La Presse Pontissalienne 191 - Septembre 2015

24 LEDOSSIER I

La Presse Pontissalienne n° 191 - Septembre 2015

Réaction

Élisabeth Eychenne “Quasiment tous les Francs-Comtois ont un travailleur frontalier dans leur famille” La directrice générale du Crédit Agricole

L.P.P. : C’est un public sur lequel une banque comme le Crédit Agricole a encore une mar- ge de progression ? E.C. : Bien sûr. Le Crédit Agricole est déjà la banque d’un frontalier sur deux. Nous avons entre 16 000 et 18 000 comptes pour 27 000 à 30 000 fronta- liers francs-comtois. Le nombre de fron- taliers qui ont aussi un compte au Cré- dit Agricole Financements Suisse est en constante augmentation, il y en a près de 3 000. Ceci dit, il y a des zones comme le secteur de Porrentruy et Del- le par exemple où nous ne sommes pas encore assez présents, d’où des projets comme la banque mobile (voir l’article en page suivante). Toute la difficulté est de capter ce public. Beaucoup de gens viennent de l’extérieur et ne sont pas nos clients à la base. Et arrivés en bande frontalière ils n’ont personne pour les orienter car en dehors de la région ce phénomène frontalier n’est pas connu. C’est la seule zone devises de toute l’Europe. De Paris, on n’est pas visible alors que pourtant en volu- me d’opérations traitées, nous avons ici une table des changes qui est la cin- quième de France. C’est énorme com- me position. Sur nos 130 agences en Franche-Comté, quasiment la moitié est concernée par le public frontalier. Une commune comme Valdahon est désormais pour nous au cœur de la zone frontalière. Des opérations fron- talières se font même jusqu’à Besan- çon. Le phénomène frontalier couvre six de nos quatorze directions com- merciales. Aujourd’hui, quasiment tous les Francs-Comtois ont un travailleur frontalier dans leur famille.

Franche-Comté, une des quatre caisses composant le Crédit Agricole Financements Suisse, évoque la spécificité du public frontalier franc-comtois.

L a Presse Pontissalienne : Les résultats de ce premier observatoire des fronta- liers vous ont-ils surpris ? Élisabeth Eychenne : Oui dans la diversi- té des profils, des revenus et des diplômes selon où on se situe dans l’Arc jurassien. Si bien qu’il faut que les par- tenaires comme les banques s’adap- tent sans cesse à tous ces particula- rismes. En Franche-Comté peut-être plus qu’ailleurs on est sensible à la parité franc suisse-euro et c’est la valeur du franc suisse qui détermine l’acti- vité et les investissements. C’est beau- coup plus sensible ici qu’à Genève par exemple qui est plus concernée par les mouvements internationaux des mon- naies. Ici nous sommes à quasiment 50 % des frontaliers sur le secteur de l’horlogerie et du luxe, ce qui rend par- ticulièrement sensible l’économie de régions comme Pontarlier ouMorteau. Ce secteur commence à traverser quelques difficultés, passagères on l’es- père, ça impacte directement la ban- de frontalière française. À l’inverse,

avec le mouvement de réindustriali- sation que l’on observe depuis quelque temps, on peut penser que les besoins en termes de main-d’œuvre spéciali- sée d’un canton comme Neuchâtel conti- nueront à augmenter. L.P.P. : Comment doit s’adapter la banque à cette spécificité frontalière ? E.C. : Quand la Banque Nationale Suis- se a fait son annonce le 15 janvier du déplafonnement du franc suisse, dès midi il nous a fallu prendre les pre-

mières mesures parce les frontaliers venaient déjà avec leurs questions. En une semaine nous avons réalisé 6 000 ventes à ter- me pour couvrir les salaires de nos clients. Le frontalier est un public très réactif mais para- doxalement pas toujours au courant de ce qu’il doit faire. D’où la nécessité de leur proposer des services toujours plus proches de leur quotidien. L’étude montre que beaucoup d’entre eux sortent enco- re leur argent de leur banque suisse pour le déposer dans leur banque française alors que nous sommes à même de gérer ça pour eux.

“De Paris, on n’est pas visible.”

Élisabeth Eychenne, directrice générale du Crédit Agricole de Franche-Comté.

Propos recueillis par J.-F.H.

Zoom Les spécificités franc-comtoises L’enquête a mis en lumière des différences notables entre les frontaliers savoyards, genevois bâlois ou francs-comtois. Ici, le frontalier est en moyenne plus jeune et moins formé. Un sur deux travaille dans l’horlogerie. 16 % des frontaliers francs-comtois ont moins de 30 ans. Ils sont seule- ment 7 % de cette tranche dʼâge dans le secteur de Genève par exemple. En Franche-Comté, 69 % des frontaliers sont dans la catégorie des ouvriers, contre 43 % seulement dans le Pays de Gex par exemple. Dans notre région, 98 % des frontaliers utilisent le français comme langue parlée au travail et 16 % seulement lʼanglais alors que du côté de Genève, 53 % des frontaliers manient lʼanglais au travail. Les disparités les plus fortes se retrouvent dans le secteur dʼactivité. 48,1 % des frontaliers comtois travaillent dans le secteur de lʼhorlogerie. Ils sont seulement

9 % dans ce cas à Genève, 2,5 % dans le Pays de Gex et 2 % en Alsace. Autre spécificité comtoise : 88,5 % des frontaliers travaillent dans une entreprise privée, 10,5 % seulement dans le secteur public contre 26,5 % des frontaliers des Savoie. À noter que sur tout lʼArc jurassien, 75 % des frontaliers tra- vaillent dans des structures de plus de 50 salariés. Le niveau de revenus est également moins élevé en Franche- Comté que dans les autres zones frontalières. Ainsi 31 % des frontaliers comtois déclarent gagner entre 35 000 et 50 000 francs suisses par an et 38 % entre 50 000 et 80 000. 3 % seu- lement disent gagner entre 100 000 et 150 000 francs suisses. Ils sont 16 % dans ce cas dans les Savoie. Dernière particu- larité : le frontalier comtois est peut-être moins prévoyant que ses homologues des autres régions : ils sont 72,6 % à ne pas avoir de troisième pilier.

31 % déclarent gagner entre 35 000 et 50 000 francs suisses.

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