La Presse Pontissalienne 192 - Octobre 2015

MOUTHE - RÉGION DES LACS 28

La Presse Pontissalienne n° 192 - Octobre 2015

LABERGEMENT-SAINTE-MARIE

Architecte

Du neuf dans l’ancien sans

dénaturer le style comtois

Jean-Marie Thionnet dirige une entreprise de construction spécialisée dans la restauration de chalets d’alpage et de fermes comtoises. Un créneau porteur.

B eaucoup n’auraient pas donné cher sur l’avenir de cette vieille ferme inoccupée au centre de Saint-Antoine. La solution la plus commode consistait à raser purement et simplement la bâtis- se pour construire des logements neufs certes confortables mais

probablement fort éloignés de l’original. Jean-Marie Thionnet en a décidé autrement. Après avoir acquis le bien et le terrain qui allait avec, il conçoit un projet immobilier dans l’idée d’une rénovation à l’identique. “J’ai essayé de conserver tout ce que j’ai pu pour y aménager cinq appartements de 75à110m 2 avec la volonté que chacun dispose d’une certaine aisance sur l’extérieur : terrasse, balcon voire unterrainprivatifpourtroisd’entre eux” ,confie le constructeur.Seuls les travaux de maçonnerie, ter- rassement, chape, carrelages et peinture sont confiés à des entre- prises extérieures. Pour le reste, c’est la S.A.R.L. Thionnet Jean- Marie qui s’y colle. Chevrons équarris en toiture, enduit à la chaux, bardage d’épicéa brut à couvre-joints : tout est fait dans les règles de l’architecture rurale comtoise. Le résultat fait plaisir à voir. Encore une sauvée se diront les défenseurs du patrimoine bâti. Cerise sur le gâteau, le construc- teur qui s’occupe aussi de la commercialisation a trouvé sans difficulté six candidats pour les cinq logements. Financièrement, il s’y retrouve, parlant “d’une opération intéressante.” Jean-Marie Thionnet présente un profil assez atypique dans le monde des constructeurs. De formation comptable, il a aussi d’Or) comme moniteur de ski, remettait ça le midi et parfois le soir. Un “fou” de travail symbo- lisé par le cadeau de ses amis. Pour sa première victoire à l’U.T.M.B., ils lui ont offert une cloche de vache avec cette ins- cription :“Entraînement diffici- le, course facile.” “La nuit der- nière, je ne dormais pas… À 2 heures dumatin, jeme suis levé et je suis allé courir” explique le traileur presque naturellement. Accrochée dans son apparte- ment, la cloche décrit à mer- veille cet homme qui n’a pas attrapé la grosse tête. Il reven- dique son attachement au mas- sif du Jura : “Ici, on ne fait pas de bruit mais on a des résultats” dit Xavier d’un ton amusé. Il utilise très peu le pronom “je”. C’est dans sa nature : être dis- cret. Il s’est d’ailleurs “coupé” du monde en début 2015 pour préparer l’U.T.M.B. 2015. “J’ai changé de numéro de téléphone, fermé mon compte facebook… pour être tranquille et ne pas voir ce que faisaient les autres. Certains ont même cru que je ne prendrais pas le départ…” En franchissant la ligne d’arrivée en vainqueur au pied du Mont-

exercé dans le social à Besan- çon où il s’occupait de tra- vailleurs étrangers. Il change d’orientation en 1987 et part en Suisse travailler dans le bâti- ment. Quatre ans plus tard, il se met à son compte en sani- taire-chauffage, puis couvertu- re-zinguerie avant d’élargir son champ d’action en charpente- menuiserie. Très attaché au patrimoine, il se désole de voir les incohérences architecturales auxquelles se livrent certains promoteurs peu sensibles à la préservation du style comtois. Idem dans les lotissements où l’hétérogénéité est souvent de mise. “On mélange tous les genres” dit-il. Jean-Marie Thionnet a déjà mis

en œuvre ses idées sur de nombreux projets. On lui doit par exemple la res- tauration de plu- sieurs églises com- me à Chaux-Neuve, LesVilledieu, Saint- Antoine. Citons aus- si l’église deMouthe recouverte en 2013 d’un bardage en tôle galvanisée. Le constructeur de Labergement a posé sa signature dans la rénovation de plu- sieurs chalets d’alpage séculaires

L’entreprise Thionnet a rénové cette ancienne ferme com- toise avec le souci de respecter l’architecture traditionnelle.

