La Presse Pontissalienne 232 - Février 2019

DOSSIER I

La Presse Pontissalienne n° 232 - Février 2019

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l Mouthe

Des chrétiens d’Irak

La famille Hadaya a retrouvé le goût de vivre Plus de deux ans après leur arrivée à Mouthe, les 13 membres de cette famille qui s’étale sur quatre générations ont déjà beaucoup gagné en autonomie. Certains d’entre eux comptent bien s’installer durablement dans le Haut-Doubs.

Q uand on lui parle de l’avenir, Raad Hadaya joue la carte de la proximité. “Je préfère vivre ici. Les gens deMouthe sont sympas et j’aime cette nature assez sauvage et on peut continuer à pratiquer notre religion chrétienne” , explique ce trentenaire qui a aujourd’hui un emploi de surveillant au lycée des Augustins où il anime aussi des séances d’anglais à l’internat. Rien de compliqué puisqu’il enseignait déjà cette langue dans un lycée de Karakoch au nord de l’Irak avant que ne débute la persécution des chrétiens d’Orient par l’État isla- mique. “Le 6 août 2014, tous les chré- tiens ont quitté la ville pour se réfugier dans un camp à Erbil. On était assez privilégié car on avait les moyens de louer une grande maison pour abriter toute la famille.” Ses parents Hatem et Trezia qui vivent aussi à Mouthe ont dix enfants. Trois vivent en France dont deux dans le Haut-Doubs. Quatre sœurs de Raad sont restées en Irak, deux sont enAlle- magne et une autre en Australie. Une vraie diaspora. “Quand le président François Hollande a annoncé que la France était prête à accueillir 1 500 familles chrétiennes, on a rempli des

plus jeune est né à Pontarlier. La famille est aujourd’hui répartie sur deux loge- ments. Les Hadaya ont obtenu assez rapide- ment le statut de réfugiés et le titre de séjour leur permettant de travailler. Tous ont suivi des cours de français de différents niveaux à la F.R.A.T.E., au G.R.E.T.A. du Haut-Doubs ou en “interne” par les bénévoles de l’asso- ciationAccueil et Solidarité des Hauts du Doubs. “Aujourd’hui, ils sont engagés dans la procédure de naturalisation.” Raad a débuté dans la vie active en faisant quelques remplacements d’em- ployé communal à Chapelle-des-Bois. Son épouse, docteur vétérinaire en Irak travaille dans un restaurant à Mouthe. “En plus de la barrière de la langue, c’est très compliqué d’obtenir des équivalences de diplôme. À l’excep- tion du permis de conduire, ce qui nous facilite la vie et donne de la mobilité à ceux qui l’avaient en Irak” , justifie Gilles Goelzer. L’association qu’il préside compte plu- sieurs enseignants dont l’un exerce au lycée des Augustins. Donc bien placé pour faire remonter l’offre d’emploi de surveillant à laquelle a postulé Raad et qui bénéficie aujourd’hui d’un C.D.I.

dossiers au consulat pour obtenir les visas onze mois plus tard.” La famille Hadaya devait initialement s’installer à Annecy qui n’était pas en mesure d’accueillir une famille si nombreuse. D’où la décision de l’orienter vers Accueil et Solidarité des Hauts du Doubs, une association basée àMouthe assez similaire à Repair. “On avait déclaré notre capacité d’hébergement

Raad Hadaya, ici avec son épouse Barah et sa fille Thérèse, vit aujourd’hui à Mouthe en prenant soin de sa maman Trezia et son papa Hatem.

traditions culinaires. En famille, ils ne boudent pas leur plaisir de déguster unmont d’or chaud et accueillent leurs visiteurs en leur proposant des spé- cialités irakiennes. Double culture. L’association Accueil et Solidarité des Hauts du Doubs rassemble une cen- taine d’adhérents dont une dizaine de membres actifs. “Elle a été constituée en réaction au conflit irakien. On a ensuite présenté notre projet aux élus de la communauté de communes des Hauts du Doubs qui nous ont mis les logements de l’ancien P.S.I.G. à dispo- sition. Ce projet d’accompagnement d’une famille de migrants a permis de rassembler des bénévoles venus d’ho- rizons très variés aussi bien sur les plans professionnels, politiques, reli- gieux. Force est de constater que le mélange fonctionne bien en sachant qu’on est aussi tombé sur une famille cohérente” , apprécie Gilles Goelzer. n F.C.

