La Presse Pontissalienne 179 - Septembre 2014
DOSSIER 22
La Presse Pontissalienne n° 179 - Septembre 2014
Anecdote Des baraquements à Mouthe Des bûcherons québécois à la rescousse La guerre que tous espéraient courte va se prolonger et poser entre autres problèmes celui du fonctionnement de l’économie. On va se débrouiller dans les fermes tant bien que mal. Mais pour la sylviculture, l’équation était plus difficile à résoudre.
Le village bien (re)nommé des Alliés Les Alliés Un an de discussions Il y a des noms difficiles à porter. S’appeler
Reconnaissables à leurs uniformes, les Québécois ont aussi apporté leurs méthodes d’exploitation.
“Ce nom est de nature peu sympa- thique. La population n’est pas fiè- re et même honteuse d’habiter une localité au nom détesté.” Un réfé- rendum local confirmera cette volon- té transmise au président de la République par une délibération en date du 6 décembre 1914. Il fau- dra toutefois attendre un décret du 20 octobre 1915 qui finit par leur donner raison et attribuer au vil- lage un nom plus valorisant : “Les Alliés”. En 1940, à l’heure de l’Occupation, les Allemands, apprenant le passé du village, vont à nouveau débap- tiser la commune pour lui redon- ner son appellation originelle. Il faudra alors attendre la Libération pour un retour à la normale.
“Les Allemands” alors que ceux-ci viennent de déclarer la guerre au pays n’était plus possible… Le conseil muni- cipal en a donc appelé au président de la République.
L a production de bois était indis- pensable à l’Armée et il fallait soutenir l’effort de guerre alors que le Haut-Doubs, dépouillé de ses forces vives se trouvait donc sans ouvriers dans les forêts. Les auto- rités vont faire appel aux solides et expérimentés bûcherons canadiens, québécois plus précisément, recon- naissables notamment à leurs cha- peaux atypiques. Ces bénévoles vont arriver par bataillons entiers pour apporter leur soutien à la France en guerre. Des baraquements vont être construits pour les accueillir dans les meilleures conditions, par exemple à Mouthe, et
on n’hésitait pas à leur offrir diffé- rents éléments de confort comme des terrains de sport ou un cinéma pour les motiver. Un véritable contraste avec ce que vivaient ceux qu’ils rem- plaçaient. Mais ces mesures incita- tives étaient indispensables pour les convaincre de venir, et de rester. Si les méthodes de travail importées des vastes forêts du continent améri- cain ont rapidement posé questions, le doute va s’estomper surtout quand à plus long terme les montagnards comtois vont comprendre tout l’intérêt de ces techniques venues d’outreAtlan- tique pour régénérer les forêts et donc accroître la production.
L a naissance du village est due à l’initiative du seigneur de Joux qui, au XIV ème siècle, fait appel à des colons étran- gers, des Allemands, venus proba- blement de Suisse alémanique et qui les a installés sur une terre de l’abbaye de Montbenoît. “Les Alle- mands”, c’est alors le nom que prend le village, est une des douze loca- lités faisant partie du Saugeais. L’histoire du bourg est certes mou- vementée au fil des siècles, mais sa
dénomination perdure. Sauf qu’après la déclaration de guerre de l’Allemagne en 1914, les habitants manifestent le désir de changer le
nom de leur village. Une décision prise selon les élus de l’époque “à l’unanimité par la population et le conseil municipal” avec des arguments compréhensibles :
À nouveau en 1940.
Hommage Né à Battant Lucien Bersot, fusillé pour… un pantalon
Un livre et un film A u début de la guerre, lʼarmée française ressemble selon les historiens à une troupe dʼarlequins. Lʼuniforme bleu horizon, fabriqué à grande échelle, nʼest toujours pas distribué aux soldats. Ils sont donc vêtus de vête- ments personnels, de pantalons de toile blancs perçus lors de lʼincorporation et pour dʼautre du célèbre “panta- lon rouge”. Un vêtement, qui, du fait de lʼhistoire de Lucien Bersot va entrer dans lʼhistoire. Un livre raconte cette incroyable histoire en 1982 avant que le cinéaste Yves Boisset ne le porte à lʼécran en 1997 sortant cet épiso- de de lʼoubli et offrant ainsi au soldat bisontin une nou- velle réhabilitation, médiatique celle-là.
ans de travaux forcés. Le cas Ber- sot est exemplaire. On parle de fusillés pour l’exemple, les auto- ritésmilitaires pensant ainsi mettre un terme à une indiscipline nais- sante chez les hommes de troupe. Le cas semblait une évidence : la peine infligée à Lucien Bersot ne correspond pas au Code de justi- cemilitaire, car le délit a été consta- té à l’arrière et non au contact de l’ennemi. Une nuance qui va au fil des années faire basculer la justi- ce au prix d’une longue luttemenée par la veuve du soldat qui a dû se battre pour l’honneur d’un mari qui n’était pas comme tant d’autres, mort au champ d’honneur ! Le corps ne lui a été restitué qu’en avril 1924, deux ans après l’arrêt de la cour de cassation réha- bilitant le soldat Bersot en ces termes : “Attendu que tous les témoi- gnages, recueillis au cours de l’enquête, sont unanimes pour éta- blir que Bersot était un brave sol- dat, courageux, aimé et estimé de ses camarades…que le fait retenu à la charge de Bersot n’a point pré- senté les caractères constitutifs de ladite infraction… que, par suite, c’est à tort qu’il a été déclaré cou- pable. Par ces motifs, réforme, dans l’intérêt du condamné, le jugement du conseil de guerre spécial du 60 ème régiment d’infanterie.” Lucien Ber- sot est réhabilité. Il n’aurait jamais dû être fusillé.
Maréchal-ferrant à Besançon, Lucien Bersot est incorporé au 60 ème R.I., régiment durement éprouvé lors des combats dans l’Aisne. En plein hiver, il demande au fourrier un nouveau pantalon pour remplacer le sien hors d’usage qui ne protège pas du froid. Le début d’un incroyable drame.
O n propose alors au sol- dat Bersot un panta- lon déchiré et souillé de sang prélevé sur un soldat mort. Il le refuse et écope dans un premier temps de huit jours de prison, puis le colonel déci- de de le faire traduire en conseil de guerre pour refus d’obéissance
en présence de l’ennemi ! Des camarades ten- tent alors de convaincre de changer le motif de la punition mais le 11 février 1915, le conseil condamne à mort le Bisontin Lucien Bersot qui est exé- cuté. Un des com- pagnons du condamné, Élie Cottet-Dumoulin, qui est intervenu auprès du lieute- nant-colonel pour tenter d’adoucir la sentence, est condamné lui à dix
Honneur bafoué puis retrouvé.
Lucien Bersot, fusillé pour avoir refusé de porter le pantalon d’un mort.
Un film a été tiré de cette sombre histoire.
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