La Presse Pontissalienne 225 - Septembre 2018

ÉCONOMIE 32

La Presse Pontissalienne n° 225 - Juillet 2018

ÉTALANS

Innovation dans le bâtiment Vieille Matériaux exporte ses blocs de béton de chanvre vers Israël D’autres pays se sont intéressés au produit biosourcé développé par la société basée à Étalans qui obtient une précieuse certification. Le chanvre est vanté pour ses qualités thermiques et environnementales.

R ésistance thermique, confort acoustique élevé, stockage de CO2, résistance au feu, pose des blocs sans colle ni mortier pour les maçons, fabrication et matières

premières 100 % françaises renouve- lables sans pesticides… Le bloc de béton en chanvre emboîtable à sec n’a que des atouts ! Encore faut-il les fai- re connaître.

C’est tout le travail de la société Vieille Matériaux, à l’origine d’une “révolu- tion” dans le domaine du bâtiment. En partenariat avec le cimentier français Vicat, la firme familiale basée zone de la Croix de Pierre à Étalans est la pre- mière à avoir mis au point des blocs de béton de chanvre qu’elle façonne dans son usine de Mérey-sous-Mon- trond depuis 2016. Le chanvre pro- vient d’Arc-les-Gray, en Haute-Saône. Une quinzaine de maisons ont déjà été construites avec ce matériau, dont une àMamirolle, l’autre à Bussières. “Com- me ce produit n’existait pas, il faut ras- surer le client ! L’obtention des certifi- cations A.T.E.X. et F.D.E.S. fin juin donne de la légitimité à ce produit. Les professionnels soumis à une garantie décennale sur une habitation vont pou- voir l’utiliser. Cela nous ouvre des mar- chés auprès des architectes sensibles à l’environnement, à de grands groupes qui cherchent des produits biosourcés et surtout à des pays qui n’ont pas de matière première. L’Afrique du Nord, le Maroc notamment, est intéressée”

Sébastien Vieille (à droite) et Julien Compain présentent un bloc de béton de chanvre.

indique Sébastien Vieille, le respon- sable, qui a lourdement investi dans l’unité de production. Il faut désormais la rentabiliser. Un constructeur basé en Israël a passé commande d’un contai- ner de blocs de chanvre (plus légers

lation complémentaire, ce qui intéres- se les professionnels. Ce principe fonc- tionne de la même manière pour les pays froids.” Le Luxembourg s’est aussi montré intéressé ainsi que l’Espagne, l’Italie, le Canada, les États-Unis, la Suisse, le Portugal. “Comme dans le secteur de l’automobile où l’électrique et l’hy- drogène arrivent, le secteur du bâti- ment est face à une mutation. Pendant trois ans, nous n’avons jamais douté tant les retours sont positifs et cette certification obtenue est un aboutisse- ment” , convient Sébastien Vieille. Les futures normes pourraient impo- ser des constructions avec produits biosourcés même si son prix est aujour- d’hui 15 % plus élevé. Vieille Maté- riaux possédera alors un bloc d’avan- ce sur ses concurrents… ■ E.Ch.

que le béton). Pour- quoi les pays chauds s’intéres- sent-ils au chanvre ? “Parce que le bloc offre une résistance ther- mique de 4,6 m 2 K.W-1 ainsi qu’une régulation hygro- métrique forte, répond Julien Com- pain, responsable du produit. Et ceci avec sans avoir recours à une iso-

“Cette certification obtenue est un aboutissement.”

Autre argument du produit : sa facilité de pose. Les maçons gagnent du temps à l’assemblage.

FILIÈRE COMTÉ

Fin d’une polémique “L’interdiction du robot de traite figure en toutes lettres”

Le décret d’application qui officialise cette mesure a été publié au Journal Officiel de l’Union Européenne le 1 er juin. Plus d’ambiguïté possible pour la traite en attendant de conforter aussi explicitement le geste du fromager et de l’affineur. Entretien avec Claude Vermot-Desroches, président du C.I.G.C.

Soulagement à la coop de Pierrefontaine Personne n’a oublié cette journée du 8 mars 2016 qui marquait la mobilisation de la filière en soutien à la coop de Pierrefontaine. Cette dernière avait alors été contrainte par la justice de prendre le lait du seul sociétaire utilisant un robot de traite. Place aux projets.

