La Presse Pontissalienne 230 - Décembre 2018

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n°230 - Décembre 2018

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SUISSE VOISINE Le “maire” de Lausanne “On va assister à une revanche des petites villes” À 43 ans, le socialiste Grégoire Junod est le syndic - l’équivalent du maire - de la Ville de Lausanne, la grande ville suisse “voisine” du Haut-Doubs. Comment l’élu suisse qui vient notamment de signer une convention avec Besançon voit-il la coopération transfrontalière ?

Lausanne attire les étudiants A vec une hausse de plus de 7 000 étudiants en cinq ans, les éta- blissements d’enseignement supérieur de l’Arc jurassien franco- suisse affichent une belle attractivité. Et cette hausse est davan- tage marquée dans la partie suisse de l’Arc jurassien. La raison : l’attractivité de plusieurs établissements qui contribue au dynamisme de l’enseigne- ment supérieur suisse et à son rayonnement à l’international, à l’image de l’E.P.F.L., l’École polytechnique fédérale de Lausanne. Côté suisse, trois hautes écoles universitaires, six hautes écoles spé- cialisées et deux hautes écoles pédagogiques sont présentes dans l’Arc jurassien suisse et dispensent une formation à 43 200 étudiants. La pré- sence de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (10 500 étudiants), la plus réputée, renforce le poids de l’Arc jurassien suisse au sein de l’ensemble de la Suisse. Elle attire d’ailleurs de plus en plus d’étudiants français. Cette ouverture à l’international est d’ailleurs particulièrement marquée à l’École polytechnique fédérale de Lausanne : elle concer- ne la moitié des étudiants, issus de 120 nationalités différentes ! n Exemple du dynamisme du système suisse : l’E.P.F.L. de Lausanne qui accueille des étudiants de 120 nationalités différentes (photo archive L.P.P.).

L a Presse Pontissalienne : Quel est l’intérêt pour Lausanne de coopérer avec des villes françaises voisines ? Grégoire Junod : Parce qu’à mon sens, les villes de part et d’autre de l’Arc jurassien ont des intérêts communs, que ce soit en matière de sport, de culture, de santé ou encore de tou- risme. Sur le plan touristique, je suis persuadé qu’une fois que les visiteurs auront découvert toutes les capitales européennes saturées de tourisme, il y aura forcément de la place pour des petits breaks dans nos villes et nos régions. Je pense que dans les années à venir on

de Besançon, nous avons desmusées en cours de réhabilitation avec l’idée pourquoi pas d’échanger des col- lections, nous avons un réseau uni- versitaire développé de part et d’autre de la frontière. Au-delà des discours et des mots, si nous avons signé cette première convention avec Besançon, c’est parce que nous affichons une vraie volonté de col- laborer dans l’intérêt des acteurs des deux territoires, côté français et côté suisse. L.P.P. : Le principal obstacle entre Lau- sanne et les villes françaises proches res- te les infrastructures de transport. Il faut plus d’1 h 30 pour faire Lausanne-Pon- tarlier en train, près de 4 heures parfois depuis Besançon et c’est même plus rapi- de via Dijon ! C’est un vrai problème ? G.J. : Il faut reconnaître que les résultats entre la Région et le can- ton sont très mitigés en matière de transport ferroviaire et que nos deux régions sont particulièrement mal connectées. La route reste hélas le moyen le plus rapide. L’obstacle ferroviaire est indéniable. C’est aussi pour cela qu’on a tout à gagner à mieux se connaître.

loppement en cours à Lausanne ? G.J. : Lausanne connaît actuelle- ment la plus grosse phase de déve- loppement de son histoire. Nous sommes en train de construire une ligne de tramway, ainsi qu’un nou- veau métro. La somme d’1,5 mil- liard de francs est actuellement engagée dans la future gare de Lau- sanne qui est un des principaux nœuds ferroviaires de Suisse. Lau- sanne qui va accueillir en 2020 les Jeux olympiques de la jeunesse est en train de construire également un nouveau stade de football, une piscine olympique et une patinoi- re, le tout pour 350 millions de francs. L.P.P. : Vous donnez des chiffres à faire pâlir de jalousie vos homologues fran- çais ! Comment Lausanne finance-t-elle ces gigantesques investissements ? G.J. : Nous avons également nos contraintes budgétaires mais le système suisse est différent : les collectivités locales ont beaucoup plus d’autonomie fiscale, elles lèvent en partie l’impôt, y compris sur le revenu pour certaines. Et Lau- sanne, comme toute ville-centre, connaît elle aussi des difficultés financières. Chaque année, nous

