La Presse Pontissalienne 192 - Octobre 2015

LA PAGE DU FRONTALIER

La Presse Pontissalienne n° 192 - Octobre 2015

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Départs de médecins pontissaliens en Suisse : l’électrochoc Un médecin français exerçant en Suisse peut gagner 15 000 euros par mois après impôts. Le seul salaire n’explique pas à lui seul les départs de généralistes pontissaliens. Malaise des docteurs. Coup de sang des patients. SANTÉ L’eldorado suisse aussi pour les généralistes ?

99.8 Grand Besançon

107.4 Haut-Doubs

105.1 Vallée de la Loue

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te mais je ne peux faire autre- ment” témoigne Valérie Bour- geois. Le docteur Dominique Devred, dermatologue, a été sollicité à deux reprises pour s’installer à proximité de Neuchâtel : “Pour l’instant, j’ai répondu “non”mais en 2017 (il aura alors 60 ans), rien ne dit que je n’exercerai pas sous des cieux plus cléments car notre ministère nous propose une gestion de la santé à la grecque” explique ce spécialiste. Président de la Confédération des syndicats français de Franche-Comté (C.S.M.F.), le docteur Stéphane Attal basé à Saône “comprend pourquoi nos confrères partent vers un eldo- rado suisse où on leur promet moins de tracasserie adminis- trative, des horaires humaine- ment tenables et un respect du monde politique mais aussi social de leur statut” explique le méde- cin. Il ne jette pas à la pierre à

E n moins deux ans, quatre médecins pontissaliens sur 16 ont enlevé leur plaque. Deux exercent désormais en Suisse, deux ont fait valoir leur droit à la retrai- te. Le dernier départ remonte à quelques semaines pour un docteur parti à La Chaux-de- Fonds. L’hémorragie n’est pas terminée : un nouveau départ est annoncé en janvier 2016. Avec la hausse de population que connaît le Grand Pontarlier

combiné à cette baisse du nombre de praticiens, pas besoin d’être professeur pour établir le dia- gnostic : les généralistes pon- tissaliens sont surchargés. La preuve : le docteur Christine Raguin impose des critères d’ad- mission. “Je ne prends plus de nouveaux patients sauf si mon cabinet est le plus proche de votre lieu d’habitation et/ou si vous pouvez venir de suite” explique- t-elle. Le malaise dans la profession

est profond. Contactés, la plupart des géné- ralistes préfèrent ne pas s’étendre sur le sujet. Poliment, ils expliquent être trop sur- chargés pour répondre. Ce qui est vrai. Le docteurValérie Bour- geois installée depuis 2007 à Pontarlier a pris du temps sur sa soirée pour expliquer son quo- tidien : “J’aime monmétier mais je me pose des questions ! On ne prend parfois plus le temps de manger. La vie personnelle en prend un coup. Il se pose la ques- tion de la responsabilité médi- cale : on prend moins le temps avec les patients” explique cet- te jeune professionnelle (42 ans). Elle comprend ses collègues par- tis en Suisse qui ont trouvé de meilleures conditions de travail. Mais le choix du départ n’est pas si simple : “Je ne veux pas parler à leur place mais certains vivent leur départ en Suisse com- me un échec. Ils quittent leur patientèle. C’est un arrachement pour eux” ajoute-t-elle. Les médecins pontissaliens res- tant assurent comme ils le peu- vent et subissent parfois les foudres des patients. “On peut comprendre les réactions de per- sonnes malades et donc fragiles, témoigneValérie Bourgeois. Moi, je ne prends plus de nouveaux patients… sauf ceux que j’ai déjà suivis, que je connais. C’est injus-

34 348 médecins en Suisse, dont 10 478 étrangers “E n 2014, 34 348 médecins exerçaient en Suisse, soit 1 106 de plus que lʼannée précédente, une augmentation due à lʼarri- vée dʼétrangers qui représentent un tiers des effectifs (10 478), en majorité des Allemands (5 972). 31 % des médecins exerçant en Suisse avaient un diplôme de médecin étranger en 2014. Les Alle- mands sont 17,4 %, les Italiens 2,4 %, les Français (1,7 %), lesAutri- chiens (1,7 %)” explique la fédération des médecins suisses (F.M.H.). Depuis juillet 2013, seuls sont autorisés à pratiquer à la charge de lʼassurance-maladie (à avoir une plaque) les médecins qui ont tra- vaillé au moins pendant trois ans dans un centre hospitalier recon- nu pour la formation en Suisse. “La F.M.H. demande un critère sup- plémentaire pour lʼadmission à pratiquer en Suisse : les médecins étrangers doivent réussir un examen standard dans une des langues nationales, comme cʼest le cas en Grande-Bretagne ou enAutriche.” La Confédération devrait financer 250 places dʼétudes supplémen- taires en médecine chaque année pendant au moins dix ans.

