La Presse Pontissalienne 197 - Mars 2016
LA PAGE DU FRONTALIER
La Presse Pontissalienne n° 197 - Mars 2016
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Ces fromagers français qui s’installent en Suisse AGRICULTURE Les frontaliers de la fromagerie Le travail frontalier se propage dans les ateliers suisses exploités par des fromagers fran- çais qui retrouvent dans l’A.O.P. gruyère une liberté qu’ils n’auraient plus dans le comté.
P lus que l’appât du gain, c’est d’abord pour la liberté d’entreprendre qu’ils ont choi- si de postuler dans des froma- geries suisses. Tous le confirment, que ce soient Vincent Tyrode à l’Auberson, Damien Lacroix à Bullet ou Sylvain Trouttet à la Brévine. “Dans le gruyè- re suisse, les fromagers sont acheteurs de lait. Ils sont recrutés par soumis- sion et doivent faire des propositions
atelier qui transforme à l’époque entre 1,6 et 1,7 million de litres de lait. Une belle opportunité se présente en 2001 au départ en retraite de son patron. “Comme j’avais envie de me mettre à mon compte, j’ai soumissionné” , pour- suit celui qui décroche la place avec son épouse Bénédicte. Le couple s’installe à demeure. Soucieux de fai- re autre chose que du gruyère, il se diversifie peu à peu dans le vacherin mont d’or. En février 2010, la fromagerie de l’Auberson est détruite par un incen- die. Après négociation avec les agri- culteurs, il rachète l’outil sinistré et le rénove. Il devient alors l’un des rares fromagers français propriétaires d’une fromagerie suisse. La fromagerie Tyro- de transforme aujourd’hui 3 millions de litres de lait pour produire annuel- lement 100 tonnes de vacherin Mont d’or et 200 tonnes de gruyère. Elle emploie jusqu’à vingt salariés, aux trois quarts frontaliers, en pleine sai- son du vacherin. Damien Lacroix se sentait lui aussi plus en phase avec le modèle suisse. Son destin professionnel s’est révélé lors de son stage de troisième effectué en fromagerie. Lui qui n’aimait pas l’école va étudier à l’E.N.I.L. de Mami- rolle jusqu’en licence professionnelle.
sur les prix, les produits, les projets, les investissements” , expliqueVincent Tyro- de, 41 ans, fromager à l’Auberson. Ori- ginaire d’Étalans, formé à l’É.N.I.L. de Poligny, il a d’abord fait ses gammes en fromagerie industrielle près de Lyon. “Une bonne expérience en pâte molle” , confie celui qui décroche en 1997 un poste de salarié à la fromagerie de l’Auberson. Le voilà frontalier à s’initier à la fabrication du gruyère dans un
Arrivé en Suisse en 2013, Damien Lacroix a pris les commandes de la fromagerie de Bullet en janvier dernier.
Vincent Tyrode est sans doute le seul fromager français propriétaire d’une fromagerie suisse sur la filière A.O.P. gruyère.
Mamirolle en effectuant son appren- tissage aux Monts de Joux. Il débute comme aide-fromager à Labergement- Sainte-Marie, puis il devient second aux Majors à Villers-le-Lac avant de passer la frontière en janvier 2009 pour devenir ouvrier à la fromagerie de la Brévine. “J’ai toujours été attiré par la Suisse car il y a cette possibilité de se mettre à son compte. Quand la place de fromager s’est libérée aux Jordans, j’ai postulé.” Il en prend les commandes en novembre 2009 et renouvelle l’expérience en juillet 2015 à la fro- magerie de la Brévine suite au départ du fromager en place. “On transforme
Diplôme en poche, il travaille pendant 18 mois dans une fruitière du Haut- Doubs. Expérience mitigée. “J’étais peut-être trop jeune” , indique celui qui trouve en 2013 un emploi d’ouvrier de fromagerie en Suisse. Fin 2015, il pos- tule à la fromagerie de Bullet qu’il exploite depuis janvier dernier. “On peut saluer la qualité des formations dans les E.N.I.L.” , souligne le jeune fro- mager de 27 ans qui exerce seul dans un atelier aujourd’hui en capacité de transformer 1,4million de litres de lait. Dès sa prise de fonctions, il a investi dans un distributeur de fromage à fon- due en libre-service. “Je prévois égale- ment de mettre un robot en cave pour libérer du temps de travail en cave. On frotte beaucoup les fromages. Cela repré- sente près de deux heures chaque jour.” Pour rien au monde, il ne reviendrait dans le comté. “En Suisse, les méthodes de fabrication sont à mon sens plus dirigées et plus rigoureuses. Cette exi- gence me plaît” , poursuit le patron de la plus haute fromagerie à gruyère du Jura, juchée à 1 117 mètres d’altitude. Originaire de Bannans, SylvainTrout- tet, 31 ans, a passé son C.A.P. puis son brevet professionnel à l’E.N.I.L. de
3,2 millions de litres de lait. Cela représente 285 tonnes de gruyè- re par an. Je fonc- tionne avec 28 pro- ducteurs” , explique celui qui prendra les commandes en juillet prochain d’un nouvel atelier flambant neuf en construction à la sortie du village.
La liberté d’entreprendre
F.C.
“En Suisse, on a la possibilité de se mettre à son compte”, apprécie Sylvain Trouttet qui exploite la fromagerie de la Brévine depuis le 1er juillet 2015.
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