La Presse Pontissalienne 195 - Janvier 2016

CLIMAT : LE HAUT-DOUBS FACE AU DÉRÉGLEMENT La Presse Pontissalienne n° 195 - Janvier 2016 L’ÉVÉNEMENT

Le Larmont, fin décembre 2015… La récente COP21 a permis de mettre un coup de projecteur inédit sur les questions de dérèglement climatique. Pontar- lier et le Haut-Doubs n’échappent pas à l’analyse et à ces questions. Les effets du dérèglement font ici aussi, partie de l’actualité. Un dossier “de saison”.

Prospectives On perd 1 cm d’altitude par jour Réchauffement climatique : douceurs comtoises en perspectives Six chercheurs ont collaboré à la rédaction du livre “Histoire du climat en Franche- Comté, du Jurassique à nos jours”. Une vision réaliste et objective qui laisse présager de conséquences moins catastrophiques qu’on ne pourrait le craindre pour notre région.

P ublié aux Éditions du Belvé- dère, cet ouvrage est le pre- mier du genre qui a pour cadre une région. Il est le fruit d’une équipe pluridisciplinaire associant géo- logue, historien, météorologue, paléo- climatologue et paléoenvironnemen- taliste. L’occasion pour Vincent Bichet le géologue de revenir 25 000 ans en arrière pour nous rappeler que le Jura était alors recouvert d’une immense calotte glaciaire. “Les glaciations se reproduisent environ tous les 150 000 ans. C’est dû à la relation entre la Ter- re et le soleil. Le cycle se reproduit depuis plus d’1 million d’années et met en jeu une combinaison de paramètres qui évoluent dans le temps et qui vont se poursuivre. On peut faire du pré- dictif. Actuellement, on est dans une ère interglaciaire.” Cette période climatique suit d’abord une courbe des températures ascen- dante favorable à l’installation pro- gressive d’une chênaie dominante. Le réchauffement provoque une baisse du niveau des lacs jusqu’à l’optimum climatique où le phénomène s’inverse et le climat tend à se refroidir. Ou plu- tôt devrait tendre à se refroidir. Car aux facteurs volcaniques et solaires qui modifient à la hausse ou à la bais- se les températures est venu s’en ajou- ter un troisième qui bouleverse l’ordre

naturel des choses : les gaz à effet de serre (G.E.S.). Visible à partir de la révolution industrielle, l’impact des G.E.S. progresse de façon exponen- tielle. “Il excède de très loin l’amplitude du forçage solaire. Le réchauffement en cours n’a plus rien à voir avec les facteurs naturels. Avec l’irruption du facteur humain, certains parlent d’une nouvelle ère géologique : l’anthropocène. L’homme est ainsi devenu un facteur d’érosion dominant” , explique Michel Magny, paloéclimatologue bisontin. Tout s’accélère. Par le passé, les Com- tois ont aussi eu à subir des périodes rigoureuses. On pense par exemple au petit âge glaciaire qui s’est déroulé du XIV ème siècle jusqu’en 1850. De cette

dant ce petit âge glaciaire, on consta- te aussi des embâcles sur le Doubs et l’importance des inondations liées aux précipitations ou à la fonte des glaces” , décrit Pierre Gresser, historien. On a une idée beaucoup plus précise des évolutions climatiques à partir de 1850 avec l’apparition des stations. Bruno Vermot-Desroches le chef du centre météorologique de Besançon est formel. “Dans la région, on est sous l’influence d’un climat continental dégradé océanique et non pas conti- nental qui est beaucoup plus froid. Les ouvrages sont faux. Quand on parle de petite Sibérie, c’est seulement l’affaire de quelques jours.” Le météorologue invite à se méfier des conclusions hâtives et des tendances épisodiques. “Quand on étudie les températures moyennes annuelles, 10 ans, ce n’est rien. En terme de recul météorologique, il faut au moins 30 ans. Depuis 1880, on constate que les températures mini- males augmentent plus régulièrement que les maximales.” Il fait plus chaud surtout parce qu’il fait moins froid. La température moyenne a pratique- ment augmenté de 1 °C à Besançon en cinquante ans. La capitale comtoi- se bénéficie aujourd’hui des conditions qui régnaient à Lyon au début du XX è- me siècle. Globalement, on descend vers le Sud de 10 mètres par an, soit 40 km

Les auteurs du livre étaient en conférence en novembre dernier à Pontarlier. De gauche à droite, assis : Bruno Vermot-Desroches, Pierre Gresser, Hervé Richard et debout Michel Magny et Vincent Bichet. Il manque Emmanuel Garnier.

Selon les prévisions de l’Agence de l’eau, la moitié nord de la France sera sans doute plus arrosée et la situation sera de plus en plus complexe en se rapprochant de la ceinture méditer- ranéenne. “L’agriculture franc-com- toise sera plus propice au retour des céréales. On vérifie d’ailleurs ce phé- nomène depuis quelques années sur les seconds plateaux au-delà de 700 mètres d’altitude.” Quant à estimer l’ampleur du réchauffement, bien malin celui qui pourra le dire. “On n’a plus d’incertitude sur le réchauffement du climat mais il en subsiste beaucoup dans l’évaluation du changement” , conclut Claude Magny. F.C.

en 10 ans et 400 km en 100 ans. Dans le même temps, on perd 1 cm d’altitude par jour, soit 4 mètres par an, 40 m en 10 ans et 400 m en 100 ans. Consé- quence, il neige toujours mais moins souvent sur les sommets jurassiens. En parlant des décisions prises à l’issue de la COP 21, le météorologue relati- vise : “Si on prend des mesures aujour- d’hui, on en verra l’incidence seulement dans 50 ou 60 ans. Ce qui se passe actuellement va se poursuivre encore pendant 20 à 30 ans. En étant vrai- ment très drastique pour freiner le réchauffement, on migrera seulement à Lyon et non pas jusqu’à Athènes.” Face au réchauffement, la Franche- Comté n’est pas des plus mal loties.

époque, il reste peu de traces comptables. Des mesures sont parfois prises face aux catastrophes cli- matiques. “Au milieu du XV ème siècle, le duc-comte de Bourgogne interdit par exemple l’exportation des céréales pour que ces sujets aient suffisamment àman- ger. Autre document inté- ressant, les bans de ven- danges bisontins qui sont archivés depuis 1525. L’un des facteurs les plus mar- quants, c’est la pluie. Pen-

Il fait plus chaud surtout parce qu’il fait moins froid.

Histoire du climat en Franche-Comté, du Jurassique à nos jours Éditions du Belvédère - Prix 23 euros

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