La Presse Pontissalienne 195 - Janvier 2016

La Presse Pontissalienne n° 195 - Janvier 2016 7

Statistiques - 41 °C en 1985 Températures : chaud devant ! Au cours du XX ème siècle, la température moyenne a augmenté d’environ 0,7 °C en Franche-Comté, avec une nette accélération depuis la fin des années 1970. Ce constat énoncé par le directeur régional de Météo France Bruno Vermot-Desroches mérite d’être détaillé pour en comprendre l’évolution comme les conséquences.

“P our simplifier, on assis- te à des hivers plus doux et des étés plus chauds” résume le scientifique qui évoque, de l’agriculture au touris- me en passant par la biodiversité, de multiples secteurs qui ont pu consta- ter depuis 30 ans, les effets de l’évolution climatique au niveau régional. Éva- luer l’ampleur du changement clima- tique dans les prochaines décennies est pourtant un exercice difficile auquel s’est prêté Météo France qui a affiné son approche régionale classique à par- tir des modèles de simulation natio- naux comme la température, la plu- viométrie, les jours de gel, les jours de canicule…Résultat, une simulation à l’échelle régionale montre que la Franche-Comté met le cap au Sud ! Des simulations de températures et de précipitations ont été réalisées à trois horizons, 2030, 2050, 2080. “Il s’agit de rechercher quelle ville euro- péenne a actuellement le climat de Besançon à un horizon futur. Les villes correspondantes sont dénommées ana- logues.” L’étude de Météo France met en avant une continuité dans le réchauffement constaté depuis 30 ans. La tempéra- ture moyenne pour la période 1971- 2000 était de 10,5 °C alors qu’elle s’élève de 1990 à 2009 à 11,2 °C. “Les simu-

tin à l’horizon 2050 serait semblable à celui que connaît Arezzo en Toscane” explique Bruno Vermot-Desroches. À l’horizon 2080, le climat actuel de Ioan- nina en Grèce est donné par Météo- France comme le plus probable. Le modèle climatique aura donc subi une double évolution avec d’une part une augmentation de la température annuelle moyenne et d’autre part une modification du régime annuel de plu- viométrie, celle-ci étant notamment en forte diminution en été. Comme l’ensemble du climat de la Franche-Comté, celui du Haut-Doubs met le cap au Sud. Fin décembre, plus que quelques traces de neige dans la région de Pontarlier, et des températures clémentes.

La région souffle le chaud… Avec plusieurs canicules déjà avant cet- te année 2015 où il fait très chaud dans la journée, au moins 30°, mais que sur- tout les températures la nuit ne descen- dent pas en dessous de 20°. En 1911 : 26 jours (max 36,8 °C) En 1947 : 13 jours (max 36,2 °C) En 1976 : 15 jours (max 33,8 °C) En 2003 : 13 jours (max 38,3 °C) En 2006 : 17 jours (max 35,5 °C) Le record à Besançon est de 40,3° a pourtant été enregistré en dehors dʼun épisode caniculaire en juillet 1921.

…et le froid ! Mouthe est considéré comme le village le plus froid de France. On y a en effet relevé la température minimale record, mais non officialisée par Météo-France, pour la France métropolitaine de - 41 °C. En 1985. Le plus bas est officiellement - 36,7 °C le 13 janvier 1968. Une année sur deux, le thermomètre descend en dessous de - 25 °C, alors que le seuil de -30 °C est franchi en moyenne 1 année sur 8. Dʼautres zones présentant les mêmes particularités géo- graphiques connaissent également des températures très basses notamment sur les plateaux du Russey et deMaîche…

Histoire Le chercheur Michel Magny Les lacs jurassiens pour comprendre l’évolution du climat Les travaux menés par Michel Magny sur les niveaux des lacs du Jura reconstituent l’histoire du climat sur 12 000 ans. Depuis un siècle, les températures n’ont jamais autant augmenté…

lations montre à l’horizon 2030 un réchauffement de 1 à 1,5 °C puis de 2 à 2,5 °C d’ici 2050 et enfin une évolution de la tem- pérature moyenne en 2080 de 3,5° à 4 °C !” Voilà pour les chiffres. Concrètement, c’est un peu comme si la région se déplaçait vers le sud de la France, puis de l’Europe… “Selon ces pro- jections, le climat bison-

Un inexorable glissement vers le Sud.

