La Presse Pontissalienne 213 - Juillet 2017

L’INTERVIEW DU MOIS

La Presse Pontissalienne n° 213 - Juillet 2017

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JUSTICE

Affaire Aurélia Varlet

Bientôt quatre ans après le meurtre d’Aurélia Varlet à La Rivière-Drugeon, tuée à 32 ans, par son compagnon Didier Grosjean, lequel s’est donné la mort aussitôt après, Patrick et Giovanni Varlet, le papa et le frère d’Aurélia, ont une lueur d’espoir dans l’issue de leur combat. Avec la mort del’auteur, la justice s’arrête. La famille Varlet se trouve alors privée du procès de Didier Grosjean. Ne voulant pas en rester là, surtout après la découverte des antécédents d’homme possessif et dangereux de Didier Grosjean, Patrick et Giovanni ont donc décidé de porter plainte contre l’État pour dysfonctionnement grave de ses services. Confidences. “Pour elle, je me battrai, en son honneur”

L a Presse Pontissalienne : Vous avez décidé de porter plainte contre l’État en 2015, et cette plainte vient d’aboutir. C’est une démarche jus- tifiée, mais qui n’en reste pas moins compliquée ? Patrick Varlet : J’ai rencontré l’ex-petite amie de Didier Grosjean qui avait dépo- sé quatre plaintes pour faits graves (séquestration, enlèvement, menace de mort, tentative d’homicide) contre lui. Elle vivait un enfer, comme une bête que lui, prenait en proie. Elle a dit au Procureur de la République qu’il la tuerait si elle le quittait, qu’elle avait peur, qu’il avait un fusil. Le Procureur est inquiet et demande aux services de gendarmerie de faire une audition de Didier Grosjean et de son ex-peti- te amie, et une perquisition que les gendarmes ne feront jamais. Il y a quelque chose d’anormal dans cette affaire. Ce mec était infranchissable. Protéger quelqu’un qui est ignoble, c’est incompréhensible.Au fond de moi, je me dis que cette justice paye. On porte plainte contre l’État. Il s’est don- né la mort, mais on n’en reste pas là ! Ces personnes qui le protégeaient, qu’elles payent aussi. Pour elle, je me battrai, en son honneur. On bougera ce qu’il faudra bouger. On ira jusqu’au bout. L.P.P. : Avec votre avocat Maître Randall Schwerdorffer, vous avez donc envoyé une requête au ministère de la Justice ? P.V. : Oui, nous avons envoyé une requê- te reprenant tout l’historique des dys- fonctionnements et des insuffisances graves de ses services. À notre gran- de surprise, notre avocat reçoit quelques jours plus tard un appel du ministère de la Justice, qui nous informe que notre requête est prise au sérieux. Elle est étudiée par les magistrats de la

commission d’indemnisa- tion. On arrive donc avec mon fils Giovanni au ministère à Paris le 17 avril 2015. On reçoit des excuses de l’État, des condoléances de la Fran- ce. L’affaire n’est pas pas- sée inaperçue au niveau du ministère. La justice va faire droit à la requê- te. Elle a normalement transmis le dossier au ministère de l’Intérieur. Le fait d’être accueilli à Paris est unique en Fran- ce. On a tellement bougé de choses ! Ce soulage- ment ne me ramènera pas ma fille. Mais c’est un réconfort, une survie.

impardonnables du meurtre d’Aurélia et dif- fusé à la télévision. Quel est l’impact de cet- te médiatisation ? P.V. : Après la diffusion de l’émission, nous avons reçu avec Giovanni 11 500 S.M.S. L’émission a été diffusée tout de suite après le 24 décembre, un beau cadeau pour Aurélia qui est née le 24 décembre 1980. On veut s’afficher pour se faire comprendre. Les deux premières années, on avait la rage et un jour, une étoile m’a dit : c’est mon cœur ma meilleure défense. Il faut être digne et aller jusqu’au bout pour que les personnes soient mises devant leurs responsabilités. C’est anormal, telle- ment anormal…On l’a fait aussi pour se faire entendre et pour les femmes. L.P.P. : L’affaire d’Aurélia montre que le com- bat des femmes est hélas toujours d’actuali- té… Giovanni Varlet : On a été pour Aurélia au ministère de la Justice, mais je pen- se qu’on a représenté beaucoup de femmes ce jour-là. P.V. : On se bat pour que ces hommes et ces femmes aient de la ressource de ne pas se laisser faire et pour alerter pour que ça ne se reproduise plus. Nous sommes déterminés face à notre com- bat pour l’honneur de ma fille et des femmes battues, harcelées. L.P.P. : Et vous, comment allez-vous ? P.V. : Je me sens mieux. Je l’entends. Elle me dit : “Ce n’est pas grave papa, tu existes.” Je garde le sourire. Avoir le sourire, c’est être un clown qui rit et qui pleure. Un clown, ça apporte de la tristesse et de la joie à la fois. Soyons un clown à la vie ! Si on n’a toujours pas de nouvelles, pas de problème, avec notre avocat, on va écrire au nouveau président. n Propos recueillis par M.T.

“On va aller jusqu’au bout avec mon fils.”

L.P.P. : Où en est la procédure ? P.V. : A ce jour, nous n’avons pas de nou- velles. Avec l’aide de notre avocat, nous avons envoyé de nouveau un courrier en recommandé au président de la République, aux ministères de l’Inté- rieur et de la Défense, avec des D.V.D. des coupures de journaux, le 13 mars 2017. Nous avons reçu une réponse dès le 17 mars 2017. J’ai reçu une réponse favorable pour un soin atten- tif concernant notre procédure. Des mots touchants nous annonçant qu’une nouvelle enquête va normalement être ouverte. La rapidité de leur réponse nous prouve qu’ils sont attentifs au combat. J’ai bousculé beaucoup de mon- de pour nous faire entendre. Nous sommes parus dans plusieurs jour- naux de la presse nationale…J’ai même reçu une lettre de Jean-Pierre Pernaut. L.P.P. : Un reportage intitulé “Les cicatrices de la justice” a été réalisé sur les erreurs

M e Schwerdorffer avec Patrick et Giovanni Varlet devant le ministère de la Justice à Paris (photo E. Rivallain).

Ce combat, Patrick et

Giovanni Varlet le mènent pour Aurélia (à droi- te), mais aussi pour toutes les femmes.

Le visage d'Aurélia Varlet est encore dans toutes les mémoires.

La vidéo “Les cicatrices de la justice” est visible sur Youtube, les erreurs impardonnables du meurtre d’Aurélia : https://youtu.be/SdGnhkONXlw

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