La Presse Pontissalienne 193 - Novembre 2015

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La Presse Pontissalienne n° 193 - Novembre 2015

SAINTE-CROIX 150 ans d’existence Reuge toujours à la

pointe des boîtes à musique Alors que beaucoup lui prédisaient le pire au début des années 2000, cette manufacture a su rebondir en se positionnant délibérément vers le luxe, l’innovation, l’exclusivité et les grands de ce monde. Elle a fêté ses 150 ans.

E n 1865, quand il installe son comptoir de montres de poche musicales à Sainte-Croix, Charles Reuge ne se doute probablement pas que 150 ans plus tard ses petites boîtes serviraient parfois de cadeaux diplomatiques entre les grands de ce monde. Pour n’en citer que quelques- uns, Barack Obama, le pape, Elton John et même le PrinceWilliams pour son mariage ont reçu un présent Made in Sainte-Croix. À l’origine de cette mutation, Kurt Kupper, directeur général de Reuge recruté en 2006 pour ouvrir de nou- velles perspectives et sauver les meubles. “Reuge est une éternelle start- up qui se réinvente sans arrêt. On vit ici au rythme de l’innovation non-stop pour se propulser dans les 150 pro- chaines années” commente M. Kupper. Autre signe d’un avenir plus serein, la manufacture va bientôt quitter ses locaux de la rue des Rasses pour un bâtiment flambant neuf encore en cours de construction à l’entrée de Sainte- Croix. “Pour l’instant, le site est hors d’eau. Cette usine s’étendra sur 2 500m 2 . C’est plus petit qu’ici mais ce sera beau- coup plus fonctionnel. On espère démé- nager à l’été 2016.” Sûr que la manu- facture risque de laisser un petit peu de son âme en quittant les lieux. Un outil de production aujourd’hui sur- dimensionné qui rappelle qu’au plus fort de sa production, 300 ouvriers tra- vaillaient ici. Aujourd’hui, ils ne sont plus que 35. “On est toujours une vraie manufacture et pas un assembleur.Tout est fait maison. On a nos propres machines.” Les murs respirent le savoir-faire d’exception, le soin, le doigté. Ils témoi- gnent aussi du génie créatif et com- mercial de Guido Reuge. Le petit-fils du fondateur a construit cette manu- facture en 1930. Ensuite, il a acquis

Les oiseaux chanteurs de Sainte-Croix sont toujours habillés de véritables plumes.

logue. Pour le reste, il s’agit de pièces sur-mesure” poursuit le directeur. Dans les années soixante, Reuge déci- de de travailler sans repos pour res- susciter les oiseaux chanteurs en repre- nant les manufactures Bontems à Paris et plus tard Eschle en 1977. Cette spé- cialité est toujours d’actualité. Elle se décline dans plusieurs modèles de for- mats différents. “Ces oiseaux sont recou- verts avec des plumes véritables. Pour l’anecdote, l’oiseau chanteur suisse ne laissait pas indifférent les G.I. améri- cains qui l’emportaient dans leurs bagages en rentrant au pays après la Libération.” Le bouche à oreille, Kurt Kupper y croit beaucoup. En prenant les com- mandes de la manufacture, il va adop- ter un positionnement stratégique sur le marché très fermé des très beaux cadeaux qu’on s’échange entre délé- gations présidentielles. Pour ce faire, il cible de préférence l’Asie, le Moyen- Orient, la Russie. “Ces pays ont la cul- ture du cadeau sans arrière-pensée alors qu’en Occident, on pense tout de suite corruption, pots de vin.” Un cadeau en appelle un autre. Plutôt que d’investir l’argent qu’il n’a pas dans des magazines de luxe, le directeur général de la maison Reuge propose des histoires. De belles his- toires. Il joue même les professeurs pour aller enseigner le marketing Reu- ge dans de prestigieuses universités privées suisses fréquentées par une jeunesse fortunée de futurs dirigeants. Un investissement dans l’avenir. Tous les métiers sont spécifiques dans la manufacture Reuge. Certains plus que d’autres quand on voit avec quel- le minutie comment on procède à l’accordage ou à l’assemblage des boîtes à musique. La manufacture profite des savoir-faire d’excellence développés autour de Sainte-Croix. “On maîtrise toute la partie métallique mais on confie à des artisans locaux le soin de réali- ser nos écrins en bois précieux, mar- queterie…” De grandes marques telles que Ferrari, Harry Winston, Vertu, Baccarat collaborent avec l’entreprise de Sainte-Croix. Le résultat laisse à voir des boîtes à musique sensation-

plusieurs entreprises compétitrices. Grâce à sa vision futuriste et artis- tique, il a développé la vocation des faiseurs de musique. Le souci d’innovation a traversé le temps à Sainte-Croix où l’on trouve toujours un bureau d’études d’où sor-

tent des créations parfois très éloignées de l’idée que l’on se fait de la boîte à musique traditionnelle. “On fabrique en moyenne 10 000 pièces par anmême si cette tendance est très variable. La moyenne chu- te quand on sort des pièces d’exception très luxueuses en toute petite série voire à l’unité. On peut consi- dérer que la moitié des pièces figurent au cata-

“On espère déménager

à l’été 2016.”

En forme de vaisseau intergalac- tique, ce modèle baptisé “Music machine” abrite une boî- te à musique. Une vraie prouesse tech- nologique. Tous les métiers sont spécifiques chez Reuge. L’installation d’un mouve- ment musical dans son écrin

Kurt Kupper,

réclame un vrai savoir- faire.

le directeur général en place depuis 2006, a su

critère de sélection.” Il sait aussi l’attachement des habitants de Sain- te-Croix à la maison Reuge. D’ailleurs, toute la population a été invitée à la soirée du 150 ème anniversaire organi- sée le 7 octobre dernier. “Un vieil arbre, admet le directeur, mais sur lequel on a greffé quelques fruits supplémen- taires sans oublier qu’on a des racines.” Tout un poème. F.C.

nelles. “Chez Reuge, on peut encore être entrepreneur. On n’est pas les seuls dans la région.Avec quelques personnes, on arrive à faire des miracles en conce- vant des pièces uniques. Dans notre métier, le monde n’a pas besoin de nous. On sait juste qu’il nous faut être hyper- réactif.” Kurt Kupper n’attache pas vraiment d’importance à l’origine géo- graphique de ces salariés. “Un tiers de l’effectif vit en France mais ce n’est pas

donner un élan

créatif à la manufactu- re.

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