Michel Magny,

C ette fois, c’est certain, le réchauffement climatique est enclenché. Impossible de faire marche arrière.Àmoins d’attendre l’an 3 400 de notre ère annoncé comme le retour possible d’un nouveau petit âge glaciaire pour espérer voir un peu ralentir la haus- se des températures, le processus est lancé. Au cours des 12 000 dernières années, l’amplitude des variations de tem- pératures fut d’environ 1,2 °C et le réchauffement actuel atteint déjà + 0,85 °C en à peine un demi-siècle. “C’est ce que l’on appelle la Grande Accélération. Les choses s’accélèrent depuis 1950 même si le processus a commencé au XIX ème siècle” témoigne Michel Magny, directeur de recherche au C.N.R.S. au laboratoire chrono- environnement de l’Université de Franche-Comté à Besançon. Pour bien comprendre ce qui nous attend, encore fallait-il connaître notre passé climatique. Grâce à des carottages réalisés dans les lacs du Jura français et suisse, le chercheur

chercheur au C.N.R.S. à l’Université de Besançon.

est parvenu à reconstruire une his- toire du climat dans l’Arc jurassien. “On peut remonter à 15 000 ans… Car avant, il y avait de la glace dans les lacs que nous connaissons” dit-il. Les résultats sont clairs. Depuis 1mil- lion d’années, le climat de la Terre suit des cycles de 100 000 ans, alter- nant glaciations et périodes inter- glaciaires, qui, beaucoup plus clé- mentes, durent 10 000 à 20 000 ans. Ces phases correspondent aux varia-

Des années et des faits 1956 fut lʼannée la plus froide avec un hiver où les températures furent basses et un été marqué par la fraî- cheur. 2014 a été lʼannée la plus chaude malgré un été maussade et pluvieux. Mais les trois autres saisons ont été particulièrement douces. 1921 fut lʼannée la plus sèche avec à peine la moitié de la pluviométrie habituelle. 1893 a été marquée par une séche- resse qui sʼest étalée du printemps à lʼautomne, la pire jamais constatée depuis le début des relevés. 1898 et tout juste un siècle plus tard avec 1998 ont connu un mois de jan- vier sans le moindre flocon de neige. 1893 , en avril à Besançon, ce fut lʼunique mois dans lʼhistoire sans la moindre goutte de pluie.

prégnant que celui des facteurs natu- rels du climat. C’est pourquoi Paul Crutzen, Prix Nobel de chimie, a pro- posé de baptiser “Anthropocène” la période que nous vivons depuis 1750, caractérisée par les débuts de la machine à vapeur, l’emballement de la révolution industrielle au XIX ème siècle. Nous entrons dans une nouvelle ère géologique. Quid de nos sapins du Haut-Doubs ? “En 100 ans, nous avons récupéré le climat de Lyon des années 1900. Pour un degré supplémentai- re, on descend de 200 km vers le Sud. Et d’ici 2100, nous pourrions connaître tous les deux ans la même canicule que celle de 2003. Il semble difficile d’échapper au réchauffement de + 2 °C” conclut Michel Magny. En 2080, Besançon cultivera des melons ! Les pistes de ski de Métabief pour- raient rester vertes en plein hiver.

rée voilà 11 700 ans. Les tempéra- tures ont suivi une courbe ascendante jusqu’à atteindre un optimum cli- matique, aux environs de 5 000 ans avant J.-C. Depuis, la courbe de tem- pérature suit un refroidissement pro- gressif, ponctuée d’oscillations prin- cipalement associées aux variations de l’activité solaire” explique le cher- cheur. Mais depuis le début XIXème siècle, un troisième facteur s’est gref- fé : les activités humaines avec sur- tout l’industrialisation. L’homme est entré dans le circuit cli- matique. En moins d’un siècle, les températures ont plus évolué qu’au cours des 7 000 dernières années. “Au fond de certains lacs du Jura, on aperçoit aujourd’hui des “dead zones” (zones mortes). En dehors du climat, nous perturbons les écosystèmes.” L’homme est entré dans le circuit cli- matique, son impact devient plus

tions de l’orbite de la Terre autour du Soleil. À l’intérieur de ces grands cycles, on observe des oscil- lations du climat, dues à des variations de l’activité du soleil, que renforcent les altérations de l’activité volcanique et de la circulation océanique. “Notre cli- mat s’inscrit dans une période interglaciai- re (Holocène), démar-

Quid de nos sapins du Haut-Doubs ?

Made with FlippingBook - Online catalogs