La Presse Pontissalienne 230 - Décembre 2018

PONTARLIER 10 MOBILISATION

La Presse Pontissalienne n°230 - Décembre 2018

Après trois week-ends de lutte Les gilets jaunes pontissaliens ne désarment pas Il faut prendre le temps d’aller discuter avec eux pour se rendre compte que ces actifs, ces retraités ou ces demandeurs d’emploi ont tous une bonne raison de continuer leurs actions de contestation à l’entrée de Pontarlier.

U ne fin d’après-midi désormais comme une autre au rond-point de Doubs. Il est 16 h 30, le tra- fic de fin de journée s’intensi- fie et ils sont encore là. Cer- tains depuis trois semaines. Une tente blanche sous laquelle sont dressées quelques tables, une Thermos de café fumant, des gâteaux. “Tout ça ? Ce sont les gens qui nous les apportent. Ils nous soutiennent à fond” assure ce gilet jau- ne. Sa voix est couverte par le klaxon tonitruant d’un poids lourd qui ralentit au rond-point. Et c’est ainsi depuis le matin : un concert de klaxons assour- dissant comme autant d’encouragements à ceux qui tiennent cet improbable siè- ge. Eux, ils n’ont pas le sentiment d’en- traver la bonne marche économique du pays. “On ne bloque jamais qui que ce soit, les gens ralentissement à l’approche du rond-point, on discute avec eux, on leur offre un chocolat. En tout cas, on ne bloque pas plus que lors d’une grève des cheminots ou des routiers” lance ce gilet jaune qui reconnaît tout de même qu’on “ne fait pas d’omelettes sans casser des œufs.” Les revendications de ces contestataires sont multiples, comme partout en Fran-

ce. “Dans les années quatre-vingt, le taux de prélèvements obligatoires était de 39 % en France. On ne vivait pas moins bien qu’aujourd’hui où ce taux est de 46 %, le plus élevé d’Europe. Où part le fric ? !” interroge ce salarié du privé en jaune. À côté de lui, un jeune retraité a fait ses comptes : “M. Macron avait dit qu’il ne prélevait que sur les retraites au-delà de 1 200 euros par personne. Avec ma fem- me, on déclare 18 000 euros par an, soit 1 500 euros par mois à deux et on nous dit qu’on est au-dessus du seuil. On nous a piqués un peu plus de 20 euros par mois. Avec le carburant, le gaz, l’électri- cité, on va finir où ?” dit-il.

est là l’augmentation du pouvoir d’achat ?” Un renfort arrive au guidon de sa moto qu’il gare sur le bas-côté. “Là où je me gare, je risque une amende. Et celui qui brûle une voiture ne risquera rien. C’est cette injustice que je combats” dit-il de son côté. Cet autre gilet, un regard poin- té vers les zones commerciales toutes proches dit son dégoût de voir une socié- té qui “désormais préfère faire venir de la viande d’Amérique du Sud avec l’ac- cord de libre-échange que M. Macron vient de signer, alors que dans les dépar- tements voisins, en Charolais notam- ment, des éleveurs ne peuvent même plus vivre de leur travail. C’est cette société qu’ils veulent nous imposer ? Nous, on n’en veut pas.” Celui-ci vient de perdre ses deux parents coup sur coup : “Mon père vivait avec une retraite de 822 euros, ma mère de 280 euros. Est-ce normal de voir ça en France ?” Un jeune gilet jau- ne évoque la transition énergétique confirmée par le gouvernement, “alors qu’ils avaient supprimé l’an dernier le crédit d’impôt sur le changement de fenêtres ! Où est la cohérence ?” Les voi- tures électriques ? “Les paysans d’Amé- rique du Sud sont en train de crever à cause du lithium qu’on prélève là-bas

Alors que sa taxe d’habi- tation a en effet baissé, conformément à la pro- messe du gouvernement, ce salarié de chez Arm- strong a également fait ses comptes. “Une fois retiré le bénéfice de la baisse de la taxe d’habitation, si je fais le calcul avec les récentes augmentations (carburant, électricité…), je perdrai finalement 180 euros sur un an. Elle

“Le travail n’est plus respecté en France.”

Ils distribuent papillotes et chocolats aux chauffeurs et automobilistes.

RÉACTION “Nous continuons à maintenir la marmite en ébullition”

Un des référents gilets jaunes les plus actifs de Pontarlier commente la situa- tion après trois semaines, non pas de blocage disent-ils, mais d’action.

L a Presse Pontissalienne : Après trois semaines de mobilisation, la pression ne retombe pas ? Germain Goffredo : Nous continuons à maintenir la marmite en ébul- lition, nous sommes toujours autant mobilisés. Nous sommes une quarantaine de référents, chargés notamment des rela- tions avec les autorités, et sur le terrain tous les jours dès 8 heures du matin, nous pou- vons être jusqu’à 200 certains jours. Et pas que des retraités, loin de là. Il y a des infirmières, des salariés, des commerçants, des artisans, des parents…Cha- cun participe selon son temps disponibles et son savoir-faire. L.P.P. : Pas de démobilisation et pas de ras-le-bol des usagers de la rou- te à force ? G.F. : Plus de 80 % des gens qui passent vers les ronds-points sont contents de notre action, nous soutiennent et nous encou-

ragent. Ils nous apportent du pain, du café, à boire, à manger. Et on s’est donné pour consigne de gêner le moins possible la circulation, en ne bloquant pas quand les gens partent au tra- vail le matin par exemple. Notre seule arme, c’est ce que la Consti- tution française nous donne en

fic. Nous n’empêchons pas de travailler les commerçants du centre-ville notamment. L.P.P. : Mais les grandes surfaces, si ! À quelques jours de Noël, est-ce bien raisonnable ? G.F. : On veut aussi faire com- prendre aux grandes surfaces que nous, gens modestes, on prend aussi de plein fouet cer- tains prix que les grandes sur- faces nous font payer. Elles ne jouent pas le jeu sur ce plan-là en pratiquant des tarifs de fron- taliers ou de Suisses. Nous n’avons pas tous un pouvoir d’achat de frontaliers ! n Propos recueillis par J.-F.H. Germain Goffredo, 37 ans de métier dans une entreprise privée du secteur est un des référents du mouvement pontissalien, un gilet orange.

nous permettant d’occuper l’espace public. L.P.P. : Vous évoquez les commerçants, mais certains d’entre eux ne vous soutien- nent pas vraiment… G.F. : Quand on leur parle de taxes, d’impôts, la plu- part nous com- prennent. Et nous ne bloquons pas l’accès aux zones, nous ne faisons que ralentir le tra-

“Les grandes surfaces ne jouent pas le jeu.”

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