La Presse Pontissalienne 221 - Mars 2018

MOUTHE - RÉGION DES LACS

La Presse Pontissalienne n° 221 - Mars 2018

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LA PLANÉE

Une vingtaine d’agents intérimaires en deux ans

Michel Seguin,

Tournée cherche facteur fidèle au poste La qualité de la distribution s’est fortement dégradée depuis le départ en retraite il y a trois ans du dernier agent titulaire qui n’a jamais été remplacé. Tout le monde réclame un facteur, un vrai.

le maire de La Planée et la population

regrettent cette valse

des facteurs préjudiciable à la qualité du service.

L a patience a ses limites. Las de ne pas recevoir de réponses, las de cette valse d’intérimaires - près d’une vingtaine en deux ans, Michel Seguin -, le maire de La Planée prend l’initiative de dénon- cer les multiples dysfonctionnements supportés depuis le départ du dernier titulaire. “Attention, je ne suis pas là pour blâmer les agents qui font ce qu’ils peuvent, mais je m’insurge plutôt contre une organisation inopérante et inadap- tée aux mentalités de nos villages. Nos facteurs, on les aime. C’est souvent le dernier lien que la population a avec les services publics. Il faut du temps pour maîtriser toutes les subtilités d’une tournée, c’est pourquoi il nous faut un facteur attitré.” Il n’est pas le seul à s’agacer de ces colis et lettres distribués à la mauvaise adresse, parfois dans le village voisin. “Nous avons déjà reçu des courriers et même une carte de crédit qui ne nous étaient pas destinés. Des colis sont par- fois déposés chez nous pour les voisins sans qu’ils soient au courant” , confir-

me un habitant de La Planée. Il semble bien loin le temps où le facteur pre- nait le temps d’entrer dans les mai- sons, rendait gracieusement de petits services. Ce couple d’octogénaire s’en souvient. “Quand on tuait le cochon dans les fermes, le facteur était tou- jours invité à manger. On en a eu un

Vionnet le maire constate lui aussi ce turn-over soutenu qui ne laisse pas le temps aux agents de prendre connais- sance de la tournée. “Ce n’est pas extrê- mement pénalisant dans la vie. Com- me la mairie de La Planée est située route de Vaux-et-Chantegrue, il y a sou- vent confusion. C’est un peu énervant. On ne jette pas la pierre aux agents mais on est typiquement dans le cas d’un service perturbé.” Contacté, le service courrier-colis de Bourgogne-Franche-Comté apporte quelques explications. “Effectivement, il y a eu quelques soucis. Dans le Haut- Doubs, la Poste n’arrive pas à recruter des agents en C.D.I., d’où ce turn-over . Pour la même annonce, on a eu 45 can- didats à Luxeuil contre 8 à Pontarlier. Depuis le départ en retraite du titu- laire, on a eu seulement deux facteurs en longue durée. Le dernier, en poste depuis 9 mois, était en C.D.D. Comme il voulait se faire embaucher en C.D.I., il acquiert de l’expérience sur d’autres tournées pour découvrir tous les aspects dumétier. Raison pour laquelle, d’autres

agents l’ont remplacé sur la tournée de La Planée.” Les agents recrutés en C.D.D. reçoi- vent une formation théorique et pra- tique de 4 jours en étant accompagnés sur les premières tournées. La poste reconnaît que le temps des arrange- ments et des petits services n’est plus à l’ordre du jour. “Cela n’a rien d’anor- mal. On essaie de protéger aussi bien le client que le facteur. Aujourd’hui, pour pouvoir récupérer le courrier d’un voisin, il faut que celui-ci fasse une pro- curation. On essaie de professionnali- ser au mieux la relation entre le fac- teur et les destinataires du courrier.” La distribution du courrier s’organise aujourd’hui en groupe de cinq tour- nées avec six facteurs dont un rem- plaçant qui assure le service quand les autres sont en congés ou en R.T.T. Peut- on espérer trouver un titulaire pro- chainement sur cette tournée ? “Les choses pourraient évoluer positivement ce printemps même s’il est encore trop tôt pour le certifier.” n F.C.