“On mélange tous les genres.”

situés sur le Mont d’Or et le Risoux. Le bouche à oreille aidant, on fait régulièrement appel à ses services pour res- taurer des fermes comtoises. La Grange du Lac, superbe ferme qui s’inscrit dans le périmètre très protégé de la réserve natu- relle du lac de Remoray a retrou- vé ainsi une toiture neuve en tôle galvanisée à couvre-joints agrafés. “On peut développer des projets viables en restant fidèles au style. C’est navrant de voir les projets immobiliers qui débor-

dent des villages alors qu’il fau- drait, à mon sens, rénover le bâti existant.” L’entreprise Thionnet emploie neuf personnes. Elle réalise un chiffre d’affaires d’1,5 million d’euros. “On n’a jamais vrai- ment connu la crise même si c’est plus calme aujourd’hui.” Pas de souci non plus pour fidéliser le personnel. “On a parfois des dif- ficultés quand il s’agit de trou- ver des couvreurs-zingueurs qui se font de plus en plus rares.” F.C.

Jean-Marie Thionnet a recouvert la Grange du Lac d’une toiture en tôle galvanisée à couvre-joints agrafée.

Xavier Thévenard, le stakhanoviste du trail devenu star JOUGNE Le sportif hors normes

Le double vainqueur de l’Ultra-trail du Mont-Blanc a prouvé au monde que l’on pouvait vivre et s’entraîner sur les pentes du Haut-Doubs et battre les meilleurs tout en gardant une formidable humilité. Le voilà professionnel.

T rois paires de basket maculées de boue sèchent sur le pas de la porte. Deux tee-shirts accro- chés à la rambarde du balcon reçoivent eux aussi des derniers rayons de soleil d’automne à Jougne. Pas de doute, c’est bien là que réside Xavier Thévenard, vainqueur en août dernier de l’Ultra-trail du Mont-Blanc au terme de 170 kilomètres de cour- se. Un authentique exploit. Car à 27 ans, c’est sa deuxième vic- toire après celle acquise en 2013 au nez et à la barbe des favoris.

Le voilà érigé en icône du trail. En modèle également. “C’est un fou de l’entraînement capable de répéter de gros efforts” résu- me une de ses connaissances. Quand ses voisins dorment enco- re, Xavier se lève à 5 heures du matin, il enfile sa frontale, part courir jusqu’à 3 heures d’affilée, parfois 6 heures entre le Suchet, les aiguilles de Baulmes, leMont d’Or, le Chasseron ! Il y a enco- re quelquesmois, il décollait sans déjeuner, revenait à 7 heures, se changeait, se rendait au travail à Sport Nature (Espace Mont

Le Jougnard Xavier Thévenard, vainqueur de l’U.T.M.B., prépare ses succès sur les pentes du

Suchet, des aiguilles de Baulmes…

Zoom Xavier Thévenard Natif des Plan-dʼHotonnes - Ain 27 ans - 1,70 m pour 62 kg, habite Jougne depuis 10 ans Ancien skieur de fond et biathlète formé à Pontarlier (sport-études) En 2010, il débute des compétitions dʼultra-trail. Il est le premier coureur à réaliser le Grand Chelem historique en remportant les 3 courses de plus de 100 km, la C.C.C. en 2010, lʼU.T.M.B. en 2013 et la T.D.S. en 2014. À chaque fois lors de sa première participation. En 2015, il remporte pour la 2ème fois lʼU.T.M.B. Il travaille à Sport-Nature-Espace Mont-dʼOr. Depuis sa victoire à lʼU.T.M.B., il est professionnel, rémunéré par Asics, son équipementier.

Blanc, il a encore revêtu le dra- peau “Made in Jura” pour le révéler aumonde entier. “À Cha- monix, la capitale du trail, j’ai pu dire : “Yes, le Jura est là.” Lorsque je dis le Jura, c’est le

Bohard (vainqueur du Tor des Géants - 330 km), il offre un magnifique coup de pub à “sa” montagne. Devenu professionnel après que l’équipementier Asics lui offre un contrat, Xavier reste les pieds sur terre. Il continuera à don- ner des cours de ski de fond cet hiver. Et ne change pas samétho- de d’entraînement. “Asics est venu me trouver…” dit-il com- me s’il n’avait pas de compte à rendre. Ce contrat lui permet aujourd’hui de se dégager du temps d’entraînement. Il ne doit pas compter sur les primes de

victoires : il a gagné 500 euros… en bon d’achat à l’U.T.M.B. ! Quant à la question du dopage, il a été contrôlé à cinq reprises cette année. Le Jougnard préparera la fin de saison pour disputer le Trail des Templiers (72 km) avec l’équipe de France le 25 octobre. L’an prochain, il ne remettra pas son titre en jeu à Chamonix. Il cour- ra la Hard-rock aux États-Unis puis le trail du Mont-Fuji au Japon. Le massif du Jura risque encore de briller avec Xavier Thévenard. E.Ch.

massif…Cela com- prend le Haut- Doubs, ajoute-t-il. Souvent onme char- rie parce que je m’entraîne ici et pas dans les Alpes. Je prouve que l’on trou- ve du beau dénive- lé ici.” Avec son col- lègue Patrick

“Entraîne- ment difficile,

course facile.”