Bio express Grégoire Junod est né en 1975 dans le canton de Vaud Il est membre du Parti socialiste suisse Il a commencé sa carrière professionnelle comme administrateur au syndicat Unia. l lI a été secrétaire de la section lausannoise du P.-S. entre 1997 et 2001, puis président entre 2004 et 2008 l l l l Il a été élu au législatif de la ville de Lausanne en 1998 puis, en 2007, au Grand Conseil du canton de Vaud où il est membre de la commission des finances. En 2011, il est élu à l’exécutif de la ville de Lausanne communales de 2016, il est à nouveau élu à la municipalité de l Lors des élections

assistera à une grande revanche des petites villes. L.P.P. : Mais Lau- sanne connaît un développement qui n’a rien de commun avec des villes com- me Pontarlier ou même Besançon ! G.J. : Néanmoins, nous avons à Lausanne un hôpital universi- taire, au même titre que le C.H.U.

“Lausanne est endettée, à hauteur de 2,4 milliards de francs.”

devons débourser 65 millions de francs rien que pour ces charges de ville-centre. Il faut dire aussi que le budget de la Ville, liée jus- tement au système fiscal, est plus élevé que les communes françaises de même taille. Lausanne gère un budget annuel d’1,9 milliard de francs, soit plus d’1,6 milliard d’eu- ros. Autre point : beaucoup de ser- vices publics importants, comme l’électricité, sont aux mains des communes, ce qui assure des res- sources. Ceci étant dit, la Ville de Lausanne est endettée, à hauteur de 2,4 milliards de francs. Et les budgets que nous votons sont défi- citaires depuis quelques années. L.P.P. : Vous évoquez les J.O. de la jeu- nesse qui se déroulent en janvier 2020 (voir notre article en page 38). Quelles peuvent être les retombées d’un tel évé- nement ? G.J. : À l’occasion de ces Jeux d’hi- ver, nous réalisons un véritable vil- lage olympique avec près de 2 000 logements qui seront ensuite mutés en logements étudiants. Tous ces investissements ont été imaginés dans une logique de durabilité. Et pour ces Jeux, une nouvelle fois la dimension transfrontalière est pré- sente car les épreuves de saut à ski auront lieu aux Tuffes, dans le Jura français. L.P.P. : Le sport tient donc une place à part à Lausanne, ville qui abrite le siège

du Comité international olympique (C.I.O.) ! G.J. : Nous accueillerons aussi les championnats du monde de hoc- key sur glace en 2020. Mais nous n’envisageons pas le sport que sous l’angle événementiel ou de haut niveau. Nous avons également, à l’image de Besançon avec ses “Grandes heures nature”, d’ambi- tieux projets autour du sport urbain et du sport santé à Lausanne, notamment dans le cadre du pro- gramme du C.I.O. “Global active city”. L.P.P. : Et sur le volet culturel, quelle est l’actualité à Lausanne ? G.J. : Nous construisons un nou- veau musée des beaux-arts dont l’ouverture est prévue à l’autom- ne prochain. Cette rénovation

Lausanne et en devient le syndic

L.P.P. : Quels sont les projets de déve-

intègre le projet plus global inti- tulé “Plateforme 10” qui consiste- ra à regrouper le musée cantonal des beaux-arts, le musée de la pho- tographie et le musée du design . Ce volet muséal représente là encore plus de 200 millions de francs d’investis- sement. n Propos recueillis par J.-F.H.

“La dimension transfrontalière pour les J.O. de la jeunesse.”

Grégoire Junod, le syndic de Lausanne, mise sur les relations transfrontalières.

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