La Presse Pontissalienne 210 - Avril 2017

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La Presse Pontissalienne n° 210 - Avril 2017

l Syndicat Une urbanisation raisonnée Les Jeunes Agriculteurs toujours vigilants sur la question foncière Le syndicat agricole soutient à fond le principe “éviter, réduire, compenser” les impacts sur l’économie agricole liée à l’urbanisation inclus dans la loi d’avenir. Un principe qui a toute sa place dans le Haut-Doubs.

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J usqu’à présent, aucune ferme du Haut-Doubs n’a été pénali- sée de façon irréversible par le grignotage urbain. Pour autant, si le renouvellement s’effectue encore de façon équilibrée dans la transmis- sion des exploitations, les surfaces arti- ficialisées progressent comme partout ailleurs. “Environ 70 000 hectares de surface agricole disparaissent chaque année en France. Cela représente l’équi- valent de 2 000 installations. La sur- face du territoire imperméabilisée couvre 6 % de la superficie française alors que la part du territoire exploitée par l’agri- culture s’élève à 51 %. Dans l’artifi- cialisation, il faut savoir qu’un hecta- re sur deux est consommé par l’habitat pavillonnaire en incluant les jardins et pelouses” , annonce Julien Guyon, installé à Bannans et responsable fon- cier au sein des Jeunes Agriculteurs (J.A.) du Doubs. Et rien n’indique que le mouvement va s’inverser. “1,7 million d’hectares seront artificialisés d’ici 2050, soit 5 % de la surface agricole utile française” , complète Stéphane Breuillot, prési- dent des J.A. sur le canton de Pontar- lier et agriculteur à Montperreux. En 2015 dans le Doubs, c’est une centai- ne d’hectares qui s’est ainsi envolée, soit l’équivalent d’une exploitation agricole. Bonne nouvelle, le marché de l’urba- nisation dans le département ralentit depuis une dizaine d’années. “Sachant que le processus d’urbanisation est irré- versible, mieux vaut donc en premier lieu éviter la consommation de terrain quand cela n’est pas nécessaire” , argu- mente Julien Guyon. Comment y par- venir ? Par la technique du recyclage et de la densification, en réutilisant les friches industrielles, en réhabili-

Le marché de l’urbanisation dans le Doubs L’ artificialisation des sols à connu un certain ralentissement depuis 2006 et cette tendance semble se confirmer depuis 2012. En 2015, l’équivalent d’une exploitation agri- cole a disparu. Les achats par les collectivités et éta- blissements publics rattachés repré- sentent 25 % du marché en surface avec 27 hectares et seulement 8 % en valeur. Sur les 167 opérations dont la catégorie socioprofessionnelle du vendeur est connue, seules 16 ventes sont réalisées par des agriculteurs pour une surface de 7 hectares. Contrairement à certaines idées reçues, ces derniers ne sont donc pas les prin- cipaux bénéficiaires des plus-values engendrées par ces transactions.

tant le bâti ancien. Une chasse au gas- pillage foncier. “Sur le Haut-Doubs, on peut prendre l’exemple de la zone d’ac- tivité de Bulle où l’on a supprimé 18 hectares de bonnes terres agricoles. Résultat : six ans plus tard, on dénombre en tout et pour tout trois bâtiments. Pour nous, c’est l’erreur à ne pas faire alors qu’on aurait pu procéder par tranche même si cela coûtait plus cher à aménager.” Secondo, il faut réduire l’emprise de l’artificialisation à tous les niveaux : des parcelles constructibles de taille raisonnable, des voies de communica- tion dont les abords n’empiètent pas de façon exagérée sur le foncier, des principes d’aménagement qui pren- nent aussi en compte cette notion d’éco- nomie. “Le pompon départemental en la matière, c’est Technoland à Mont-

Pour les jeunes agriculteurs du Haut-Doubs, la réalisation de la zone d’activité de Bulle qui peine toujours à se remplir s’inscrit comme l’exemple à ne surtout pas suivre.

béliard qui s’étend sur 160 hectares dont la moitié en compensation écologique avec des pelouses et des arbres d’ornement. Au final, on perd une exploita- tion. On pense aussi aux parkings des zones commerciales dont on pourrait facilement diminuer la surface. Il suffit de les mettre sous le magasin.” Sur la question de la compensation, les Jeunes Agriculteurs apprécieraient que les règles définies pour la forêt s’appliquent aus-

Un hectare sur deux

consommé par l’habitat pavillonnaire.