De quoi conforter son intégration et le mettre dans de bonnes dispositions pour préparer le C.A.P.E.S. interne de prof d’anglais. “On sait que ce ne sera pas facile mais ce projet mérite d’être tenté. S’il échoue, il pourra toujours valoriser autrement ses connaissances linguistiques en syriaque, arabe, anglais et français.” L’intégration passe par l’engagement dans la vie associative. Raad et son neveu jouent au club de foot deMouthe. En gagnant en autonomie, la famille Hadaya se prend aussi peu à peu en charge financièrement. Raad et son épouse sont maintenant en mesure de régler le loyer de l’appartement qu’ils occupent avec Hatem et Trezia. “Chez nous en Irak, les parents âgés vivent souvent chez leurs enfants. C’est une tradition, apprécie Raad qui n’a plus le mal du pays. La page est tournée. Si l’on y retourne, ce sera en touristes.” Les Hadaya se familiarisent aussi aux

qui correspondait aux besoins de la famille Hadaya. Ils ont d’abord vécu tous ensemble dans un grandT5-T6 situé au dernier étage du bâti- ment où l’on trouvait jadis le Peloton de Sur- veillance et d’Interven- tion de la Gendarmerie” explique Gilles Goelzer, le président de l’associa- tion. Raad vit avec son épouse Barah et deux enfants en bas âge. Sa grande sœur Saffanah est aussi à Mouthe avec son fils Wisam lui-même marié àHallah. Le jeune couple a deux enfants dont le

Ils ne boudent pas leur plaisir d’un mont d’or chaud.

Le français au quotidien et en insertion professionnelle l Formation G.R.E.T.A. du Haut-Doubs Au même titre que d’autres organismes mandatés par l’Office Français de l’Immigration et

la responsabilité de Vanessa Raison, deux dispositifs sont proposés aux migrants. “Ils com- mencent en général par le Dis- positif de Formation Linguis- tique conçu pour apprendre ou réapprendre le français. Ce module comprend 180 heures de cours réparties sur dix semaines. C’est un enseignement assez pragmatique avec des sor- ties organisées au marché, à la bibliothèque. Cette année, on propose cinq sessions sur les sites de Pontarlier, Morteau et Maîche” , détaille SandraMonnet en charge de ce dispositif au G.R.E.T.A. du Haut-Doubs. Après avoir acquis les bases du français au quotidien, il est pos- sible d’enchaîner sur le Dispositif en Amont de la Qualification, option Français Langue Étran- gère ou D.A.Q. F.L.E. “Le can- didat s’inscrit alors dans une démarche d’insertion profession- nelle. il est forcément inscrit à Pôle Emploi” , complète Béatrice Lavier. Le D.A.Q. F.L.E. com- prend 234 heures de cours dont un stage de 2 à 3 semaines en entreprise. Ce module donne droit à une rémunération. “On

organise quatre sessions à Pon- tarlier et à Morteau. On fonc- tionne sur la base de 12 per- sonnes par groupe. C’est souvent complet. Quel que soit le dispo- sitif, on est toujours positionné sur des formations individua- lisées avec des mises en situation concrètes. Au G.R.E.T.A., l’outil informatique est au cœur de la formation. On apprend aux sta- giaires à se connecter sur les sites de Pôle Emploi, de la C.A.F., de l’assurance-maladie…” Chaque session se termine de façon très conviviale avec des échanges où chacun apporte des spécialités de son pays. “On s’est beaucoup inspiré du travail réa- lisé par Blandine Duquet, de l’association Repair, qui a écrit le livre de recettes “Le goût du partage.” La cuisine reste un exercice très formateur. Cela impose d’écrire une recette, d’aller chercher des ingrédients… On apprend en faisant.” À l’issue de chaque session, les candidats ont la possibilité de passer un diplôme d’étude en langue française validant leur niveau A1, A2, B1… n

de l’Intégration, le G.R.E.T.A. du Haut-Doubs propose aux migrants différents modules d’apprentissage de la langue française.

L e parcours d’intégration du migrant débute à l’O.F.I.I. où il va béné- ficier de plusieurs pres- tations d’accueil dont un test d’évaluation linguistique.À l’is- sue de cette première rencontre, il signera un contrat d’intégra- tion républicaine ou C.I.R. avec l’engagement de suivre des for- mations favorisant son intégra- tion en France. L’apprentissage de la langue figure bien sûr au programme de ce parcours. L’ob- jectif initial étant d’acquérir les bases du français pour se débrouiller dans la vie quoti- dienne. Cette formation de base peut s’étaler de 50 à 200 heures sui- vant le score obtenu au test lin- guistique. L’O.F.I.I. offre égale- ment la possibilité aux candidats d’améliorer la maîtrise de la langue avec des formations com-

plémentaires préparant au niveau A2 nécessaire pour la carte de résident et B1 oral pour l’accès à la nationalité française. Le G.R.E.T.A. du Haut-Doubs qui intègre un pôle langue est ainsi habilité à accueillir des migrants et d’autres personnes souhaitant se familiariser avec la langue de Molière. “Les migrants sont généralement orientés par

l’O.F.I.I. Certains viennent par le biais des associa- tions, du C.C.A.S., de Pôle Emploi ou même en direct” , note Bénédicte Lavier, secrétaire générale du G.R.E.T.A. du Haut-Doubs. Au sein du pôle langue placé sous

“On apprend en faisant.”

Les stagiaires en Français Langue Étrangère doivent également faire un stage en entreprise.

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