La Presse Pontissalienne 211 - Mai 2017

LE DOSSIER

La Presse Pontissalienne n° 211 - Mai 2017

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POLLUTION ET SÉCHERESSE MENACENT LES RIVIÈRES DU HAUT-DOUBS

Alors que les mortalités piscicoles font à nouveau la une de l’actualité, la sécheresse que traverse le Haut-Doubs malgré les pluies récentes ne fait qu’aggraver les craintes des pêcheurs, et plus largement des citoyens qui militent pour la préservation des milieux. Si la prise de conscience semble enfin être partagée par tous, les mesures de protection et parfois de “correction” des dégâts provoqués sont lentes à se mettre en place. Dossier.

l Pollution

Une étude suisse inquiétante

Des produits interdits et dangereux retrouvés

Deux études menées par un scientifique suisse montrent que la norme de produits phytosanitaires dépasse 1,5 fois la norme à certains endroits. Les spécialistes s’inquiètent pour notre santé à plus long terme.

pour alerter la population. Rien à Pontarlier. Pour corroborer ses dires, la fédé- ration de pêche du Doubs a invi- té Jean-LouisWalther, chercheur suisse indépendant, afin qu’il divulgue deux de ses études man- datées par Pro Natura, leW.W.F. et la Fédération suisse de pêche dont les résultats sont éloquents. Contrairement aux Français, il dispose d’outils d’analyses diffé- rents. Le scientifique a découvert dans le Doubs des substances interdites, très dangereuses pour la santé que les mesures fran- çaises ne voient pas (ou ne diffu- sent pas) parce qu’elles sont sous

la norme ou ne sont pas recher- chées ! “ÀMorteau dans le Doubs, une pollution à la cyperméthrine atteignant 1,5 fois la norme a été mesurée (N.D.L.R. : cette substance provient des produits phytosani- taires ou pharmaceutiques). Des traces de polychlorobiphényles (P.C.B.), dont l’action immuno- toxique est avérée, ont été détec- tées presque partout dans la riviè- re, et 17 substances interdites et dangereuses ont même été iden- tifiées” explique le chercheur. À certains endroits, les effluents industriels et urbains sont par- ticulièrement marqués. C’est le cas à Soubey, où la qualité de l’eau est très affectée par plusieurs petites stations d’épuration. Il explique qu’un barrage chimique s’est créé.Ailleurs, ce sont les pes- ticides et engrais agricoles qui affectent l’eau. Des pyréthrinoïdes, insecticides liés à l’exploitation du bois, ont été détectés. Ils sont particulièrement présents dans le Bief de Fuesse, un affluent du Doubs dans lequel les macro- invertébrés ont disparu. “À Vil- lers-le-Lac, comme à Morteau, ou au Locle, la station d’épuration rejette des eaux troubles. C’est un secteur calamiteux et je l’ai dénon- cé à la mairie qui dit être en ordre à 98 % et que le problème était dû au froid. Quand on va mesurer, c’est la catastrophe. Autre chose : les doses infinitésimales de per- turbateurs endocriniens ont de terribles conséquences. Les effets grandissent plus la dose devient

minime (infinitési- male). Ce qui veut dire que même les petites doses sont capitales” , poursuit le chercheur. Quid du Haut- Doubs en amont de Pontarlier ? Pas vraiment : “On note une désoxygénation dans la couche pro- fonde du lac Saint- Point preuve que les

L e constat, sur le terrain, ou plutôt sous l’eau, est implacable. Depuis fin mars, c’est l’hécatombe dans nos rivières. Truites et ombres meurent en masse dans le Dessoubre et le Doubs franco-suisse, phénomène récurrent depuis 2009 dont les solutions n’ont pas encore été mises en œuvre ou trouvées. La Loue, jusque-là épargnée, voit

apparaître des poissons malades. “L’ombre est une espèce en dan- ger, la truite devient vulnérable” explique Jean-Pierre Herold, bio- logiste. Ce nouveau coup dur fait réagir : “C’est la chronique d’un problème sanitaire qui va arriver et dont nos instances n’ont pas mesuré la hauteur de l’urgence” indique le docteur Jean-Pierre Belon, membre de S.O.S. Loue et rivières comtoises.

Jeudi 20 avril, à la fédération de pêche du Doubs, pêcheurs, scien- tifiques, membre du comité S.O.S. Loue et rivières comtoises, ont organisé un point presse pour dénoncer, alerter, donner des solu- tions. Cet événement précédait la manifestation qui se tenait samedi 29 avril à Morteau, Saint- Hippolyte, Ornans, Saint-Clau- de, Besançon, où les pêcheurs ont organisé des barrages filtrants

Jusqu’à de l’héroïne détectée !

polluants sont présents. En des- sous d’un certain seuil, les pois- sons ne peuvent plus respirer” témoigne Christian Rossignon, ingénieur hydrobiologiste. Il reste un espoir puisque les rivières parviennent à “s’autoré- parer”. Jean-Louis Walther de préconiser deux solutions : “Ne plus épandre les boues d’épura- tion sur les terrains et imposer la prise en compte des micropolluants dans les stations. Cet investisse- ment coûtera 1,2milliard de francs à la Confédération” témoigne le chercheur qui a notamment décou- vert des traces d’héroïne et autres stupéfiants à la sortie d’une sta- tion d’épuration (celle de Blamont en aval de Saint-Hippolyte). Pire, de l’acrylamide dans la sta- tion de pompage de Goumois a été détecté, là où l’eau des habi- tants du plateau de Maîche est pompée. C’est une substance potentiellement cancérigène. Marc Goux, pour S.O.S. Loue et rivières comtoises demande à ce

Scienti- fiques,

docteurs, maître de conférences, pêcheurs, alertent sur la santé de nos rivières… et les consé- quences sur notre propre santé.

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