La Presse Pontissalienne 199 - Mai 2016

AGRICULTURE

La Presse Pontissalienne n° 199 - Mai 2016

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Pollution : nos rivières toujours en danger Malgré un hiver très pluvieux et une abondance d’eau en ce début de printemps, ce qui a permis de régénérer l’eau des rivières du Haut-Doubs, l’état sanitaire des cours d’eau est loin d’être revenu à la normale. Les vigies des rivières veillent toujours. ENVIRONNEMENT S.O.S. Loue et rivières comtoises

Cette inscription a été faite sur le Dessoubre le 8 avril dernier. Les fonds de la rivière sont peu ragoûtants.

dysfonctionnements. “Nous avons fait ce travail pour montrer aux adminis- trations et aux élus qu’il y avait un réel problème. Ils ont fini par reconnaître que les stations n’étaient pas si vaillantes que cela. Résultat : le syndicat mixte du Dessoubre a pris la compétence assainissement et les choses vont pou- voir enfin avancer dans le bon sens. Je me réjouis de cette collaboration” note ChristianTriboulet qui ajoute : “Main- tenant, nous souhaiterions être impli- qués en amont des prises de décisions. ” Le syndicat mixte a d’ailleurs prévu l’embauche d’un ingénieur qui serait spécifiquement affecté à cette ques- tion. En résolvant les dysfonctionne- ments des stations d’épuration inadap- tées et ce, grâce à des financements d’État garantis par l’Agence de l’eau, M. Triboulet estime qu’on “est capable d’abattre 80 % de la pollution en cinq ans.” Une des autres sources d’in- quiétude est d’origine industrielle avec les micro-polluants de l’industrie qu’il

conviendrait de traiter à la source. Enfin, les pratiques agricoles restent une des principales préoccupations des associations ou des collectifs environ- nementalistes. Sur ce point, les choses ont évolué dans le bon sens (voir aus- si l’interview en page 21). Les canards boiteux existent toujours : les cas de Vaufrey et de Cour-Saint-Maurice en 2014, plus récemment de Tarcenay où un exploitant a vidé en toute impuni- té sa fosse à lisier, en témoignent. Les agriculteurs, il faut s’en réjouir, sont passés du déni à la compréhension de l’impact que leurs pratiques peuvent avoir sur les sols. Des mesures sont prises : la couverture des fumières, l’augmentation des capacités de stoc- kage de lisier sur les exploitations, la mise en place de plans d’épandage, etc. Au moment où la filière comté enga- ge la réflexion sur son avenir, le débat ne peut plus être éludé, même si, esti- me le collectif S.O.S. Loue et rivières comtoises, “les mesures courageuses

engagées ne compensent pas les aug- mentations de volumes de lait liées à l’anticipation et à la fin des quotas lai- tiers. Le retour à l’autonomie alimen- taire du bétail avec une montbéliarde plus rustique commence à s’imposer peu à peu comme la démarche à suivre pour revenir à un équilibre avec le ter- ritoire et pour consolider l’avenir des A.O.P.” Il apparaît aujourd’hui primordial que l’ensemble de la société se mobilise au- delà des associations militantes si la profession agricole veut concrétiser son projet de Territoire d’Excellence. Une note d’espoir : associations de pro- tection de l’environnement, pêcheurs et profession agricole ne se tournent plus le dos et ont compris tout l’inté- rêt de travailler désormais main dans la main. n J.-F.H.

U n hiver particulièrement arro- sé, un début de printemps frais et humide : rien de tel appa- remment pour redonner du tonus à nos cours d’eau, Doubs et Des- soubre notamment. Mais le bel aspect actuel des rivières du Haut-Doubs ne serait qu’un leurre à entendre les acteurs de terrain qui veillent au grain. Parmi eux, le collectif S.O.S. Loue et rivières comtoises continue à être sur le pied de guerre. “Tant qu’il y a de l’eau, la pollution est diluée. Mais sitôt que nous sommes en situation d’étia- ge, toute la pollution présente se dépo- se. Les épandages qui ont été réalisés ces dernières semaines ont forcément un impact. Le souci, c’est que les épan- dages qui ont été faits à 900 ou 1 000 m d’altitude étaient trop précoces, la végé-

tation n’était même pas repartie et les effluents partent directement dans les nappes” constate Christian Triboulet, vice-président de la fédération de pêche du Doubs et co-animateur du collectif S.O.S. Loue et rivières comtoises. Le spectacle des cours d’eau en ce mois d’avril n’était guère réjouissant : des algues brunes gavées d’azote et de phosphate, qui laisseront la place si les températures se réchauffent à une prolifération d’algues vertes. Après les graves mortalités de pois- sons constatées en 2014 notamment sur le Dessoubre et la Loue, le collec- tif avait examiné à la loupe le fonc- tionnement des 35 stations d’épura- tion situées sur le bassin-versant du Dessoubre. Le résultat était sans appel : 90 % d’entre elles présentaient des

