La Presse Pontissalienne 230 - Décembre 2018

ÉCONOMIE 38

La Presse Pontissalienne n°230 - Décembre 2018

FILIÈRE COMTÉ

Le nouveau président du C.I.G.C. “On doit toujours être capable d’exaucer la promesse comté” Producteur de lait à Bief-des- Maisons dans le Jura, Alain Mathieu, 51 ans, a pris la

L a Presse Pontissalienne : Quel senti- ment vous inspire cette arrivée à la tête d’une filière particulièrement médiati- sée ? Alain Mathieu : Le comté est exposé au bon sens du terme. D’un point de vue personnel, c’est plutôt un honneur que d’avoir été porté à cette responsabili- té. J’occupais déjà la deuxième vice- présidence du C.I.G.C. depuis 2015. Ce qui rend cette fonction passionnante, c’est d’être dans une filière de pas- sionnés, qui a la culture du faire ensemble en conjuguant les talents de chacun. Cette dynamique s’inscrit dans les origines du comté où il s’avérait nécessaire de grouper le lait pour fabri- quer les premiers fromages de garde. La magie du collectif perdure. L.P.P. : Une filière souvent prise en exemple ? A.M. : Ce modèle de filière répond au succession de Claude Vermot- Desroches à la tête du C.I.G.C. le 13 juillet dernier. Un passa- ge de témoin dans la continui- té avec la volonté de défendre les valeurs collectives d’une filière d’excellence. Entretien.

besoin des gens d’être ensemble. Le comté, c’est un lien au vivant, avec les hommes, les animaux. On défend de vraies valeurs : le rapport à la natu- re, à l’alimentation, à la gastronomie. L.P.P. : Comment le comté s’adapte au chan- gement climatique ? A.M. : Le fait d’avoir un modèle agri- cole plus extensif permet de mieux amortir les changements climatiques. Même si certains secteurs géogra- phiques souffrent plus que d’autres. Il faut raisonner sur le cycle de vie d’une exploitation, soit quatre saisons. Pour l’instant, c’est un peu tôt pour dresser un bilan. L’adaptation de la filière à l’été 2018 sera une expérience qui don- nera des comtés reflétant les condi- tions particulières de la sécheresse. L.P.P. : La filière a-t-elle encore des marges de progression ? A.M. : On est aujourd’hui à 65 000 tonnes de comté avec une croissance de 1 à 2%par an. Le développement en termes de volume passe par l’accueil de nou- velles surfaces, donc de nouveaux pro- ducteurs. Il reste encore des terres à comté non valorisées. On a toujours procédé ainsi. Exemple avec la créa- tion d’une nouvelle fruitière dans le Valromey. Cette coop est déjà consti-

Producteur à Bief-les- Maisons dans le Jura, ancien président de la F.D.C.L. du Jura, Alain Mathieu est désormais à la tête de l’interprofes- sion du comté.

A.M. : Tout à fait, et cette politique se traduit par les nouvelles mesures en cours d’élaboration au niveau du cahier des charges. On souhaite limiter la taille des exploitations à 1,2 million de litres de lait en plafonnant aussi le nombre de vaches par éleveur. De cet- te manière, l’homme reste au cœur des décisions. Le modèle de la ferme à com- té passe par le maintien des vaches aux champs. Elles devront ainsi dis- poser de plus de 50 ares de pâturages accessibles autour du point de traite. La réflexion s’applique aux ateliers sachant que la taille moyenne d’une coop avoisine 4 millions de litres de lait. En agissant ainsi, on participe au maintien de la diversité des terroirs, des savoir-faire. Le comté n’a jamais répondu à une logique de rationalisa- tion de son outil de production, ni de standardisation. On trouve encore des petites et des grosses exploitations. Idem pour les ateliers. C’est l’une des particularités de la filière qui réussit à faire cohabiter des structures de tailles très variables. L.P.P. : Ce modèle économique a de l’avenir ? A.M. : La pérennité de la filière tient d’abord par l’engagement des acteurs et notamment des producteurs. Ne doit pas tomber dans le piège de la facili- té et se croire à l’abri. La vigilance s’im-

tuée juridiquement. Elle réunira 14 exploitations et travaillera avec le seul affineur installé dans l’Ain où il y a déjà six ateliers à comté. L.P.P. : Vous restez dans une logique de déve- loppement maîtrisé ?

pose en permanence. Les nouveaux arrivants doivent rester prudents et raisonnables dans leurs investisse- ments. On doit toujours être capable d’exaucer la promesse comté. 250 000 visiteurs découvrent chaque année les routes du comté. Cette réussite tou- ristique est assez extraordinaire. Elle contribue à renforcer chez les produc- teurs le sentiment d’appartenance à une filière. L.P.P. : Le comté, c’est combien d’emplois ? A.M. : On estime que la filière mobili- se 14 000 salariés. Il s’agit d’emplois non délocalisables, rémunérateurs et qui créent aussi de la fierté. L.P.P. : À l’approche de l’hiver, les partena- riats engagés entre le C.I.G.C. et les fédéra- tions de ski nordique sont-ils toujours d’ac- tualité ?

A.M. : Oui, on continue à soutenir les athlètes engagés au plus haut niveau en biathlon, com- biné nordique, fond spé- cial. Les valeurs du ski, un sport nature par excellence, sont en cohé- rence avec le territoire comme les valeurs du comté. n Propos recueillis par F.C.

“La magie du collectif perdure.”

La filière comté

mobilise 14 000 salariés, autant d’emplois non délocalisables.

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