Pratiquer de la vraie médecine de premier recours l’a convain- cu. Le salaire également : 15 000 euros après impôts pour un chiffre d’affaires fluctuant entre 33 000 et 40 000 euros sans compter les services dans le cabinet qu’il partage au sein d’une maison médicale comme la radiologie, du matériel de bio- logie, un box pédiatrique, une salle de type bloc opératoire et de transfusions. Pas d’amélioration en vue dans la capitale du Haut-Doubs où un autre médecin devrait stop- per son activité pour la retrai- te. Il attend simplement qu’un jeune le remplace…Ceux qui le peuvent vont désormais jusqu’à Levier se faire soigner ! E.Ch.

marre !” Les médecins pontissaliens en “exode” n’ont pas souhaité répondre à nos sollicitations. Seul un nouvel installé (non pon- tissalien) témoigne de la réali- té suisse : “En France, je faisais entre 30 et 50 actes par jour, de 8 h 30 à 21 heures Désormais, je travaille de 8 heures à 12 h 05 puis de 13 h 30 à 18 heures Il y a très peu de visites parce que les Suisses n’y sont pas habitués. Et c’est un tarif à la minute” Mais ce n’est pas tout. Fini la paperasse en rentrant le soir. “En Suisse, les patients ont tous des assurances privées. Résul- tat, j’ai dix à quinze fois moins de contraintes administratives qu’en France. Le peu qu’il me reste à faire est rémunéré.”

ses confrères mais bien à l’État qui a refusé la revalori- sation tarifaire : “Le temps moyen d’un médecin libé- ral est de 54 heures par semaine. Le médecin est un homme, une fem- me, qui lui aussi doit vivre et man- ger. Devoir se battre tous les jours contre autre chose que la maladie de leur patient, ils en ont

“Sollicité à deux reprises.”

Sur les chemins buissonniers de la coopération ÉCHANGES Forum transfrontalier “On a identifié une soixantaine d’associations, cela représente des milliers de gens qui Chaque année, des dizaines d’associations françaises et suisses coopèrent pour mener à bien des projets à vocation culturelle, touristique, patrimoniale. À leur manière, elles contribuent aussi à l’identité transfrontalière de l’Arc jurassien.

L oin de la nébuleuse du tra- vail frontalier dont le poids économique lui vaut une large couverture média- tique, d’autres échanges plus dis- crets s’organisent dans une dyna- Cycle “ À saute frontière, points de rencontres transfrontaliers” : Mercredi 9 mars 2016 à Por- rentruy en fin dʼaprès-midi, début de soirée (aire Jura, Belfort, Montbéliard) Jeudi 14 avril 2016 à Sain- te-Croix de 19 heures à 22 heures (aire Sainte-Croix, Val de Travers, Pontarlier) Jeudi 19 mai 2016 au Che- nit Lac de Joux en soirée (aire vallée de Joux, Chasseron) Jeudi 16 juin 2016 à Villers- le-Lac en soirée. Session fina- le et conclusive

mique franco-suisse. Jacques- AndréTschoumy, le président du Forum transfrontalier en a iden- tifié au moins une soixantaine dont une vingtaine entre le Pays Horloger et le canton de Neu- châtel. “Il ne s’agit pas d’actions d’État, ni d’opérations publiques sur fonds Interregmais de petites coopérations de terrain nées de façon assez spontanée et éma- nant de groupements associatifs très différents.” Pour illustrer son propos, il cite l’exemple du sentier historique des Verrières conçu autour du retrait de l’armée Bourbaki en Suisse à la fin de la guerre de 1870. Cette initiative s’est pro- longée jusqu’au pied du château de Joux par la réalisation d’une grande fresque inaugurée tout récemment. Les circuits didactiques, les sen- tiers thématiques poussent com- me des champignons. Le Che- min des Bornes entre Les Fourgs et La Brévine permet de décou-

vrir le tracé pour le moins tour- menté de la frontière. “Sur le secteur du Haut-Doubs horlo- ger, il existe maintenant plu- sieurs sentiers qui invitent les promeneurs à suivre les traces des autres contrebandiers.” La coopération prend parfois un accent commémoratif avec le monument construit à Saigne- légier en mémoire des familles polonaises venues se réfugier ici pour fuir le nazisme. Tous les thèmes ont droit de cité dans ces projets locaux à saute- frontière.Beaucoupd’actions tour- nent autour de l’histoire, la cul- ture, le patrimoine. “On constate aussi que la plupart sont assez récentes. Pourquoi ? On peut s’in- terroger, en sachant qu’il y a dans cette dynamique une intention touristique.” Le Forum trans- frontalier a choisi de creuser le sujet en 2015-2016. Cela aboutit au cycle“Àsaute-frontière,points de rencontre transfrontaliers” qui s’articule en cinq sessions

coopèrent en mode franco- suisse”, se réjouit Jacques André Tschoumy, le pré- sident du Forum transfrontalier.

d’échanges dont la première se tiendra aux Brenets le 3 octobre. “Notre idée, c’est quoi ? D’abord mettre en lumière ces initiatives en leur proposant de les accueillir sur le site Internet du Forum.Au fil des sessions, on souhaite que les associations impliquées dans ces projets viennent témoigner, expliquer leur fonctionnement, leurs problèmes, leurs attentes, leurs besoins. Comme tout démarche associative, on sait qu’elles ont parfois besoin d’une aide, d’un coup de pouce pour trouver un nouvel élan. On va essayer de mesurer comment ces

pour concrétiser les projets. “Qu’est-ce qui les motive ? On peut penser que face à la mon- dialisation, les gens ont plus envie de se retrouver localement. C’est une explication parmi d’autres.” Preuve que le sujet intéresse et interroge, les cinq collectivités françaises et suisses sollicitées par le Forum ont toutes accep- té d’accueillir les sessions à leurs frais, y compris en prenant en charge le buffet campagnard. Autre tradition de l’identité jurassienne. F.C.

actions contribuent au sentiment plus large d’une identité collecti- ve de l’Arc jurassien franco-suis- se. Sans le savoir, on aurait peut- être là un levier pour permettre de bâtir la coopération frontaliè- re au niveau politique” , poursuit Jacques-André Tschoumy, convaincu que la frontière ras- semble plus qu’elle ne divise. Au fil des rencontres avec ces habitants qui ont choisi de coopé- rer de leur propre chef, le pré- sident du Forum transfronta- lier ne cache pas sa surprise en découvrant l’ampleur du mou- vement et l’ingéniosité déployée

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