L a Presse Pontissalienne : Le robot de traite n’a plus sa place dans la filière ? Claude Vermot-Desroches : La déci- sion de la Commission euro- péenne est irrévocable. On n’avait pas été assez clair sur le sujet. C’est avant tout une question de formulation.Aujour- d’hui, l’interdiction du robot de traite figure en toutes lettres dans le cahier des charges. L.P.P. : C’est l’occasion de conforter la tradition séculaire du comté ? C.-V.D. : Pour la traite, on préci- se aussi vis-à-vis des bras auto- matiques, que les premiers jets se font à la main tout comme le branchement des trayons. On veut être garant du côté arti- sanal. Il faut inventer des pré- cautions sur ces actes essentiels qui consistent à garder le savoir- faire et les gestes manuels. L’éle- veur droit traire ses vaches, le fromager faire ses fromages et l’affineur doit aussi contrôler manuellement ses meules. L.P.P. : Ces mesures sont déjà actées ? C.-V.D. : Non, au niveau de la fabrication et de l’affinage, les procédures sont en cours et cela

C.-V.D. : L’automatisation, ce n’est pas un combat. La filière com- té est sans doute celle où il y a eu le plus d’automatisation notamment à la ferme avec les systèmes d’alimentation, de séchage de foins… On accepte ces évolutions car elles s’ins- crivent au service du produit alors qu’un robot induit l’utili- sation de produits et de traite- ments qui dénaturent le goût du comté. L.P.P. : La filière n’est donc pas figée dans le conservatisme ? C.-V.D. : Non, bien au contraire. On finance une dizaine de pro- grammes de recherche en lien avec les process de fabrication ou l’alimentation des bêtes. Il faut vivre avec son temps. L’évo- lution des équipements dans les fromageries est assez signifi- cative. De gros progrès ont été faits pour améliorer l’environ- nement de travail et soulager le fromager. Il est libéré des tâches les plus pénibles mais garde le contrôle sur tout le pro- cessus. On veut qu’il continue à faire manuellement le test du caillé. ■ Propos recueillis par E.Ch.

prendra un certain temps. Ces mesures ont été validées en assemblée plénière du C.I.G.C. mais la procédure se poursuit à l’I.N.A.O. Il y aura des périodes d’opposition… Si tout se dérou- le normalement, il faut comp- ter encore deux à trois ans. L.P.P. : On est moins dans l’urgence qu’avec le robot de traite ? C.-V.D. : Méfions-nous car les choses vont très vite. On doit anticiper en permanence. Si l’on ne prend pas aujourd’hui des mesures pour limiter la taille des exploitations, on va tout droit dans la ferme des 1 000 vaches. Cette image ne corres- pond pas au comté et ce n’est surtout pas celle que les gens attendent d’une A.O.P. comme la nôtre. L.P.P. : Les procédures sont longues pour modifier le cahier des charges ? C.-V.D. : Pour le robot, cela nous a pris six mois au niveau fran- çais et un an à l’échelon euro- péen. L.P.P. : Toutes ces mesures repré- sentent-elles un frein à l’automatisa- tion de la filière ?

pouvoir enfin investir dans de nouvelles caves de pré-affina- ge sachant qu’avec ces démê- lés judiciaires, on a perdu 120 000 euros d’aides.” Sur le plan humain, la coop n’en sort pas pour autant indemne. Cette affaire a usé le président précédent et son suc- cesseur, en l’occurrence Lau- rent Henriet, ne rempilera pas après trois ans de bons et loyaux services. “Ce dossier a été très énergivore et j’ai besoin de reprendre des forces. Sur la question du robot, c’est impor- tant que la filière comté ait été entendue. Àmon sens, c’est une victoire collective et cela montre aujourd’hui à quel point il faut “blinder” les règlements, les sta- tuts et les cahiers des charges.” ■ “Ce dossier est très énergivore. J’ai besoin de reprendre des forces”, explique le président Laurent Henriet.

“C ette décision va dans le sens de ce qui avait été dit à Vercel. Cela confirme la position de coop qui est restée fidèle à l’A.O.P.” , note Laurent Henriet, le pré- sident de la fruitière à comté de Pierrefontaine-les-Varans. Cette coopérative fédère aujour- d’hui 26 exploitations qui livrent 8 millions de litres de lait dont 95 % sont transfor- més en comté et affinés ensui- te par Juramonts. La question du rachat au prix fort du lait de robot que la coop dégageait ensuite sur d’autres marchés ne se pose plus depuis 16 mois. Un autre problème est survenu entre-temps avec la présence d’eau détectée dans le lait issu du robot de traite. “Faute de dialogue avec le G.A.E.C. concerné, on avait dû procéder à son exclusion en février 2017. Cette décision pri- se à l’unanimité du conseil d’ad- ministration était motivée pour

non-respect du règlement et des statuts. L’affaire a été portée en justice. On a gagné dans un premier temps mais les deux associés incriminés ont fait appel du jugement. On devra donc repasser au tribunal” , pré- cise Laurent Henriet. Le divorce semble donc consom- mé et l’heure est désormais au soulagement. La réintégration du G.A.E.C. semble peu pro- bable sachant que le robot de traite est maintenant interdit dans l’A.O.P. comté. Le prési- dent estime que la fruitière a les reins assez solides pour sup- porter le départ d’une exploi- tation. Sur le plan de l’ambiance, c’est beaucoup plus serein. “On a été en conflit pendant près de onze ans. Un tiers des socié- taires, soit une dizaine de jeunes agriculteurs, n’ont d’ailleurs jamais vu les propriétaires du robot de traite. C’est bien que ce dossier se termine. On va

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