Année

Surface artificialisée en hectares

si pour la terre agricole. “En forêt, la compensation varie de 3 à 7. C’est beaucoup plus que pour l’agricultu- re. Et on ne réclame pas des compen- sations financières” , ajoute Stéphane Breuillot. Conscients qu’on ne peut pas tout figer, les deux agriculteurs prônent une urbanisation raisonnée de façon à pouvoir continuer à installer des jeunes. Dans son éditorial paru sur “JA.mag” en décembre dernier, Julien Guyon évoque le chapitre sensible de la valeur de la terre. “Le prix du fon- cier actuel est de plus en plus décon- necté de la réalité économique des acti- vités agricoles. Bien que notre département soit partiellement à l’écart de la crise laitière qui touche l’agri- culture française et grâce à nos filières stables et rémunératrices, la concur- rence entre agriculteurs ainsi que la proximité de la Suisse et la présence d’investisseurs tiers font gonfler les prix du foncier tout en fragilisant tou- jours plus la sauvegarde du foncier agricole et l’installation.” Il se félicite aussi de la publication du décret relatif à la compensation agricole collective. Un outil qu’il juge Le principe de compensation agricole collective L a loi d’avenir pour l’agriculture, l’ali- mentation et la forêt du 13 octobre 2014 prévoit à l’article 28 : “Les pro- jets de travaux, d’ouvrages ou d’amé- nagements publics et privés qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisa- tion, sont susceptibles d’avoir des consé- quences négatives importantes sur l’éco-

pour l’instant succinct mais promet- teur dans ses ambitions et ses enjeux. Son collègue Stéphane Breuillot n’est pas convaincu du bien-fondé des réserves foncières dans le sens où cela permet aux aménageurs de se dédoua- ner de la consommation de l’espace sachant qu’elle est compensée par l’at- tribution ou l’échange d’autres sur- faces agricoles. “Il y a le risque de ren- trer dans un cercle vicieux” dit-il. Les sujets de discussion ne manquent pas. En terre à comté, la question de limiter la productivité laitière à l’hec- tare peut effectivement pénaliser les jeunes ou les nouveaux agriculteurs plus exposés sur le plan financier. “À chaque fois que vous perdez un hec- tare, c’est 2 000 euros en moins.” Ce risque est bien sûr lié directement à la maîtrise du foncier sur l’exploita- tion. Le fermage devient monnaie cou- rante. “Espérant que leurs terres deviennent tôt ou tard constructibles, les propriétaires n’ont plus envie de s’engager sur des baux. Résultat : de plus en plus de surfaces sont simple- ment en vente d’herbe sans aucune garantie.” n F.C. nomie agricole font l’objet d’une étude préalable comprenant au minimum une description du projet, une analyse de l’état initial de l’économie agricole du ter- ritoire concerné, l’étude des effets du projet sur celle-ci, les mesures envisa- gées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet ainsi que des mesures de compensation collective visant à consolider l’économie agricole du territoire. L’étude préalable et les mesures de compensation sont prises en charge par le maître d’ouvrage.” n

2010 2011 2012 2013 2014 2015

504 254 290 143 119 106

(Source : Le marché foncier rural 2015. S.A.F.E.R. Bourgogne-Franche-Comté)

Le potentiel agricole autour du lac subit la double pression touristique et frontalière comme nous le montrent Julien Guyon et Stéphane Breuillot, adhérents au syndicat des J.A. du Doubs.

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