“Les changements de comportements doivent concerner tout le monde” AGRICULTURE Ils sont souvent pointés du doigt Christian Morel est vice-président de la chambre d’agriculture du Doubs et Territoire-

très bien faits qui encouragent les pratiques responsables. On travaille également en relation avec la fédération des C.U.M.A. pour avoir du matériel le plus sophistiqué possible qui per- mettre d’épandre en quantités plus réduites et à le faire à des moments où la végétation en a besoin, pas n’importe quand. Nous avons mis en place à ce sujet des essais du côté de Bon- nevaux-Trepot qui donne des résultats très intéressants. L.P.P. : Travaillez-vous également sur la limitation des désherbants et autres insecticides ? C.M. : Oui, c’est le deuxième axe de notre politique. On a mis en place des essais sur Arcier et le plateau de Saône cette fois-ci, destinés à changer de pratiques, ce qui a permis de constater une forte baisse de la pression phy- tosanitaire. Ceci dit, si on par- le des glyphosates (le fameux Roundup), on constate aussi que là où on en trouve le plus, c’est à la sortie des stations d’épura- tion, ce qui signifie que ce sont

est aussi une réalité, comme il y a 50 ans, on peut se remettre à traiter les herbes comme ça. Il existe des aides de l’État qui permettent de pallier le manque de rentabilité liée au retour de telles pratiques, mais le problè- me est que les agriculteurs en sont parfois à se désengager par- ce que faute de moyens de l’État, ces dispositifs ne deviennent plus intéressants du tout. Il ne faut pas que l’administration nous impose des conditions inat- teignables. L.P.P. : La solution est-elle au passa- ge des exploitations en bio ? C.M. : Pour moi, le bio, c’est la cerise sur le gâteau. Il y a de plus en plus d’exploitations qui passent au bio, elles sont aujour- d’hui 7 à 8 %. Seulement, il faut mettre en garde. Les gens ne doivent pas partir au bio par seule opportunité financière et qu’en suite on soit obligés de les ramasser à la petite cuillère par- ce qu’ils n’auraient pas réussi. Ensuite, quand on veut passer en bio, il faut être très pointu techniquement. Ce n’est pas don- né à tout le monde. Et enfin, il faut que ça réponde à un mar- ché. On ne peut pas répondre au marché du bio uniquement avec les filières locales. Il faut que les filières longues,les grosses coopératives s’intègrent dans ce mouvement. C’est ce que nous les encourageons à faire. Dans un marché mondial, l’agricul- ture française se distinguera par sa qualité et la recherche de cré- neaux à valeur ajoutée. n Propos recueillis par J.-F.H.

L a Presse Pontissalienne : La qualité des sols et des rivières est-elle réellement une des pré- occupations de la filière agri- cole ? Christian Morel : Nous sommes actuellement en train de modi- fier notre projet agricole dépar- temental avec le projet de faire du Doubs une terre d’excellen- ce. Cela passe donc forcément par la prise en compte de la qua- lité des sols et des rivières. On a bien conscience que nous sommes ici sur des sols fragiles et sur une logique économique autour des A.O.P. et des I.G.P. Les efforts sont indispensables. L.P.P. : Quelles actions concrètes la profession met-elle en place ? C.M. : Il y a des actions que nous avons mises en place il y a déjà longtemps comme les plans d’épandage qui sont préparés en concertation avec les com- munes qui ont des réseaux d’as- sainissement. Sur les 2 200 exploitations du Doubs, la moi- tié déjà ont intégré un tel plan d’épandage. Plus récemment, on s’est mis à travailler plus pré- cisément selon les secteurs où on est, par rapport notamment à la profondeur de terre. L’idée est d’épandre demanière de plus en plus précise et ciblée en fonc- tion de la nature des sols. L.P.P. : Il n’empêche que malgré ces efforts et ces mesures, il reste des

agriculteurs inconscients qui déver- sent leur lisier n’importe comment et n’importe où ! C.M. : L’arrivée du portable fait, d’un côté, énormément de bien à notre profession car il ne peut plus y avoir d’impunité en la matière. Au moindre dérapage, il y a désormais toujours quel- qu’un pour prendre une photo. Le temps où on pouvait épandre en toute discrétion est révolu et c’est tant mieux. Ceci dit, il y aura toujours ceux qui enfrein- dront la loi. Je les compare à ces automobilistes qui, malgré les interdictions, continuent à rou- ler à 170 km/h. Ils savent per- tinemment que c’est interdit mais la réglementation les “emmerde”. L.P.P. : Les choses progressent tout de même selon vous ? C.M. : Les choses vont dans le bon sens. C’est aussi une question d’état d’esprit à changer auprès des agriculteurs, et du grand public. Il faut expliquer que les effluents, ce ne sont pas des déchets, mais avant tout des engrais et que ces engrais, il faut savoir les utiliser correctement. À ce propos, la chambre d’agri- culture diffuse auprès de tous les agriculteurs du département des guides des bonnes pratiques de gestion des effluents d’éle- vage en milieu karstique. Ce sont des documents pédagogiques

de-Belfort. Pour lui, l’agriculture, souvent montrée du doigt, est bien consciente des enjeux et prend sa part aux efforts nécessaires.

aussi les parti- culiers qui en uti- lisent et qui sont responsables d’une partie des rejets. Les chan- gements de com- portements doi- vent concerner tout le monde. Agriculteurs, communes, fores- tiers, pêcheurs, tout le monde a sa part. Le retour des charrues dans nos champs

“Ne pas partir au bio par seule opportunité financière.”

Christian Morel, vice-président de la chambre d’agriculture : “Agriculteurs, communes, forestiers, pêcheurs, tout le monde a sa part.”

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