La Presse Pontissalienne 179 - Septembre 2014

DOSSIER

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La Presse Pontissalienne n° 179 - Septembre 2014

Portrait Le corps jamais retrouvé Louis Pergaud : de la Guerre des boutons à celle des tranchées

Natif de Belmont, Louis Pergaud, profondément attaché aux idées républicaines, exerce le métier d’instituteur avant de devenir un écrivain à succès, récompensé par le Prix Goncourt. Une célébrité qui ne l’empêchera pas d’être appelé lui aussi pour défendre la Nation.

passent et bien entendu, Louis Per- gaud continue à écrire. Des lettres à son épouse et ses proches où il rassure et minimise la réalité dans un opti- misme de façade. Et dans ses carnets où surgit une autre réalité, sans men- songe ou autocensure. Il écrit : “Si j’ai le bonheur de revenir, ce sera je crois plus antimilitariste encore qu’avant mon départ.” Mais jamais Pergaud ne reviendra, ni vivant ni mort. Le 8 avril 1914, vers 2 heures dumatin, il conduit ses hommes à l’assaut à Marchéville, dans la Meuse. “On sait qu’il a reçu une balle au pied entre les deuxième et troisième réseaux de bar- belés”, révèle Bernard Piccoli, prési- dent de l’Association des amis de Per- gaud. “Son sous-lieutenant lui propose de le ramener,mais Pergaud lui ordonne de terminer l’attaque. Celle-ci est un échec, au petit matin, Pergaud est lais- sé sur le champ de bataille.”Une clause de guerre stipule que les blessés français se trouvant plus près des tranchées allemandes que de leur propre camp sont ramassés par l’ennemi. D’après le témoignage de l’un d’eux, les Alle- mands s’occupent d’abord de leurs hommes et laissent les Français sur le rebord de leurs tranchées. Vers 14 heures, ce même jour, un tir nour- ri d’artillerie venu de nos lignes réduit en bouillie les blessés. Pergaud, mort pour la France, aura probablement été achevé involontairement par les siens. Sa dépouille ou plutôt ses restes ne seront jamais identifiés. La terre de sa Franche-Comté natale ne sera donc jamais sa dernière demeure. Il avait 33 ans.

E n 1910,“De Goupil à Margot” lui vaut le Prix Goncourt. Il a 28 ans et reçoit la recon- naissance tant espérée. Dans la foulée, un roman célèbre va venir confirmer ce succès “La Guerre des boutons”. Une confrontation enfantine

entre gamins de deux villages à la cam- pagne. La guerre, la vraie, Louis va la connaître en étant mobilisé dès août 1914, lui le pacifiste, l’antimilitariste qui écrit alors ironique- ment être envoyé “en villégiature pas- sagère” du côté de Verdun.

Le temps n’est pas aux combats idéologiques, alors en bon citoyen, il s’applique à lui-même le sacro-saint principe de l’union sacrée et exprime sa “foi et ce vieil amour de la terre de France… Il faut faire son devoir tout simplement et on le fera.” Les semaines

L’auteur de la Guerre des boutons est mort à l’âge de 33 ans.

Avant d’être un écrivain reconnu, Louis Pergaud était avant tout instituteur. Une profession qui va payer un lourd tribut lors de cette Grande Guerre. Car très vite, ces enseignants vont être mobilisés et amenés à occuper des fonc- tions de formation et d’encadrement des troupes. Parmi eux, le premier mort pour la France du conflit, tombé sous les balles allemandes à Joncherey dans le Territoire-de-Belfort, le 2 août 1914., veille de la déclaration. Ce caporal, Jules Peugeot, issu d’un milieu mod- este, fut instituteur au “Pissoux” sur la commune de Villers-le-Lac. D.A.

Pergaud en veste blanche au milieu de ses hommes, la veille de sa mort.

“Le Miroir”, hebdomadaire reflet du conflit Journal Des clichés volés Fondé en 1910, le journal Le Miroir est devenu durant la guerre un rendez-vous photographique très prisé pendant le conflit, voyant ses ventes quadrupler avec plus d’1 million d’exemplaires chaque semaine.

L’ hebdomadaire est ven- du 25 centimes et sera très populaire pendant le conflit comme son concur- rent “L’Illustration”. Beaucoup de collectionneurs aujourd’hui, comme le Pontissalien Roger Chabod, replongent dans l’histoire via ces photos de presse. Le Miroir publie en effet essentiellement des pho- tos accompagnées de légendes. La ligne éditoriale est simple : il faut tourner l’ennemi en dérision. La mention “Le Miroir paie à n’importe quel prix les docu- ments photographiques rela- tifs à la guerre, présentant un intérêt particulier” ne fait son apparition qu’en octobre 1914. Cette trouvaille fera le succès du journal qui publiera à pro- fusion des photos provenant des cantonnements de repos ou de réserve et des clichés volés du front, autant de témoi- gnages de la vie des combat- tants. Plus tard, avec l’enlisement du conflit et la férocité des combats livrés dans les tran- chées, le Miroir ne manquera jamais de photos sensation- nelles et terrifiantes. Si l’horreur est devenue le quo- tidien du soldat, qui pour sur- vivre doit relativiser ce qu’il voit, la photo parvient encore à émouvoir le lecteur de l’arrière.Tout cela avec la rela- tive bienveillance de la cen- sure qui veillait évidemment au grain.

Déjà à l’époque, le poids des mots mais surtout le choc des photos !

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