 1/24',((34+324%-*)/10-24.,)%2 1* 4(%-!,)324) 1&&.30-/221#3$ 32-4-,* ,*.24&+*24',(&+/"*% &,*.4+3241)*+-324&+*24 #%2$4 , + /(&,.-10'34)342 1)1&-3. 4)3 1./3.41*22/4+324(%-!,)32$4 3. -1/024,0-41*22/4).,/-4 4)324',*.2 &+*242,*-30*2 4',((34&,*.4+1 3*034 1-!(3!4)34+14 1(/++3 1 1!./4"*/4&.%&1.34'3--34100%3 +34 1'4)34 .10 1/2$4 % !#'$& & % &'&"'% "&' &$' $&$ #' & &'%!$$ ' '$" ! "! & ' % %# !& ' !' % " ' % % $' ## &' "' & ' %$' & " &' % " ! &' % $'$! " !"' " &' ' !"& ' &$'$ %# &$ $&' ! &#"'%!$$ ' %#$' %' ##& ! &! ' & %' # " ##&'" $ &#'&"' & %'# !$'% "&' &%! ! '$! ' &' %#' ! % # n

L e cinéma mène à tout, y compris à faire pren- dre conscience qu’ici aussi dans le Haut- Doubs on peut donner une seconde chance à des familles, des êtres humains qui n’ont pas tous la chance de vivre dans le confort d’un pays en paix. “Tout est parti de la projection du film de Yolande Moreau “Nulle part ailleurs” axé sur la question de l’accueil des migrants à Calais. Après avoir vu ce documentaire, on ne pouvait pas rester insen- sible à cette catastrophe humaine. On a pris conscience qu’on pou- vait aussi faire quelque chose à notre échelle” , se souvient Lau- rence Bouchet qui co-préside avec Patrick Colle l’association Repair qui a vu le jour à l’au- tomne 2016. Dans ce Haut-Doubs où l’opu- lence rime aussi avec individua- lisme, les porteurs du projet ne cachaient pas leur scepticisme sur la réussite de leur entreprise. “On a invité le public à participer à notre premièreAssemblée Géné- rale organisée en octobre 2016. Contrairement à ce que l’on crai- gnait, une solidarité s’est mise en place entre les 150 personnes qui s’étaient déplacées.” Utile de signaler aussi que Repair n’est pas la seule association locale acquise à la cause des migrants. Le conflit entre l’État irakien et

Daesh n’a pas laissé indifférents des habitants duVal de Mouthe qui ont créé l’associationAccueil et Solidarité des Hauts du Doubs. Comme quoi l’individua- lisme semble aussi avoir ses limites. Les deux structures s’appuient sur un noyau de bénévoles très actifs autour duquel gravitent toutes sortes d’individus. “Parmi les plus actifs, on dénombre pas mal de retraités mais c’est assez compréhensible car accompagner des migrants implique en pre- mier lieu de la disponibilité” , poursuit Laurence Bouchet. Devant la diversité des besoins liés à l’accueil de migrants,

venir en aide : Restos du cœur, Emmaüs, Secours catholique… La seconde commission regroupe des personnes plutôt rodées aux longues démarches administra- tives auxquelles n’échappe pra- tiquement aucun demandeur d’asile en vue d’obtenir le statut de réfugié. Il reste enfin la com- mission “français” composée en grande partie d’enseignants qui vont inculquer les notions de base de la langue française sans tomber dans un schéma trop scolaire. Une initiation qui s’ajoute aux 200 heures de fran- çais langue étrangère proposées à chaque migrant en France. Depuis sa création, Repair a déjà accueilli 16 personnes venues dans le Haut-Doubs seules, en famille ou en couple. “On a reçu le premier migrant en octo- bre 2016. Il s’appelle Adam et venait du Darfour.À son arrivée, il ne parlait pas un mot de fran- çais.Aujourd’hui, il est en seconde année à la fac de biologie de Besançon. C’est un garçon très déterminé et toujours prêt à ren- dre service.” Une façon aussi de saluer l’efficience de la commis- sion “français”.Toute la difficulté dans le Haut-Doubs consiste à trouver des logements à prix abordable. Certains membres de l’association propriétaires de grandes maisons n’hésitent à accueillir des migrants chez eux.

Les familles accompagnées par Repair avaient confectionné le repas servi lors de l’expo-vente solidaire d’Amnesty International organisée en décembre dernier (photo P. Coignard).

À l’image de cette habitante de Dommartin volontaire pour héberger Maïsa et Nawar, un jeune couple syrien. “Ils sont aujourd’hui sur le point de signer un contrat avec une O.N.G. à Berlin” , renseigne Laurence Bou- chet. Le Haut-Doubs n’est parfois qu’une étape dans le parcours des migrants. Autre principe d’organisation de Repair avec l’attribution pour chaque famille d’un référent vie quotidienne et d’un référent administratif. “On fonctionne aussi en réseau avec d’autres associations à Paris par exemple qui nous proposent des solutions d’hébergement pour des rendez-vous avec l’O.F.P.R.A. Une autre association, la Cimade, nous apporte ses com- pétences dans les procédures administratives. Localement on a établi des partenariats avec Emmaüs, la Banque alimentaire, les Restos du cœur.” Mais cela ne suffit pas à couvrir

toutes les dépenses. Repair touche une petite subvention de 300 euros de la Ville de Pon- tarlier. Quand on sait le coût de vie dans le Haut-Doubs, on s’en doute, c’est loin d’être suffisant. Les adhérents versent des coti- sations et des dons. L’association organise des concerts, des spec- tacles, des ventes diverses, un loto. En décembre dernier, Repair avec d’autres associations avait répondu à l’invitation d’Amnesty international qui organisait une expo-vente soli- daire.À cette occasion, quelques migrants avaient pris en charge la confection d’un repas à base de spécialités syriennes. “L’as- sociation regroupe des profils variés. C’est important qu’on se donne aussi le temps de discuter ensemble, qu’on s’intègre entre nous. Quand on s’engage comme bénévoles dans une association comme la nôtre, c’est une façon de donner un sens à sa vie.” n F.C.

Repair s’est structurée en trois commis- sions. La pre- mière est axée sur l’accompa- gnement au quo- tidien des migrants pour se familiariser avec la vie en France : les courses, la santé, les moyens de transport, les loi- sirs, les liens avec les associa- tions suscepti- bles de leur

Dans ce Haut-Doubs où l’opulence

rime avec individua- lisme.

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