La Presse Pontissalienne 207 - Janvier 2017

La Presse Pontissalienne n° 207 - Janvier 2017

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l Neuchâtel

New Deal pour l’emploi

Le canton est-il en train de se replier sur lui-même ? Le canton de Neuchâtel veut éviter l’amalgame entre son “New Deal pour l’emploi” qui pousse les entreprises

suisses à recruter localement et la votation de février 2014 contre l’immigration de masse. Malgré tout, ce dispositif induit une notion de préférence locale dans le recrutement.

“L’ État de Neuchâtel avait ciblé 30 grandes entreprises de plus de 250 salariés installées sur le canton. Les 2/3 ont accepté d’en- trer dans une collaboration “NewDeal”, un dispositif mis en place depuis quelques mois par les pouvoirs publics cantonaux pour faire baisser le taux de chômage. Cela signifie que ces entreprises s’en- gagent désormais à transmettre la lis- te de leurs postes vacants en priorité à l’Office Régional de Placement (O.R.P.) qui s’occupe de reclasser les deman- deurs d’emploi domiciliés sur le can- ton. Cette mesure vise à encourager la recherche endogène de compétences avant de faire appel à la main-d’œuvre des cantons voisins, ou française. C’est ce que craignent les travailleurs fron- taliers qui sentent monter des ani- mosités à leur égard depuis la vota- tion du 9 février 2014 “contre l'immigration de masse” qui induit la notion de “préférence nationale” (et locale) dans le recrutement des entre- prises. Le canton de Neuchâtel se défend de vouloir fermer la porte aux frontaliers et d’œuvrer dans le sens du repli sur soi. “Tout d’abord, les électeurs du can- ton ont voté majoritairement “non” au référendum de février 2014. Ensuite, on sait par avance que nous ne pour- rons pas répondre à tous les besoins de

recrutement dans les entreprises avec la main-d’œuvre locale” dit-on du côté des autorités cantonales. Pour autant, ce New Deal induit bien l’idée d’un arbitrage dans le recrutement, avec, le cas échéant, une préférence pour un habitant du canton. “Nous voulons agir pour que des demandeurs d’emploi aient accès à des postes auxquels n’avaient plus accès jusqu’à présent. Aussi, le New Deal n’est pas qu’un par- tenariat avec les entreprises, c’est aus- si une refonte complète du dispositif d’accompagnement des demandeurs d’emploi. L’esprit du New Deal n’est pas celui qui a conduit à la votation de février 2014.” Le canton de Neu- châtel espère faire baisser ainsi son

Repère L’exemple de Neuchâtel Le principe du New Deal pour l’emploi Les services de l’emploi du canton de Neuchâtel livrent les grands principes du dispositif “New Deal pour l’emploi” qui doit permettre de réduire le taux de chômage dans le canton.

1 - En quoi consiste le New Deal pour l’emploi ? Dans les grandes lignes, le New Deal pour l’emploi est avant tout le renfor- cement des partenariats, dans le cadre d’une relation privilégiée, avec les entre- prises du canton de Neuchâtel dans l’objectif de mieux identifier leurs besoins, notamment s’agissant de la formation (projets spécifiques) et de l’évolution des compétences. Il a éga- lement pour objectif de mieux saisir les enjeux et les opportunités pour facili- ter l’accès à l’emploi. Enfin, il prévoit de donner une priorité aux offices régio- naux de placement : les entreprises signataires du New Deal proposent les postes vacants aux O.R.P. (offices régio- naux de placement, équivalent de Pôle emploi) qui ont 48 heures pour offrir

des profils correspondants. Le New Deal ne se veut pas une approche idéo- logique mais une approche orientée clients qui s’inscrit parfaitement dans la réforme du service de l’emploi. 2 - Des consignes ont-elles été données aux agences de placement et aux entreprises pour recruter en priorité des personnes domiciliées dans le canton ? Le New Deal n’est pas contraignant, n’a pas force de loi. C’est un engage- ment “partenaire” qui s’inscrit dans la culture de partenariat social que connaît la Suisse depuis des décennies. Il va de soi que le service de l’emploi a déve- loppé plus particulièrement une pres- tation (déjà existante) qui permet de répondre à nos engagements de pro-