pour réceptionner un colis ou une lettre en recommandé, il suffit de descendre le récupérer le lendemain à l’épicerie qui fait agence postale. Les anciens se plaignent de ne pas avoir le même fac- teur. C’est une question de relationnel et de confiance” , indique Michel Faivre, le maire d’Oye-et-Pallet. Certains habi- tants ont porté réclamation. “J’ai eu de gros problèmes, témoigne une autre habitante de La Planée : des colis per- dus, des recommandés distribués sans que le facteur sonne à la porte, des erreurs de distribution… J’ai fini par m’en plaindre par courrier au centre de distribution. À chaque réclamation, on me répondait toujours avec la même lettre-type. J’ai insisté pour finalement être reçue par le directeur. Depuis que j’ai râlé, je constate quand même qu’il y a moins d’erreurs qu’avant. On a eu une très bonne factrice. Tout le monde en était content mais elle est partie. Depuis son départ, on a rarement le même agent plus de deux ou trois mois.” À Vaux-et-Chantegrue où la tournée se poursuit après La Planée, Xavier

très bricoleur qui n’hé- sitait pas à réparer des appareils électroména- gers en panne, quitte à les ramener chez lui. Un autre apportait toujours du tabac pour le grand- père. Avant, le facteur connaissait toute la famille. Quand il distri- buait encore le journal, beaucoup de personnes âgées s’abonnaient pour avoir la visite du facteur.” Même son de cloche à Oye-et-Pallet où com- mence la tournée. “Au niveau de la mairie, ça va. Si personne n’est là

“Le risque d’erreurs augmente.”

Syndicat “On souffre globalement d’un manque de reconnaissance”

Privilégiant le recrutement de C.D.I., Sud-P.T.T. ne comprend pas les décisions de la hiérarchie qui par souci de rationalisation en oublie parfois le rôle social du facteur comme s’en plaint Patrick Fornage, représentant Sud-P.T.T. au centre de distribution de Pontarlier. L a Presse Pontissalienne : On évoque une ving- taine d’agents différents sur cette tournée, c’est plausible ? Patrick Fornage : Depuis juin 2016, à ce que l’on peut lire sur le tableau de service, j’ai recen- sé une quinzaine de facteurs dont quatre habilités à faire des remplacements et donc une dizaine d’intérimaires. Comme ils sont recrutés sur très courtes périodes et reçoi- vent une formation qui nous semble un peu légère, le risque d’erreurs augmente forcé- ment. Si on prenait directement un C.D.I., la tournée gagnerait sans doute en qualité. L.P.P. : La Planée est un cas unique ? P.F. : C’est un problème national qui concer- nait aussi d’autres tournées du Haut-Doubs comme sur Maisons-du-Bois-Lièvremont, Chaffois où il y a maintenant un titulaire. Quand on interroge la direction de Pontar- lier sur la question du recrutement, on nous rétorque qu’il s’agit d’appliquer des direc- tives nationales. On nous indique aussi que la tournée de La Planée fait partie des tour- nées réservées pouvant être attribuées à des agents en souffrance. Habituellement, quand un titulaire s’en va, sa tournée est mise en vente et peut être achetée par d’autres titu- laires. Il n’est pas question d’argent bien sûr, mais de jargon postal. C’est ce qui s’est pas-

sé sur Chaffois et Maisons-du-Bois.

L.P.P. : Que pensez-vous de la multiplication des ser- vices proposée par la Poste ? P.F. : Je ne suis pas convaincu par les pres- tations qui sortent du cœur du métier du fac- teur. Je pense par exemple au dispositif “Veiller sur mes parents”, ou à la collecte d’informa- tions à des fins marketings . On fait aussi des procédures d’identité numérique, de la remi- se commentée de documents… L.P.P. : Les nouveaux équipements comme les vélos électriques améliorent quand même les conditions de travail ? P.F. : Oui et non. On sait par exemple que les vélos électriques seront bientôt remplacés par les Staby, ces nouveaux scooters élec- triques à trois roues qui sont encore plus rapides. Comme c’est plus rapide, on aug- mente aussi le nombre de boîtes par tournée. L.P.P. : D’autres craintes ? P.F. : La nouvelle organisation à venir sur le centre de distribution de Pontarlier va impo- ser à certains facteurs de faire une pause méridienne bloquée dans un bureau de pos- te ou un local sans possibilité de retour à Pontarlier. Ceci pour qu’il puisse terminer sa tournée en collectant le courrier, ce qui évi- te de dépêcher un autre agent uniquement pour effectuer ce relevé. Là, je suis contre. L.P.P. : Aimez-vous toujours votre métier ? P.F. : Oui, cela reste néanmoins un beaumétier de contact avec la population même si ce ne sont plus les mêmes relations. En interne, au fil des réorganisations, on note aussi un changement d’état d’esprit car on ne sent plus la reconnaissance du travail accompli. n

Propos recueillis par F.C.

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