La Presse Pontissalienne 219 - Janvier 2018
PONTARLIER ET ENVIRONS
La Presse Pontissalienne n° 219 - Janvier 2018
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ENVIRONNEMENT
Pollution
La forêt à l’origine des sécheresses
et des pollutions du Haut-Doubs ?
La forêt a grandi de 84 000 hectares en 110 ans et le débit du Doubs a perdu 9 m3 par seconde à son exutoire révèle Jean- François Bonvallot, ingénieur spécialiste des questions de traitement des eaux. Il livre une analyse inédite et étayée. Évolution des surfaces de forêt dans le Doubs
pêche à la truite, prend son bâton de pèlerin pour expliquer que les soucis des rivières ont deux causes agissant simultanément : la pollution et le manque d’eau. Il a rencontré le 20 décembre le maire de Pontarlier Patrick Genre, une des plus grandes communes forestières du Haut-Doubs, pour évoquer le sujet. “Le maire vou- drait approfondir l’examen de ce pro- blème pour pouvoir en tirer une liste d’actions à mener pour limiter les sou- cis d’approvisionnement estivaux.” La tâche, Jean-François Bonvallot le concè- de, sera ardue : “C’est hautement poli- tique car la forêt et la plantation d’arbres bénéficient d’avantages (notamment fiscaux) qu’il sera difficile de réduire.” Dans son viseur : les aides visant à la replantation. Voici son analyse : “De plus en plus d’eau de pluie est interceptée par les forêts en expansion constante depuis un siècle et ne rejoint plus les nappes ni les rivières. Depuis la fin des années soixante, nos rivières donnent des signes de dégradation visibles qui s’ampli- fient. Les autorités censées sauvegar- der ce patrimoine si singulier ne trou- vent ni même ne suggèrent ou n’envisagent aucun remède aux diffi- cultés qui affectent régulièrement nos cours d’eau et affirment seulement que les lois et règles sont respectées notam- ment pour les stations de traitement des eaux. La pollution et le manque d’eau ont pour effet résultant les dégra- dations relevées sur toutes les rivières de Franche-Comté. D’aucuns disent que c’est le changement climatique qui réduit les précipitations, ce qui n’est pas avéré car la pluviométrie moyen- ne sur notre Région a tendance suivant les spécialistes, à augmenter. Or, ce qui abaisse le débit de nos rivières et la puissance des aquifères déjà rares dans notre pays karstique nous crève pour- tant les yeux : c’est la forêt et plus pré-
Jean- François
1878 : 1908 : 1948 : 1961 : 1972 : 1982 : 2016 :
135 125 hectares 151 389 hectares 173 117 hectares 195 470 hectares 210 350 hectares 214 600 hectares 235 500 hectares (estimation)
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Bonvallot, ingénieur retraité spécialiste des questions
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des eaux usées et rivières.
Chiffres tirés des inventaires forestiers départementaux
S i l’arbre cache la forêt, il peut faire de l’ombre à nos rivières. En substance, voilà la conclu- sion tirée par Jean-François Bonvallot, ingénieur retraité qui a exer- cé dans de nombreux services, tous traitant d’exploitation des eaux usées et des rivières. La surface forestière n’a, dans le Doubs, jamais été aussi importante (voir le zoom). Un fait qui pourrait expliquer les périodes d’étia- ge toujours plus grandes et des nappes phréatiques sans cesse dans le rouge. L’arbre est consommateur d’eau, de 23 % supérieur à la prairie. L’ingénieur retraité, amoureux de la
replantation de conifères fleurissent (Boujailles par exemple). Et comme la forêt vieillit, cela réduit considérable- ment son effet positif sur le CO2.” Selon Jean-François Bonvallot, le Haut-Doubs et l’arrondissement de Besançon doi- vent s’entendre : “Il faudrait créer un barrage sur le Lison pour alimenter en eau potable la population. Il faut que des mesures intelligentes et courageuses soient prises, elles existent, mais le temps presse” conclut le scientifique qui se dit prêt à rencontrer les élus de tous bords pour partager son analy- se. n E.Ch. de conifères et une prairie, est géné- ralement d’environ 23 %. Autrement dit si la pluie tombe sur un pré, elle s’in- filtre davantage que si elle tombe sur une forêt. La différence est de 23 %. Donc, si on applique ce pourcentage à la surface de prairies transformées en forêt dans le département du Doubs qui montre une pluviométrie moyenne d’1,5 m de précipitations sur les plus hauts plateaux, on arrive par le calcul à déterminer que le différentiel d’infil- tration entre pré et forêt est de 3 450 m 3 /ha et par an, soit sur le dépar- tement 3 450 m 3 /ha x 84 000 = 285 600 000 m 3 /an. Ce volume qui s’écoulait et alimentait les aquifères il y a un siècle est intercepté désormais par les arbres à leur seul profit. Ce volume intercepté correspond à l’ali- mentation de plus de 5 millions de per- sonnes ou/et à un débit aux exutoires du département (Doubs et Loue) de plus de 9 m 3 /seconde… qui n’y sont plus. n La forêt du Doubs boit l’eau de 5 millions de personnes L e différentiel d’infiltration dans le sol drainé vers les rivières, entre une pluie qui tombe sur une forêt
cul). Les experts mondiaux de la forêt et de nombreux scientifiques français affir- ment tous que la reforestation a sou- vent des conséquences négatives sur les écoulements et les aquifères. “Je pense qu’il serait temps de prendre en compte ce paramètre si on veut sauver à la fois l’alimentation des hommes et des bêtes en eau (eau potable) et la qua- lité de nos rivières. Mais qui a enten- du un tel discours ? Il est impératif de réagir et de mieux partager l’eau du ciel, si on veut sauver les ressources en eau des plateaux et le débit de nos rivières d’autant que les projets de
cisément, la reforestation des prairies abandonnées durant le dernier siècle. Le Doubs est remarquable par le fait que sa surface agricole utile est désor-
mais inférieure à sa sur- face forestière (45 % contre 44 %). En presque 110 ans (depuis 1908), la forêt a gagné plus de 84 000 hectares rien que dans le Doubs, soit 16 % de sa surface totale au détriment des prairies, pâturages et des vignes” développe Jean-François Bonvallot (lire son cal-
“C’est un sujet
hautement politique.”
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