poser des profils adéquats dans les 48 heures aux entreprises qui nous sol- licitent. 3 - Les entreprises qui ne jouent pas le jeu peuvent-elles s’exposer à des sanctions financières ? Non, en aucun cas. 4 - Le “New Deal” ne va-t-il pas compliquer sérieusement la recherche d’emploi pour les travailleurs frontaliers ? Le New Deal ne complique pas la recherche d’emploi pour un frontalier dès lors que cet accord est respec- tueux des accords bilatéraux. n

taux de chômage qui est supérieur à 5 % et ainsi diminuer le mon- tant des aides sociales versées aux chômeurs. Le taux est supérieur de plus de 2 points au taux national. Le can- ton veut le ramener à 1 point de différence, ce qui était encore le cas en 2008. Or, actuel- lement plus de 20 % des gens qui travaillent dans le canton n’y rési- dent pas. Lamoitié sont des frontaliers. Il y en a 10 000. n

“Nous ne pourrons pas répondre à tous les besoins”

Source : service de l’emploi canton de Neuchâtel

l Social

Conséquence du référendum Le sentiment anti-frontaliers grandit

Le référendum de février 2014 et les débats qui ont suivi laissent des traces dans les cantons frontaliers francophones où progresse toujours le sentiment anti-frontaliers. Les difficultés écono- miques qui pointent en Suisse, notamment dans l’industrie horlogère, ne font que le renforcer.

François Besson. Nos voisins suisses ont créé des problèmes là où il n’y en avait pas, ou peu. L’histoire donne un ton officiel à l’idée caricaturale selon laquel- le les frontaliers prennent le boulot des Suisses. “Nous sommes en plus dans une pério- de économique difficile. Il faut trouver un bouc émissaire. Ce bouc émissaire est le frontalier. Il est le coupable tout trouvé” s’inquiète Valérie Pagnot de l’Amicale des Frontaliers. Si “la transcription de la votation de février 2014 reste favorable à l’emploi frontalier” dit-elle, tous ces débats autour de la ques- tion de l’immigration de masse ont accentué les rancœurs de citoyens helvétiques à l’égard de travailleurs étrangers. “C’est contre-productif. Sur le secteur de Genève, on commence à voir des frontaliers au profil très qua- lifié quitter la Suisse car ils n’en peuvent plus des réflexions à la limite du racisme qu’ils subis-

Mais les idées qui ont été véhi- culées ces trois dernières années réveillent un sentiment natio- naliste en Suisse que subissent désormais beaucoup de tra- vailleurs frontaliers, à des degrés différents suivant les cantons. ÀNeuchâtel,“le racisme” contre les pendulaires tricolores est sans communemesure avec celui observé à Genève où il est exa-

“T out ça pour ça !” résume Jean- François Besson, le secrétaire général du Groupement Trans- frontalier Européen, en par- courant le texte de loi voté par le Parlement Suisse le 16 décembre. Les députés ont rendu finalement une version bien édulcorée du référendum du 9 février 2014 à l’issue duquel le peuple helvétique s’était pro- noncé, à une courte majorité (50,3 %) “contre l’immigration de masse.” A l’arrivée, point de quotas migratoires et de posi- tions radicales comme on le

redoutait, mais une incitation par exemple, pour les entre- prises suisses, à recruter en prio- rité sur le marché local de l’em- ploi avant d’aller chercher des compétences à l’étranger, en France en particulier. Le Parlement a peut-être fait machine arrière au terme d’âpres discussions avec l’Union Euro- péenne. Le texte a certes été assoupli comparé à celui du réfé- rendumporté par le parti conser- vateur U.D.C. La loi ne com- promet pas l’avenir des travailleurs frontaliers en ter- re helvétique comme on le redou- tait.

cerbé. “On peut comprendre qu’un canton cherche à privilégier ses chô- meurs, et que des mesures soient prises pour cela. Mais l’instaura- tion de cette notion de préférence nationale (N.D.L.R. : et can- tonale) crée un malaise et des ten- sions dans beau- coup d’entreprises” déplore Jean-

“Je pars car je les supporte plus.”

Dans le canton de Genève, des Français au profil qualifié quittent la Suisse, las de souffrir d’une forme de racisme à leur égard.

où les échanges se font depuis des décennies dans un intérêt commun. Souhaitons que ces tensions finissent par s’apaiser. Une embellie économique faci- literait les choses. n T.C.

sent au quotidien. Des adhérents me disent “je pars car je les sup- porte plus.” Il y a dix ans je n’en- tendais pas cela” remarque Jean- François Besson. Le climat des relations humaines se dégrade sur une frontière franco-suisse

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