La Presse Pontissalienne 171 - Janvier 2014

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La Presse Pontissalienne n° 171 - Janvier 2014

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Christian JOUILLEROT www.christian.jouillerot.swisslife.fr

UNIVERSITÉ

Sociologie La miraculeuse recherche de Laëtitia Ogorzelec À 31 ans, la sociologue chercheuse à l’Université de Franche-Comté a reçu le prestigieux prix “Le Monde” pour sa thèse relative à la production sociale des miracles à Lourdes. Il en ressort des vérités jamais publiées.

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L aëtitiaOgorzelec l’avoue volontiers : les mails et les courriers inondant sa boîte à lettres l’ont - parfois - dépassé. Ces réactions font suite à son travail de doc- torante sur le sujet “Lemiracle et l’enquête”, original mais sen- sible, réalisé dans le cadre de sa thèse primée en 2013 par le prix “LeMonde de la recherche universitaire”, l’un des plus prestigieux en matière. La chercheuse a réussi àmettre le doigt sur un sujet ultra-sen- sible opposant deux mondes : d’un côté ceux qui croient dur comme fer au miracle, et de l’autre, les sceptiques. “Je ne suis pas là pour dire s’ils ont existé ou non… même si c’est un objet fascinant à étudier, dit Laëtitia, membre du labo- ratoire L.A.S.A.-U.F.C. (1). Mon travail de sociologue était de comprendre comment l’expertise a été mise en place par l’Église pour parler de miracle à Lourdes et pourquoi un bureau médical a été mis en place ici et pas ailleurs.” Pour étudier son sujet, Laëti- tia Ogorzelec a dû, et su, se fai- re accepter à Lourdes, dans un lieu où aucun chercheur - et encore moins de journalistes - n’avait pu jusque-làmettre les pieds. Ce lieu, ce sont les archives du bureaumédical où l’Église a compilé toutes les déclarations depuis 1858, date de la fameuse vision de Ber- nadette Soubirous. 7 000 décla- rations y sont stockées depuis 1858, 2 000 ont été déclarées “inexplicables” par les méde- cins et seulement 69 ont été reconnues comme “miracu- leuses.” Après deux longues années de tractations et de ren- contres, Laëtitia explique com- ment elle est parvenue à entrer dans ce lieu précieusement gar-

à Lourdes inconsciente et par- ticipe à l’office. Le prêtre lui ouvre la bouche et lui délivre un morceau d’hostie qu’elle a bien du mal à ingérer. L’hostie dans sa bouche, elle revient “miraculeusement” à elle. Mieux, elle a très faim alors qu’elle ne se nourrissait plus. “Ce qui est étonnant dans ce miracle, c’est qu’il se déroule devant du public et devant un prêtre. Des médecins vont l’ausculter.” Pour l’Église, le bureau médical sert de garan- tie : il doit s’assurer de la per- manence de la guérison afin d’être crédible. Bref, l’Église installe plusieurs filtres de contrôle en s’adjoignant les diagnostics de médecins : elle s’assure ainsi de la certitude rétrospective de la maladie, de la réalité de la guérison allé- guée et du caractère inexpli- cable ou non de cette derniè- re. Laëtitia démontre tout cela. Ses recherches ont - aussi - permis à la doctorante de mettre le doigt sur un fait his- torique jusque-là jamais évo- qué. Laëtitia met la main sur l’interrogatoire de Bernadet- te Soubirous interrogée par la police après ses apparitions de la Vierge Marie. Cet élément va - en partie - expliquer pour- quoi et comment Lourdes est devenu un lieu de pèlerinage : “On se rend compte que c’est l’autorité politique qui deman- de à l’Église de prendre posi- tion sur les événements. Dans les têtes, la Révolution n’est pas très loin et l’autorité s’inquiète de voir des regroupements mas- sifs d’individus qui viennent ici” explique la doctorante. L’Église freine un peu, veut que la science soit entendue avant de parler demiracle. Elle missionne alors une enquête médicale, prémices du bureau

dé par unmédecin, nommé par l’évêque : “Onme prenait pour une journaliste. Si j’ai réussi à me faire accepter, c’est après avoir prouvé que j’étais parve- nu àmieux connaître le site que certains membres de l’Église. Ils ont compris le but de mon travail” dit-elle modestement. Dans ses mains, elle touche aux dossiers des miraculés. Elle en choisit plusieurs dont celui de Jeanne Frétel, le 52 ème miracle (sur 69), l’un des plus originaux. L’Église n’a en effet mis que deux ans pour consi- dérer la guérison de cettemala- de alors qu’elle a mis 11 ans pour d’autres. “Au départ, on apprend que le miracle est basé sur une “simple” courbe de tem- pérature. Ça paraît simple. Finalement, en étudiant le dos- sier, on relève que le bureau médical possède plus de 30 pièces au dossier.” Premier docu- ment utilisé par l’Église : le certificat médical de Jeanne Frétel, daté du 10 août 1948, quelques mois avant son arri- vée à Lourdes. On y apprend que la malade souffre d’une péritonite

médical. Elle reconnaît le miracle. Le début d’une longue histoire…qui 156 ans plus tard attire des millions de croyants ou malades. Pour avoir “osé” défricher ce sujet visant à expliquer lamise en place d’un contrôle social à Lourdes, la Bisontine est donc récompensée d’un prix natio- nal. C’est d’autant plus remar- quable que cette étude a été réalisée sans bourse, l’obligeant à concilier études et travail. La voilà récompensée ainsi que son directeur de thèse, le socio- logue Jean-Michel Bessette. Récompense ultime : sa thèse sera publiée aux Presses uni- versitaires de France cette année. Et cela n’a rien d’un miracle. Juste le fruit d’un minutieux travail.

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(1) : Le Laboratoire de Sociologie et d’Anthropologie de l’université de Franche-Comté

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tuberculeuse. Elle a subi 7 interventions abdominales. Depuis trois ans, elle est complètement alitée.Son pro- nostic est très grave, sa maladie jugée “incurable.” La femme mala- de part de Rennes pour Lourdes. Un cercueil l’accompagne dans son voya- ge. Elle arrive

Le groupe qui possède la biscuiterie Buhler emploie près de 500 salariés.

Doctorante au laboratoire de sociologie de Besançon, Laëtitia Ogorzelec a été récompensée pour son travail portant sur la procédure de

reconnais- sance des miracles à Lourdes.

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