La Presse Pontissalienne 191 - Septembre 2015

ÉCONOMIE 46

La Presse Pontissalienne n° 191 - Septembre 2015

CONJONCTURE Les difficultés persistent dans le B.T.P. Les entreprises ne voient pas le bout du tunnel Les entreprises du B.T.P. espèrent toujours une reprise économique qui ne vient pas. Dans le bâtiment comme dans les travaux publics, le constat est le même : l’activité continue de décrocher.

RÉACTION Patrick Genre “Les collectivités sont conscientes du risque que courent les entreprises ” Le président de l’Association des maires du Doubs explique que c’est l’État qui oblige les collectivités locales à revoir à la baisse leur budget investissement. La Presse Bisontine : Les organisations professionnelles du B.T.P. appellent une fois de plus les collectivités locales à relancer l’investissement. Que répondez-vous ? Patrick Genre : Je comprends leur cri d’alarme. Je le partage et je le relaie même. Mais les collectivités font ce qu’elles peuvent avec les moyens qu’elles ont ! Lorsqu’une ville comme Pontarlier dont je suis maire perd l’équivalent de 8 points d’impôts en dotations d’État, soit 900 000 euros, nous n’avons pas le choix que de faire des économies pour compenser ce manque à gagner. Nous sommes dans une situation à Pontarlier où nous avons pu maintenir malgré tout le même niveau d’investissement en 2015 qu’en 2014, mais au prix d’économies drastiques sur le fonctionnement. Toutes les communes ne peuvent pas le faire. L.P.B. : Les collectivités diminuent donc leur budget investissement pour compenser la bais- se des dotations d’État ? P.G. : En 2014, en France, l’investissement des collectivités a reculé de 12 %. Si la tendance se confirme, la baisse sera de 25 % en 2017. C’est une catas- trophe ! Les collectivités locales sont conscientes de cet état de fait, mais l’État les met au pied du mur. Car c’est bien la baisse des dotations qui est à l’origine de tout cela. Ce n’est pas un choix des collectivités de diminuer l’investissement. Les élus le font en dernier recours et pas de gaieté de cœur car ils ont conscience du risque que cette décision fait courir aux entreprises du B.T.P. 75 % de la commande publique sont portés par les com- munes et des communautés de communes. Leurs investissements pèsent en moyenne pour 40 % dans le chiffre d’affaires des entre- prises du secteur. Or, nous avons besoin de l’économie sur nos territoires, car moins d’économie, c’est aussi moins de rentrées fiscales, moins d’emplois. C’est un cercle vicieux. L’équation que nous avons à résoudre est complexe. Les collectivités sont prêtes à participer à l’effort national, mais pas dans les proportions ni au rythme proposé par l’État car le remède se révélera pire que la maladie. Espérons que les propositions faites par l’Association des Maires de France au gouvernement qui visent à donner un peu d’oxygène aux collectivités seront entendues. Propos recueillis par T.C. “Le remède pire que la maladie.”

Alain Boissière, président de la Fédération Régionale du Bâtiment (photo archive L.P.P.).

C ela fait depuis 2008 et le début de la crise que le sec- teur du bâtiment et des tra- vaux publics se rassure en se disant que les choses iront mieux demain.Mais à ce jour, la reprise franche et durable qu’espèrent toujours les entreprises, n’est pas venue. Il y a bien eu quelques soubresauts, des signes positifs comme le plan d’aide engagé par la Région il y a un an (35 millions d’euros pour soutenir le B.T.P., censés générer 200 millions d’euros d’investissement de la part des col- lectivités), mais rien qui permette de rassurer les acteurs du B.T.P. sur l’avenir. “Depuis le début de l’année, le nombre d’entreprises qui ont déposé le bilan a encore augmenté par rapport à 2014. Beaucoup sont du secteur du bâtiment. C’est significatif d’une crise profonde. Je rappelle que depuis 2008, ce sont 3 000 emplois qui ont été détruits dans nos métiers en Franche-Comté” s’inquiète Alain Boissière, président de la Fédération Régionale du Bâti- ment. Il redoute que l'hécatombe se pour- suive dans un contexte où les sociétés ont un carnet de commande qui va rarement au-delà d’unmois. Pour décro- cher des marchés, certaines d’entre elles “tirent sur la corde et cassent les prix. Elles prennent des chantiers en dessous du prix de revient. Cela ne peut

La F.R.T.P. lance un nouvel appel aux élus locaux pour qu’ils ne compensent pas la baisse des dotations d’État par une diminution de l’investissement. La Fédération prend régulièrement son bâton de pèlerin et va à la ren- contre des exécutifs pour qu’ils inves- tissent. Mais il y a des freins qui enta- ment la confiance des collectivités, comme la réforme territoriale récem- ment adoptée. La F.R.T.P. plaide aussi pour que le contrat de plan État-Région adopté au début de l’été soit mis en application. “Nous comptons sur des projets struc- turants remarque Sébastien Perrin, comme des aménagements ferroviaires ou routiers.” On se souvient que la construction de la ligne grande vites- se en Franche-Comté avait donné du travail à beaucoup d’entreprises de T.P., y compris aux plus petites. T.C.

la conjoncture avec ses homologues. Signe de ces temps difficiles : des entre- prises qui ont pignon sur rue depuis de longues années vacillent et licen- cient pour retrouver un peu d’oxygène. “Dans mon entreprise par exemple, nous sommes passés de 25 à 15 sala- riés. On a eu recours au chômage par- tiel pendant les mois de janvier, février et mars. J’avais trois jeunes en appren- tissage que je n’ai pas pu embaucher. Nous sommes dans un contexte où on se prive en plus de compétences” ajou- te le responsable qui espère que l’avenir ne sera pas celui-là “d’autant qu’il y a des besoins. Mais les gens n’ont pas confiance.” Il faut dire que la morosité ambiante n’encourage pas les particuliers à inves- tir, alors que c’est avec cette clientèle- là que les entreprises du bâtiment réa- lisent en moyenne plus de 50 % de leur chiffre d’affaires (le reste provient des collectivités). Le constat n’est pas plus réjouissant du côté de la Fédération Régionale des Travaux Publics. “Si on fait le compte de ce qui se passe depuis le début de l’année, l’activité a baissé de 8 à 10 %. Une perte qui ne sera pas compensée d’ici la fin 2015. Pour l’instant, rien n’indique que l’on va redresser la bar- re. Au mieux on parvient à stabiliser la baisse” observe Sébastien Perrin, secrétaire général de la F.R.T.P. Il pré- cise que 400 emplois ont été détruits depuis un an. Les entreprises du sec- teur réduisent la voilure et cherchent des sources d’économies en se sépa- rant de collaborateurs. Elles attendent toujours la reprise et comptent plus que jamais sur une relance de la com- mande publique sachant qu’elles tra- vaillent principalement avec les col- lectivités. Les 35 millions d’euros débloqués par la Région pour encou- rager les collectivités à investir et sou- tenir ainsi le B.T.P. ont eu des réper- cussions “plus ou moins fortes en fonction des départements. Par exemple, l’effet a été positif en Haute-Saône.”

pas durer. On ne voit pas le bout du tunnel. Nous pensions que la reprise interviendrait mi-2015. Elle n’a pas eu lieu. Main- tenant, on parle de mi- 2016. Les gens n’ont pas conscience de la crise qui frappe actuellement notre secteur. Ce constat vaut pour tous les départements français à l’exception de quelques grandes agglo- mérations” estime Alain Boissière qui fait réguliè- rement le point à Paris sur

Un manque de confiance.

Les entreprises de travaux publics attendent que les collectivités relancent l’investissement.

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